Réseau Bastille editorial,editorial-archive N’oubliez pas les gilets jaunes, camarades

N’oubliez pas les gilets jaunes, camarades

Aujourd’hui, au lendemain de la journée de grèves et de manifestations du 31 janvier, difficile de tirer un bilan exhaustif d’un mouvement en cours. Toutefois, il est possible et nécessaire d’aborder certains points, ne serait-ce que pour introduire la réunion du Réseau du lundi 6 février.

D’un point de vue « pédagogique », disons-le clairement, une grande majorité de français a compris les buts de cette réforme. Dégager des milliards pour faire baisser les impôts des sociétés, s’attaquer au système de solidarité par répartition, faire travailler ou plutôt pour les anciens, chômer plus longtemps. Le mot d’ordre unificateur est bien retrait de la réforme basée sur l’augmentation de l’âge de la retraite.

La question posée maintenant est comment obtenir ce retrait et non pas de discuter de l’esthétique d’une grève. De fait la situation se complexifie et se politise.

Hier, le nombre des manifestations a largement augmenté depuis la semaine dernière. Le nombre de manifestants aussi, dans les manifestations traditionnelles et dans les multiples manifestations de province avec une attention particulière pour les villes moyennes et les petites villes qui entrent dans la lutte. Nous obtenons des chiffres proches des manifestations de 1995 ou 2007.

Ce n’est pas un mouvement protestataire pour accompagner le parcours parlementaire d’une loi, c’est le début d’un conflit profond qui va durer.

En revanche, le nombre de grévistes a diminué significativement, en particulier dans la fonction publique.

Manifestations en hausse, grèves en baisse.

Plusieurs explications sont possibles.

La colère gronde, elle s’exprime dans la rue, tous ensemble. Le conflit sera long et tout le monde s’y prépare. Dans un moment d’inflation galopante, de baisse du pouvoir d’achat, faire grève est extrêmement difficile pour la majorité des travailleurs.

Seuls les petits bourgeois manient la grève générale ou la « reconductible » avec la légèreté et le mépris qui les caractérisent.

Pour le moment, les « temps forts » du 7 et du 11 apparaissent comme raisonnables (avec des manifestations un samedi) dans une période parlementaire. Chacun sachant que les amendements et les gesticulations de gradins ne sont d’aucune efficacité autre que publicitaire et qu’il faudra « tous ensemble » entrer dans le dur de l’affrontement qu’il faut bien nommer de classe.

Si l’on cherche une première cohérence politique à ce mouvement, nous trouverons une correspondance entre les couches les plus touchées par la réforme, les manifestants de province, les formes d’organisations dans les zones rurales et périphériques et le mouvement des « gilets jaunes ».

A cette époque, nous avions constaté que le mouvement s’élevait à la recherche d’une autre société.

Qu’aucune forme traditionnelle de lutte ne pouvait convenir à ce mouvement résolument horizontal.

Qu’aucune forme d’organisation n’a réussi à le faire perdurer.

Et que la question de la représentation politique est superfétatoire.

Le refus de la réforme de la retraite aujourd’hui reprend les questions du choix de société , de la place et du sens du travail salarié dans une vie… et cela d’autant plus fort que plusieurs années de COVID ont profondément bouleversé l’approche du travail posté et rendu inacceptables les formes néolibérales de management.

La conclusion de l’analyse du mouvement des « gilets jaunes » portait sur l’ouverture et la définition de perspectives politiques. Aujourd’hui c’est à nouveau ce problème qui est posé.

Le 19 janvier, nous avons dit que l’unité des organisations a permis le succès incontestable des manifestations. Hier aussi. Mais il s’agit bien d’une permission et non de la création du mouvement.

Cette unité est importante mais il est aussi important de noter que toutes ces organisations, syndicales (je n’inclus pas la CGE,CFTC, UNSA n’ayant pas une connaissance suffisante) comme politiques qui soutiennent ce mouvement sont en crise grave, mortelle pour certaines.

Je ne vais pas faire une revue d’effectifs de la CGT à Solidaires, de LFI au NPA. Ces crises peuvent être diverses mais toutes ont en commun un problème démocratique et un déficit de projet politique adapté (les meilleurs programmes ne sont le plus souvent qu’œuvre littéraire sans volonté partagée de les mettre en œuvre).

Le mouvement en cours ne pourra donc pas compter sur une organisation, un parti, un messie ou une secte pour lui donner fournir la clé politique de son succès.

Il est d’ailleurs notable que dans bien des villes, les syndicats ont posé administrativement le parcours de la manifestation et ce sont les salariés, les habitants qui se sont organisés.

La réflexion politique, la mise en place d’analyses précises et de recherches sur les mouvements profonds sont à l’ordre du jour.

C’est à ce niveau qu’il faut envisager les discussions entre militants.

Ce qui ne veut pas dire que l’on doit se désintéresser des attaques contre les solidarités politiques nationales ou internationales.

Quand le POID écrit dans un tract que la réforme des retraites a comme objectif de dégager les budgets pour la guerre, il convient de combattre politiquement cette position infecte » La seule raison en est d’alimenter les caisses de l’État, notamment pour financer les 413 milliards d’euros de la loi de programmation militaire, 413 milliards pour la guerre ! « .

Il faudra donc , pas pour ces ignares, mais pour nous expliquer comment nous pouvons être pour la livraison d’armes à l’Ukraine et être contre la loi de programmation militaire.

Si nous voulons aider politiquement il faudra montrer la cohérence entre la lutte contre l’impérialisme russe et les autres, le droit du peuple ukrainien à vivre en paix dans ses frontières, la défense de la démocratie, celle des conditions de vie dans le monde néolibéral avec la réflexion collective pour un véritable changement de société.

Michel LANSON le 2février 2023

24 commentaires sur “N’oubliez pas les gilets jaunes, camarades”

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