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La destruction de l’organisation révolutionnaire de la jeunesse par Pierre Lambert,

une contribution de Pierre Salvaing

Je crois qu’il n’a pas été encore accordé à la destruction du travail jeune de l’OCI toute l’importance qu’elle mérite. Elle est énorme. Un vrai travail d’historien sur ce que fut ce “travail jeune” est nécessaire. Ce n’est pas l’objectif de ce texte imparfait, incomplet, qui se fixe seulement de donner quelques indications, quelques pistes de réflexion et de discussion, que j’estime essentielles sur les causes de cette disparition.

Pour moi, le plus grand crime politique certainement qu’ait commis sciemment, en pleine connaissance de cause même, Pierre Lambert est la destruction de l’organisation de jeunesse construite (en construction) depuis le milieu des années 60 jusqu’au début des années 70.

Transposé en termes de droit, on pourrait parler d’assassinat politique.

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Rappel historique

Un bref rappel : Le “travail jeune” de l’OCI, né dans le milieu des années 60, a rapidement connu un développement très important à la fois à l’université, par le CLER (Comité de Liaison des Etudiants Révolutionnaires), et par les groupes Révoltes. Il dépassait numériquement de loin, les effectifs de l’OCI. Rien qu’à la Sorbonne, la FER (Fédération des Etudiants Révolutionnaires, qui succéda au CLER au printemps de 1968) rassemblait en Mai 1968 quelques centaines de militants. Dans le seul cercle Lettres de la Sorbonne, que je dirigeais avec Michel Sérac, nous étions jusqu’à 70 militants en plein mai 68. La FER était également sérieusement implantée dans plusieurs villes de province, comme Clermont-Ferrand.

Le CLER et les groupes Révoltes, bien que dirigés par des militants de l’OCI, n’étaient pas des organisations constituées principalement de militants de l’OCI.

L’OCI, qui constituait la seule organisation “adulte” à laquelle ces groupes se référaient, y recrutait un grand nombre de militants. Nous diffusions aussi bien Révoltes, la Lettre du CLER, qu’Informations Ouvrières, et même, pour certains, La Vérité. Mais l’indépendance, relative mais réelle, par rapport à l’OCI, fut presque toujours la tendance, sinon la constante.

C’est dans ces conditions que “travail jeune” représenta durant des années le principal vivier de militants de l’OCI.

La FER, comme dix autres organisations, dont l’OCI, fut dissoute par le gouvernement en mai 1968. Elle se reconstitua quelques mois plus tard avec les groupes Révoltes en Alliance des Jeunes pour le Socialisme (AJS). Jusqu’en 1973 environ, l’AJS connut un développement important également.

Le 1er Février 1970, plusieurs milliers de jeunes (environ 6000) de toute la France étaient rassemblés au Bourget.

En Juin 1972, l’AJS était l’une de principales organisatrices -sinon la principale- d’un rassemblement de jeunesse révolutionnaire à Essen, en Allemagne, pour la proclamation d’une Internationale Révolutionnaire de la Jeunesse. Plusieurs milliers de jeunes de différents pays européens y participaient.

C’est par manque de connaissances suffisantes que je ne parle pas ici de l’activité -pourtant réelle- et de l’implantation des groupes Révoltes qui recrutaient dans les localités, chez les jeunes travailleurs, les normaliens etc. .Un ancien militant m’a fait parvenir récemment, par exemple, le bilan de l’activité de son groupe d’alors, qui révèle une véritable, patiente et efficace intervention de Front unique, parvenant même à faire céder la résistance stalinienne à l’intérieur du cercle de la Jeunesse Communiste de son secteur d’intervention. Ce n’est certainement pas un exemple isolé. (1)

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L’importance fondamentale de l’organisation révolutionnaire de jeunesse

Sans le travail jeune de la fin des années 60 et du début des années 70, l’OCI n’aurait jamais pu connaître le développement qu’elle a connu dans les années 70. La formule qui ornait en sous-titre le journal “Jeune Révolutionnaire”, l’organe de l’AJS -“La jeunesse est la flamme de la révolution“- soulignait que, sans organisation de jeunesse, sans travail spécifique d’implantation dans la jeunesse, on ne peut construire d’organisation révolutionnaire.

Pourquoi ce travail jeune a-t-il décliné puis s’est-il effondré, avant de disparaître à peu près totalement en 1986? Pourquoi le “travail jeune” a-t-il progressivement été abandonné, comme méprisé, traité comme la cinquième roue du carrosse par la direction de l’OCI?

La question n’a à mon avis jamais été sérieusement abordée à fond. J’en ai déjà traité partiellement dans mon travail publié en 2016, (Ce que je sais de ce que fut l’OCI). Elle est pourtant au coeur de la disparition de l’OCI-PCI comme organisation révolutionnaire.

Il faut constater que, par la suite, depuis l’effondrement du “travail jeune” en 1986 (que la direction de l’OCI-PCI alors tenta de traiter presque comme un non-événement), rien n’a jamais été reconstruit par ceux qui se prétendaient les continuateurs de l’OCI, en dépit de quelques piètres tentatives. Daniel Gluckstein, un des dirigeants actuels des deux moignons d’organisation qui survivent à l’OCI, a même osé écrire, après la grève générale étudiante de 1986, un ouvrage titré “Qui dirige? Personne: on s’en occupe nous-mêmes“. Une sorte de sommet du déni de l’importance capitale de l’organisation révolutionnaire consciente de la jeunesse.

Je considère qu’il faut faire remonter à la grève générale de 1968 le début, d’abord souterrain, du déclin et de la mort de l’organisation de jeunesse de l’OCI. C’est à dire, contradictoirement, au moment même de sa plus forte influence dans le milieu étudiant.

Mai 1968 comme point de départ de la décision de destruction

Selon moi, le 10 mai 1968 a pu vraisemblablement agir sur le dirigeant incontesté de l’OCI, Pierre Lambert, comme une sorte de révélateur de ce qui distinguait et opposait même sa propre conception politique à celle des dirigeants jeunes, dont les deux plus révolutionnaires et doués pour l’être étaient Claude Chisserey et Charles Berg, avec Christian Neny juste après.

Je demeure convaincu que l’orientation des dirigeants du travail jeune était de volonté décidément révolutionnaire. Et Mai 68 permettait l’affrontement contre l’Etat dans des conditions supérieures même à ce qu’elles avaient été juste après-guerre.

Grâce à la faute du 10 mai, la ligne de tir a pu être faussée.

Je me souviens aussi du retrait ordonné en catastrophe d’une “Lettre de la FER” (je crois que ça s’appelait comme ça) déjà sortie de presse dans le courant du mois de mai 68, prête à la diffusion, et qui portait en titre quelque chose dans le genre: “A quand la prise de l’Assemblée nationale?“, si ce n’est même l’Elysée. J’ai participé à sa mise au pilon.

Evidemment, n’ayant jamais été dans le secret des dieux, je ne peux que citer ce que je connais.

Il est très probable, certain même, que les discussions et décisions de direction au sujet du travail jeune comme de l’orientation générale avaient dû donner lieu à des échanges faisant apparaître nettement à Lambert, à ses grande intelligence et expérience politiques en premier, la préfiguration d’un grand danger: le danger de voir compromise, battue en brèche, puis combattue, son orientation assez secrète, cryptée, dont l’excroissance la plus visible, mais ineffaçable, était la présence d’un Alexandre Hébert au Bureau politique.

Le fait que la direction de l’OCI dans son ensemble ait accepté cette présence incongrue dans la plus haute instance de direction de l’OCI n’a rien d’anecdotique. C’était une soumission, une démission même, de sa responsabilité de direction devant l’ensemble des militants qui l’avaient régulièrement élue en congrès. Le ver dans le fruit, la tache de moisissure révélant une maladie sérieuse. Une habitude prise. Chisserey et Berg, tous deux informés, ont accepté cette forfaiture.

Il m’est impossible de connaître toutes les raisons de cette soumission. Mais il paraît certain que l’énorme confiance politique dont bénéficiait Lambert, y compris auprès des jeunes dirigeants, a joué un très grand rôle.

Aurait-il pu en être autrement?

Il me paraît pourtant probable qu’avec des dirigeants comme Claude Chisserey et Charles Berg, sans compter Christian Neny, et forts des succès de construction de l’organisation de jeunesse, au national comme à l’international, la situation de Lambert à la direction aurait été nettement compromise à terme, et ce malgré l’aura considérable dont il jouissait même auprès de ces trois dirigeants.

Si ces jeunes dirigeants, débarrassés du carcan de la confiance aveugle en Lambert, avaient engagé sur leurs positions politiques, dans la brève fenêtre de tir où leur influence auprès des militants jeunes était à son sommet, ils auraient pu l’emporter dans l’organisation adulte.

Stéphane Just lui-même aurait peut-être pu alors, malgré toute sa rigidité théoricienne et sectaire, basculer: il n’était pas corrompu, lui, matériellement ni engagé physiquement dans des relations quotidiennes et des manoeuvres avec des directions d’appareils. Il n’aurait vraisemblablement pas non plus hésité puis renoncé, comme il l’a fait en 1977 ( avec Berg comme lanceur d’alerte) à chasser Lambert de la direction de l’OCI pour corruption financière avérée.

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Que s’est-il passé Le 10 mai 68? Cette “nuit des barricades” où des milliers d’étudiants affrontèrent seuls la force de l’Etat bourgeois a fait apparaître un clash très net, parce qu’il s’agissait pour la première fois pour l’organisation d’une décision d’action pratique, de haut niveau, face à l’Etat.

Jusqu’au 10 mai, il faut se rappeler que la FER avait joué dans la grève étudiante, dans son déclenchement et dans son mouvement en général, un rôle dirigeant, qu’elle pouvait disputer aux formations petites-bourgeoises -direction PSU de l’UNEF, JCR…

Mais le 10 mai, le Bureau politique de l’OCI, à sa majorité, décidait de se retourner face aux étudiants et de transformer la FER en donneuse de leçons en abandonnant le terrain du combat commun où elle s’était illustrée jusque là, dans un moment crucial de l’affrontement contre l’Etat. Seuls les dirigeants “jeunes” votaient contre, mais devaient s’incliner. (1)

Après ce retournement, le rôle et l’influence de la FER ont été durablement minorés, quelle qu’ait pu demeurer sa force de conviction et d’organisation, sur sa lancée et sur ses fondements profondément sains; cela, dans un milieu de jeunesse étudiante particulièrement réceptif à l’époque aux idées révolutionnaires, en particulier pour sa capacité à affronter l’appareil stalinien et sa politique contre-révolutionnaire, particulièrement visible aux yeux de la masse des étudiants dans le déclenchement de la grève générale.

L’absence physique de Lambert dans ce moment vraiment crucial, sans être forcément calculée (mais symbolisant déjà ses priorités d’alors), ne lui en a pas moins été utile: elle faisait reporter sur Stéphane Just le poids de l’autorité et de la décision. Il faut savoir aller pisser au moment des votes embarrassants. Et puis Lambert savait qu’il pouvait compter sur Just pour freiner les ardeurs, et puis aussi rien n’empêche de penser qu’ils aient pu communiquer pendant ces heures.

Il m’est donc aisé et pratique de faire remonter à cette date la décision de Lambert de détruire l’organisation de jeunesse.

La preuve -en creux- de l’importance de cette soirée et de cette nuit est le silence qui a été imposé par la direction, c’est à dire au premier chef par Lambert: pas de discussion dans l’organisation sur le 10 mai. Omerta.

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Une destruction méthodique

Mais ces choses-là ne se font pas en un jour. Lambert a agi ensuite avec méthode. Il a peu à peu retiré du travail jeune les éléments les plus utiles et nécessaires à sa construction. Mais il l’a fait morceau par morceau, dirigeant par dirigeant: le faire en bloc aurait été trop visible, et aurait risqué de souder contre lui.

Chisserey d’abord, le plus influent, le plus implanté, le plus aimé aussi. Berg, quelques années plus tard, pour parachever le travail. Entretemps, les cadres les plus valables embobinés, définitivement entravés comme permanents à sa solde.

En même temps, Chisserey et Berg ont été -et se sont- salis et compromis de diverses façons, dont l'”affaire Varga” principalement contre qui, malgré leurs réticences, ils ont fini par prendre position.

Jacques Kirsner, l’ex-Charles Berg, a déjà parlé de son entrevue avec Mitterrand. Je pense que Lambert l’avait alors jeté intentionnellement seul dans la gueule de ce loup. Cela ne se fait jamais ou ne devrait jamais se faire. Toute ma petite expérience de responsable syndical de bas niveau m’a toujours appris ce B-A-BA: jamais seul devant le patron, le recteur, etc. Toujours, au moins, des témoins.)

J’ai relu, par un ancien “vargiste” devenu mon ami, la totalité de ce qui a été rendu public alors. Parmi ces textes, le compte-rendu de la dernière réunion commune Lambert-Varga et quelques autres, parmi lesquels Chisserey, fin 1972. Dans cette longue réunion extrêmement tendue et pleine de menaces, proférées ou voilées, Chisserey n’a strictement rien dit, n’est jamais intervenu (d’après le C.R.). Ce n’était pas précisément son genre de se taire ainsi.

La salissure et la compromission se sont exercées d’autres façons, en particulier envers Berg. Lambert a su précisément lesquels de ses défauts il fallait flatter et encourager, par lesquels il pouvait corrompre; ceux-ci étaient assez visibles.

C’est aussi par là que, l’heure venue, il l’a fait exclure, tandis que lui s’en sortait les mains propres. Alors que deux années plus tôt, Lambert aurait pu être condamné par son organisation pour prévarication, qu’il pratiquait largement avec l’aide du trésorier Sorel.

Quant à Neny, il était moins dangereux, ce provincial loin du centre et de plus amoureux politique presque transi de son étoile Lambert.

Il restait de vraiment solide Michel Sérac. Celui-ci a été dévoré par la responsabilité de l’UNEF. Par la suite, il s’est outré et aveuglé de suffisance orgueilleuse, tout en sachant échapper au piège du travail de “permanent”.

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La prise de l’UNEF, arme à double tranchant

Parlons alors de le prise de l’UNEF; la prise de l’UNEF a été une arme à double tranchant, une victoire à la Pyrrhus, une “conquête” trop grosse pour notre petit organisme.

Cette victoire véritable, emportée de haute lutte sur l’appareil stalinien a en réalité fini d’étouffer le véritable travail jeune, tout en présentant pour l’orientation de Lambert, pour ses combines d’appareil, des avantages sans nombre.

Nos dirigeants étudiants sont progressivement devenus des manoeuvriers d’appareil, des combinards de congrès, des abonnés de ministère, perdant tout lien avec le combat révolutionnaire dans la jeunesse. Le recrutement dans l’organisation des étudiants gagnés par ce type d’intervention s’en est nécessairement ressenti.

Cependant, dans les premiers mois, et sans doute en particulier grâce à la guerre du Viet-Nam, la commission internationale de l’UNEF avait joué un rôle indéniable, qui n’était pas sans évoquer une sorte d’accompagnement ou de prolongement du combat pour la construction de l’IRJ. Mais il s’est vite arrêté (il serait utile de retrouver dans quelles conditions).

L’UNEF a dévoré les énergies révolutionnaires des militants étudiants. Dans le même temps, ses dirigeants étaient associés aux manoeuvres de Lambert avec les appareils de la FEN et de Force Ouvière, avant de l’être également avec la majorité mitterandienne du PS. Ces manoeuvres comprenaient des compromissions véreuses avec la direction de la MNEF, et préparaient l’entrée solennelle des militants du PS dans l’UNEF, à qui seraient réservés des positions avantageuses.

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1981 – L’achèvement du basculement

Lambert savait très bien en 1981 qu’en faisant alliance avec le PS pour intégrer les étudiants socialistes dans l’UNEF, c’était une alliance totalement déséquilibrée qu’il organisait : l’énorme PS d’alors écraserait sans coup férir la petite OCI. Opération rendue d’autant plus aisée que la direction étudiante de l’OCI, plongée dans l’UNEF jusqu’au cou, était déjà politiquement acquise au PS.

Lambert l’avait littéralement jetée dans ses bras, tout comme il avait jeté la centaine de militants engagés “secrètement” dans le PS dans la gueule du loup: seulement mandatés pour soutenir Mitterrand et sa tendance, sans ligne politique de construction d’un regroupement préparant la rupture d’avec le PS, ces militants ne pouvaient que sombrer, Jospin en tête.

C’était, logiquement, lié à la décision de la direction de l’OCI d’engager totalement l’organisation, dès la fin 1980, dans le soutien inconditionnel à Mitterrand en 1981.

Quelques mois plus tard, dès septembre, c’était, avec le soutien à la politique du gouvernement dans les universités, la décision logique de s’engager dans la participation aux conseils d’université: la direction de l’UNEF rénonçait à ce qui précisément lui avait valu sa victoire contre les staliniens en 1971.

Aucune voix contre ne s’est élevée dans le Parti, définitivement aplati après le congrès de 1979 qui avait conduit à l’exclusion de Charles Berg.

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La “réussite” de Pierre Lambert: la destruction de l’OCI

Pendant les années 70, il avait “suffi” à Lambert, pour combler le vide laissé par la décapitation des dirigeants jeunes, de confier à des camarades dont il savait parfaitement les limites, la direction d’un travail pour lequel ils étaient incapables. Il s’y succéda donc des dirigeants, simple gestionnaires, grandes gueules rouleurs de mécaniques sans précision, comme un “Sartana”, ou aussi inexpérimentés et déjà cyniques comme un Wander, ou éloignés et peu au fait des questions françaises et jeunes, comme un Cristobal (venu du Chili). Quant à Benjamin Stora, qui dirigeait alors l’Alliance des Etudiants Révolutionnaires, ou plutôt son fantôme, il ne pouvait faire pas le poids face à un Cambadélis, qui jouissait des faveurs très affectives, aussi démonstratives qu’utilitaires, de Lambert.

La destruction du travail jeune est donc un travail de longue haleine, et remarquablement mené, sans l’ombre d’une véritable discussion ni d’une vraie opposition dans l’organisation.

Claude Chiserey, puis Charles Berg, puis Christian Neny, ont été détruits, je dirai: méthodiquement.

Leurs “itinéraires”, pour reprendre une formule chère à Lambert, ont été divers, évidemment, mais comme les morceaux d’une explosion.

Claude Chisserey s’est suicidé en 1980, après des années de dérive confinant à la folie dépressive.

Christian Neny est devenu à peu près fou peu après. Il est mort récemment, avec de petites responsabilités syndicales dans FO, lui qui, dans ses années de dirigeant trotksyte, ne s’intéressait que de très loin aux manoeuvres syndicales (j’en ai assez payé le prix). Hélas, j’y ai plus qu’assisté, j’ai dû le combattre.

Des trois, Charles Berg s’en est le moins mal sorti, pas mal meurtri. Contradictoirement, il me semble que c’est son exclusion qui l’a individuellement sauvé.

Et je ne parle pas des autres, la liste des cadres de grande valeur détruits de différentes manières, avant même d’avoir pu se déployer, est relativement longue.

Un vrai massacre.

A la fin des années 70, surtout débarrassé de Berg qui aurait pu faire alliance avec Stéphane Just, Lambert a pu pressurer librement l’organisation, à partir de son prétendu “Comité Central” qui n’était guère qu’une chambre d’enregistrement de ses décisions.

Il osait encore alors affirmer et écrire, avec un parfait cynisme, que, sans l’apport décisif d’une organisation de jeunesse et d’un recrutement dans la jeunesse, la construction du “Parti des 10000” était impossible.

Cela ne l’a pas empêché de proclamer que l’OCI pouvait se transformer en Parti, le PCI, en décembre 1981, alors qu’aucun des objectifs décidés pour le faire, et notamment dans la jeunesse, n’avait été atteint, et de loin. Et ce, malgré l’adoption (à l’unanimité du CC) de la même “méthode” de recrutement qui avait fait condamner Charles Berg au congrès de 1979: comptabiliser comme militants trotskystes des gens qui avaient accepté d’engager une formation (GER) avant d’ envisager y entrer.

Mais ce n’était que façade: trois ans plus tard, en 1984, Lambert vidait littéralement de son contenu le prétendu PCI en quelques mois en proclamant, sous la dictée de son ami et mentor Hébert, le MPPT. Pour ce faire, il excluait de l’organisation les derniers ferments de résistance, en tête desquels son plus proche “associé” durant toutes les années 70, Stéphane Just.

Le MPPT, dans la direction duquel deux anciens -mais récents- dirigeants confédéraux de Force Ouvrière, Sandri et Jenet sans compter Alexandre Hébert, dirigeant FO de Loire-Atlantique, n’en affirmait pas moins sans rire “l’indépendance réciproque des partis et des syndicats”.

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Deux ans plus tard, ce qui restait du “travail jeune” passait massivement au PS, dont depuis des années il avait épousé la politique, sous l’impulsion et la direction même de Pierre Lambert.

De la même façon que la faute du 10 mai 1968 était passée aux oubliettes, cette désertion massive et soudaine était présentée aux militants comme un non-événement, un épisode sans gravité ni conséquence. Michel Sérac lui-même, auréolé par son titre d’ancien président de l’UNEF, en présentait le rapport en réunion générale.

Il ne s’est évidemment jamais rien reconstruit dans ce secteur, vital pour une organisation révolutionnaire, depuis.

  1. – La grève générale des Ecoles Normales d’instituteurs en 1969, dirigée par des militantes et militants de Révoltes, en est également une preuve éclatante.
  2. – C’est la nuit du 10 mai qui entraîna l’énorme manifestation du 13, et permit ainsi le déclenchement de la grève générale.

____________________________Pierre Salvaing, 17 mars 2023

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