Réseau Bastille editorial,editorial-archive La croisée des chemins, par Michel Lanson

La croisée des chemins, par Michel Lanson

Voyons dans quel cadre politique s’élargit la crise politique.

Lorsque que Nicolas Sarkozy, alors président, décide de faire passer le corps de la gendarmerie sous le commandement du ministère de l’intérieur il y eut peu de réactions hormis celles des militaires concernés.

Samedi 27 avril, à Sainte-Soline, sous prétexte de défendre un chantier de construction de méga bassines ( dont le conseil d’État a interdit le remplissage) les gendarmes mobiles envoient une pluie de grenades classées « armes de guerre » sur les manifestants venus en masse. Les secours sont empêchés d’intervenir ; on compte des centaines de blessés, des milliers de gazés, deux hommes sont toujours dans le coma. Ce calme coin des Charentes maritimes est devenu, l’espace d’une journée, une zone de guerre. Darmanin, le ministre responsable, se contredit, ment, accuse et finalement veut interdire l’organisation « les soulèvements de la terre ».

Les parents des deux victimes portent plainte pour tentative de meurtre et des rassemblements devant les sous-préfectures se tiendront ce jeudi.

Nous sommes dans la logique de la militarisation de l’État, phénomène analysé et bien documenté depuis la mondialisation « heureuse »de la finance (CF article de CJ sur le livre « L’État radicalisé » de Claude Serfati. )

Au cœur de ce qui était une crise sociale des retraites avant de devenir une crise politique depuis le non vote de la loi et l’emploi du 49.3, le même tournant est à l’œuvre. Depuis les manifestations des gilets jaunes, les violences policières (que plus personne ne qualifie de bavures) sont répertoriées, analysées grâce en particulier au travail de David Dufresne. Les charges, les gazages, les mutilations sont devenues habituelles. Macron avait promis, Nunes remplaçant le sinistre Lallement, qu’ il y aurait une autre politique « de maintien de l’ordre ». Mais que valent des promesses face à une logique politique, à un basculement vers la violence d’État.

Ce phénomène est inévitable dès lors que le pouvoir s’enferme dans sa logique autoritaire (le 49.3 est un acte d’autorité) sous la protection des seules institutions et de ses « gens d’armes ». Les discussions avec les syndicats, les parlementaires, les acteurs sociaux sont évacuées comme est remisée la démocratie sociale.

Dès lors, ce sont dix jours de manifestations et de grèves qui s’enchaînent comme s’enchaînaient les actes des « gilets jaunes ».

L’intersyndicale reste ferme sur l’exigence du retrait de la réforme. C’est encore le point d’appui d’un mouvement qui déborde au-delà. Si les effets terribles de l’inflation qui frappent les travailleurs ne favorisent pas la grève, il convient aussi de comprendre que la structure du prolétariat n’est plus la même qu’en 1936,1968 ou 1995.

Aujourd’hui, à cette étape de la confrontation, ce sont les manifestations qui centralisent les luttes éparses. Ce sont les manifestations qui sont l’expression de la détermination du mouvement. Depuis une semaine, elles sont dynamisées par l’arrivée de secteurs importants de la jeunesse (lycéens, étudiants qui bloquent, qui occupent mais aussi apprentis, jeunes chômeurs, travailleurs précaires).

Le mélange devient explosif et pourtant, jusqu’à ce jour, l’Élysée ou Matignon refuse toute discussion… sur la réforme. Ce refus est violent, les brav-m ne sont que l’expression sauvage de ce refus.

Cette situation, bloquée à un tel niveau de violences (symboliques et effectives) avec une telle intensité, inquiète. Inquiète les salariés, victimes de ces mesures, inquiète les syndicats qui voient leur rôle bafoué mais aussi des secteurs importants des milieux financiers et des soutiens originels du « macronisme ».

Martine Orange, dans Mediapart, cite de nombreux articles de la presse internationale qui critiquent frontalement la logique explosive de la politique de Macron. Certes, ce sont ces milieux qui pressaient la France à se « réformer ». Ils regardaient les grèves et les manifestations contre la réforme comme un rite de passage obligé mais quand Macron a tenté un passage en force, quand le voyage de Charles III a dû être annulé, l’inquiétude a figé les sourires. La détermination des manifestants, la montée des « Macron démission » dans les stades et dans les rues alertent dans les bourses et les chancelleries.

La crise financière, commencée dans les banques spécialisées dans les start-up, touche maintenant le cœur de la Suisse. Certes, les États depuis 2008 savent qu’il faut intervenir rapidement et bien souvent « nationaliser ». Mais, chaque fois, l’inquiétude croit. De plus, des pools de journalistes révèlent des scandales bancaires. Et, l’inflation n’est toujours pas jugulée avec ses conséquences sociales. La crise politique absorbe les dévoilements des pratiques frauduleuses et rencontre la crise économique. L’inquiétude se manifeste aussi « en haut ».

Depuis peu, dans la petite sphère politique française, des soutiens de Bayrou trouvent Berger très fréquentable. Des députés macronistes ne font plus leur marché (même en période électorale comme en Ariège) et appellent au secours. Les républicains se terrent, les « horizon » seuls soutiennent encore Macron comme la corde soutient le pendu. Le RN attend ; certains pensent qu’il peut rafler la mise ; ce ne serait le cas que si, et seulement si, le mouvement qui se déploie échoue.

Les forces politiques de gauche ont bien du mal à émerger dans cette crue politique. Après s’être vue à la tête de la contestation, marchant devant les syndicats, la LFI obtient des résultats médiocres dans l’élection partielle de l’Ariège malgré l’effondrement de Renaissance. Que restera-t-il à l’étiage ? Certains, comme le NPA, voudraient charger l’intersyndicale d’appliquer un programme d’action. Mais son rôle n’est pas de combler la faiblesse de l’extrême gauche.

Des organisations comme Révolution Permanente, s’appuyant sur la vitalité de la jeunesse, la détermination de certains secteurs (éboueurs, centrales, transports…), impulsent des actions dans les rues, sur les piquets de grèves, dans les réunions interpro… Le mouvement a besoin de cette énergie mais peut-il se contenter d’appels répétitifs à la grève générale. Le discours gauchiste dynamise dans la phase euphorisante de la mise en action mais peut lasser s’il n’est pas performatif.

La logique du moment voudrait que la prochaine journée d’action ouvre la porte à un « Emmanuel Macron…on va te chercher chez toi ».Mais qui va appeler à une manifestation nationale ? L’intersyndicale, la CFDT qui de toute évidence à besoin de sa « pause », la CGT prise dans les remous contradictoires de son congrès, une autre structure ?

La date de la prochaine journée, 6 avril, et celle de la décision du Conseil d’État (14 avril) sont de nouvelles bornes mais ne seront pas décisives, la crise est trop profonde. Les syndicats d’ici là seront reçus à Matignon. Mais la mesure d’âge ne peut être discutée, la réforme doit être retirée. Soyons attentifs mais les procès anticipés ne confèrent aucun diplôme en révolution.

De toute évidence le mouvement ne trouvera sa direction qu’en lui-même ; ce qui devrait stimuler l’analyse et bousculer les ritournelles.

Pour le moment et sans doute jusqu’à la prochaine journée du 6 avril ce sont les manifestations furtives et sauvages, les occupations, les opportunités militantes qui expriment la volonté d’en finir avec Macron et avec les institutions.

Les manifestations sont des flux qui charrient les espoirs et les ressentiments. Le syntagme vide « Tout est possible » ne définit rien mais rend compte d’un moment. Comment trouver le lieu du politique, sur les places, devant les sous-préfectures, dans des assemblées, des comités d’action…. De toute évidence, les schémas classiques n’ont plus court. Les comités interpro ne remplaceront pas les comités de grève, ce sont des lieux de regroupement militant pas de construction d’une pensée collective. Quelle forme prendront les regroupements qui permettront au large mouvement d’avoir une réflexion sur lui-même, de se projeter vers le combat politique et d’envisager l’avenir en commun ? Les prédicateurs ne servent à rien.

De toute évidence, la croisée des chemins se présente devant nous tous.

Pour nous, « pour notre camp », l’urgence est à la discussion ouverte entre sensibilités diverses pour avancer vers un avenir commun à tous les exploités.

C’est vraiment la croisée des chemins, l’important c’est la boussole et non l’emportement.

4 commentaires sur “La croisée des chemins, par Michel Lanson”

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