Réseau Bastille editorial,editorial-archive,livres L’État radicalisé, un livre de Claude Serfati, commenté par Charles

L’État radicalisé, un livre de Claude Serfati, commenté par Charles

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Parfois, un livre entre en dialogue avec l’époque, comme si l’auteur s’était préparé aux événements en cours. Ce n’est pas le cas de Claude Serfati mais ce n’est pas non plus un hasard : voilà des années que l’auteur travaille sur les rapports entre l’armée française, l’industrie d’armement, la politique de défense de la Vème République et l’État. Voilà donc « L’État radicalisé ».

Il y a quelques 20 ans, quelques mois avant que les avions kamikazes ne s’encastrent sur les tours jumelles de New York, le 11 septembre 2001, il forgeait une formule particulièrement heureuse, « la mondialisation armée » par opposition à « la mondialisation heureuse » vantée par les promoteurs du libéralisme.

« L’État radicalisé, la France à l’ère de la mondialisation armée »1 est à mettre entre toutes les mains. En quatre chapitres, l’auteur analyse les liens de la Vème République, son armée, la guerre, les guerres menées, le système « militaro-industriel », et enfin la « marche vers l’État militaro-sécuritaire ». Une somme. Ce travail ne se limite pas à l’analyse de la réalité économique du système.

On oublie souvent que De Gaulle était… Général de Brigade et que la Vème République fut fondée en 1958 sur les pavois des parachutistes insurgés à Alger, menaçant de sauter sur Paris pour ramener De Gaulle aux « affaires ». La guerre d’Algérie terminée, le Président de la République entreprit d’épurer et moderniser l’outil militaire : dissuasion nucléaire et organisation d’une armée en mesure de « projeter », quelques dizaines de milliers de soldats, notamment en Afrique, pour protéger les intérêts de la bourgeoisie. Tel était le substrat de la stratégie « d’indépendance de la France » justifiant le retrait du système militaire intégré de l’OTAN.

L’élection du président au suffrage universel lui a confié, seul, la responsabilité d’engager une guerre : sans débat ni vote à l’Assemblée Nationale… le « chef des armées » est seul à décider de déclencher le feu nucléaire ! Une armée, rappelle Serfati, ça prépare et ça fait la guerre. De fait, l’armée a mené quelques 115 interventions militaires depuis la chute de l’URSS…

La Bombe atomique et le commerce d’armes assure la position internationale de la France qui dispose d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Le gouvernement fait voter les crédits militaires (en très forte augmentation), en collaboration étroite avec le chef d’État-Major des armées (CEMA), puis la délégation générale de l’armement passe commande à l’industrie.

Tous les gouvernements de droite, de gauche mènent, depuis 1958, une politique néo coloniale en Afrique. Quant à « l’indépendance, elle a fait long feu : la France a réintégré l’OTAN sous commandement militaire américain alors que dans de nombreux pays africains, les peuples se sont mobilisés contre la France qui a dû plier bagage…

Claude Serfati démontre que les gouvernements, de Hollande à Macron, ont mis en place, sur le territoire national, une collaboration permanente et liberticide de l’armée avec la police. C’est ce qu’il définit comme la « complémentarité interactive » et rappelle ce qui a parfois été oublié : c’est le régime de Vichy qui crée la Police Nationale, alors que, depuis la Révolution Française, les polices étaient dirigées par les maires… Depuis, l’État centralise tous les pouvoirs de répression, l’utilisation de « La violence légitime » au premier chef contre les salariés, grévistes et manifestants.

La police est l’un des principaux piliers de l’ordre social. De lois sécuritaires en lois liberticides, sans oublier les décrets d’application, la police qui dispose d’un matériel moderne exerce un pouvoir quasi discrétionnaire. La lutte contre le « terrorisme » a permis « loi d’urgence » et mobilisation de l’armée sur le territoire national alors que le pays est pourtant en paix. « L’intervention militaire à l’extérieur et le durcissement sécuritaire à l’intérieur s’épaulent mutuellement et entretiennent une complémentarité interactive qui est codifiée dans la loi « Sécurité globale ».

Ainsi, la gendarmerie – institution militaire- est, depuis Nicolas Sarkozy, sous l’autorité directe du ministre de l’Intérieur. La police a accès à tous les fichiers possibles et imaginables. L’armée et la police, malgré quelques différends, marchent main dans la main, prêtes à assurer l’ordre dans les situations les plus tendues comme c’est le cas actuellement pour exiger le retrait de la réforme des retraites.

« Barkhane » en Afrique, « Sentinelle » en France, l’armée patrouille dans la rue, accoutume la population à sa présence. Lors des révolutions de 1830, 1848, la Commune de Paris, l’armée a réprimé jusqu’au sang. A la Libération, avec la création des CRS, c’est la police qui a été chargée d’assurer « le maintien de l’ordre » en premier lieu dans les territoires d’Outre-mer et la Nouvelle-Calédonie… Aujourd’hui, la situation a changé :

« Avant 2015, les soldats passaient 5 % de leur temps en mission sur le territoire national, une proportion passée à 40-50 % avec « Sentinelle » ». Tout est dit. La guerre sociale est à l’ordre du jour.

Dans le dernier chapitre, Claude Serfati étudie donc « la marche vers l’État militaro-sécuritaire ». La barbarie à l’extérieur, la répression à l’intérieur. Le « premier flic de France », Clemenceau répétait « la France réelle est fondée sur la propriété, la propriété et la propriété ».

La guerre, disait Trotsky, c’est l’explosion des forces productives hors des frontières nationales. Chaque « puissance » tente de protéger ses marchés, en conquérir d’autres, tout en réprimant les luttes des salariés, de la jeunesse. Cette tendance va inévitablement s’aggraver. Une police mobilisée contre les « classes dangereuses » collaborant avec une armée professionnelle sont les outils de la contre-révolution.

Il faut absolument lire le livre de Claude Serfati qui, en introduction, souligne que l’agression contre l’Ukraine par la Russie rapproche l’humanité du cataclysme nucléaire ».

« L’État radicalisé, la France à l’ère de la mondialisation armée » est un livre passionnant.

C.J.

Claude Serfati, l’État radicalisé (la France à l’ère de la mondialisation armée), Éditions La Fabrique, oct. 2022, 15€

5 commentaires sur “L’État radicalisé, un livre de Claude Serfati, commenté par Charles”

  1. Il faut donc l’invitait à une de nos réunion et qu’il nous présente son livre;par exemple

    le 22 mai à 14h.

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