Réseau Bastille editorial,editorial-archive Pour un débat fraternel, par Jacques Kirsner

Pour un débat fraternel, par Jacques Kirsner

L’Iran est en quasi-insurrection

Depuis des semaines, femmes, jeunes, rejoints par les ouvriers des raffineries, une partie de la bourgeoisie affrontent la police renforcée par les mercenaires religieux. Plusieurs centaines de manifestants ont été abattus dans la rue et les Mollahs commencent à pendre certains manifestants. Cette mobilisation révolutionnaire est sans égal. Qui l’emportera ? Les masses ou les Mollahs ? À Téhéran, l’histoire s’écrit.

En Ukraine depuis près d’un an, la résistance du peuple, pour partie en armes, est exceptionnelle. Héroïque. Poutine voulait renverser le gouvernement, envahir Kiev, mater la population : c’est un échec total.

La mobilisation du peuple, armé par l’occident, a contraint l’armée russe à la défensive : l’Ukraine a remporté plusieurs victoires. Poutine utilise ses missiles pour détruire dans la profondeur les infrastructures, terroriser la population. Nul ne sait de quoi l’avenir militaire et politique sera fait car nul n’est en mesure d’apprécier les réactions du peuple russe. La réponse à cette interrogation est fondamentale. Le commandement s’avère incapable, corrompu, or la stratégie militaire procède du politique « Percez donc à jour les plans de l’ennemi et vous saurez quelle stratégie sera efficace et laquelle ne le sera pas », enseigne Sun Tzu, or Poutine n’a visiblement plus de stratégie, de surcroit à l’international, il est isolé : malgré ses appels, la Chine refuse de s’engager à ses côtés… Le régime est sous pression, d’autant que l’attaque contre l’Ukraine a paradoxalement permis à l’impérialisme américain de marquer des points. L’OTAN que Macron considérait « en mort cérébrale » est revigorée. De nombreux pays Finlande, Suède, évidemment Ukraine souhaitent rejoindre l’Alliance militaire. Loin de rompre l’encerclement de la Russie, Poutine l’a aggravé… Sinon la Hongrie, tous les pays européens sont ligués contre Moscou, renforcent leurs armées à la satisfaction… des industriels américains.

La guerre en Ukraine permet aux États-Unis de reprendre un rôle déterminant dans l’ordre mondial.

En cette nouvelle année, c’est à Londres que la lutte des classes européenne est à l’ordre du jour. Cette mobilisation est encadrée par les Trade Unions mais elle est massive, puissante. Margareth Thatcher, Major et Tony Blair sont de lointains souvenirs… Les masses affrontent un gouvernement conservateur ultra-minoritaire : cette mobilisation peut tourner à l’avantage des salariés. Ce serait alors un appel d’air, un point d’appui considérable pour les luttes de classes dans tout le continent.

Si à Londres les salariés sont au combat, à Paris, il ne se passe rien. La situation peut changer, mais répétons-le, pour l’heure, c’est encore Macron, pourtant très affaibli, qui est à l’offensive sur l’assurance chômage comme les retraites. L’inflation atteint 7%, les prix de l’alimentaire ont augmenté de plus 10% et le patronat n’a lâché, au mieux que 4% plus ici ou là une prime. Même dans les raffineries où la grève a été puissante, le patronat n’a rien cédé de significatif.

Les difficultés financières, la misère gagnent du terrain. Qu’on songe à la situation des étudiants : des dizaines de milliers d’entre eux ne parviennent pas à manger deux fois par jour, survivent en fréquentant les différentes banques alimentaires !… Du jamais vu.

Or l’UNEF inexistante, la jeunesse, plaque sensible de la société, ne se mobilise pas. Et pourtant le pouvoir est d’une grande fragilité.

Présentant ses vœux aux lecteurs du Figaro, le directeur des rédactions décrit avec lucidité l’état du pays sans masquer son inquiétude. « La curieuse impression que tout se détraque, que tout se délabre, que tout se déglingue ». Pour le porte-parole de la bourgeoisie, l’année 2023 exige que Macron tienne – enfin – ses objectifs dans la mise en œuvre des « réformes » ou… disparaisse. Président et gouvernement résistent grâce aux institutions de la Ve République.

J’essaie de faire preuve de lucidité pendant que certains groupes, militants, annoncent grèves à répétition, voire grève générale ! Souhaitons qu’ils finissent par avoir raison, mais constatons que l’atonie sociale, cette impuissance a gagné les organisations politiques. Hier, le POI a exclu 30, 40% de ses militants, comme toujours sans débat, provoquant la création du POID soit une secte de plus.

Le NPA avait déjà connu une scission. Lors de son dernier congrès, l’organisation s’est scindée en deux forces d’égale importance. Quant à la France Insoumise, elle est en voie d’implosion. L’affaire Quatennens a fait exploser le régime quasi dictatorial, ultra bureaucratique imposé par JL Mélenchon et sa garde rapprochée le… POI ! Le camarade Robert Duguet a parfaitement décrit, expliqué cette situation.

Quant à la NUPES, les prochaines élections européennes acteront son décès… Tout se « déglingue » du côté de l’extrême gauche…

Tel est l’état des forces politiques.

Naturellement, chaque crise a son histoire, mais toutes s’inscrivent dans la même problématique : le recul de la lutte des classes face à une bourgeoisie toujours à l’attaque. L’échec de l’offre politique à « la gauche de la gauche », le PS et le PC ayant déjà quasiment disparu, semble clore toute une époque. Le temps des illusions est révolu.

Depuis 1938, depuis la fondation de la IVe Internationale par Léon Trotsky, 85 ans se sont écoulés. Dans de nombreux pays, des militants intelligents dévoués ont tenté de bâtir l’Internationale, des sections nationales. C’est un échec.

Tout est à reconstruire. Tout. Alternative historique, programme d’action, organisation.

Dans une interview publiée par Mediapart, François Sabado revient sur l’histoire du NPA. Sa réflexion est intéressante, naturellement discutable : il s’interroge avec sincérité sur l’échec d’une formation qu’il a contribué à fonder. À l’extrême gauche, il faut le souligner, c’est une démarche rare. Il a raison lorsqu’il rappelle que nos espoirs de Révolution en Europe ont été battus en brèche par… la réalité. Sinon au Portugal, il n’y a eu aucune révolution sur le continent. Certes, nous avons vécu en Pologne, Tchécoslovaquie, en Grèce, en France des crises et mobilisations révolutionnaires. Mais nulle part, les masses n’ont franchi la « frontière », n’ont tenté de briser l’appareil d’État, entrainé tout ou partie de l’armée au combat émancipateur. C’est la réalité. Il faut la reconnaitre, y réfléchir. Il y a quelques mois au Caire pour des raisons professionnelles, je discutais avec un enseignant francophone qui sortait de prison, évoquait la « Révolution arabe ». Il m’a coupé pour préciser : « la contre-révolution. » puis il a posé sa main à hauteur d’homme contre le mur et précisé : « les militaires ont tiré à la mitrailleuse : le sang giclait jusqu’à cette hauteur… » Ça m’a évidemment fait réfléchir. Ce militant ne regrettait rien et continue à agir pour balayer le régime du maréchal Sissi… Mais il essaye de penser l’espoir révolutionnaire à l’aune de l’expérience. Nous n’avons pas connu de révolution en Europe – hors Portugal – car les masses n’ont éprouvé l’envie, le besoin d’agir à ce niveau.

À la Libération, une partie du peuple était en armes, l’état pétainiste fracassé, la prise du pouvoir par les masses, possible. À ce moment, le PC et le PS alliés à De Gaulle ont élevé une digue contre-révolutionnaire fait refluer les masses. Ensuite, jamais – sinon répétons-le, en 1974 à Lisbonne – la classe ouvrière n’a posé la question du pouvoir en termes d’action directe. Même en 1968. Ça ne signifie évidemment pas que la nécessité de balayer Macron, la Ve République, le système capitaliste a disparu. Au contraire. À cet égard, la mobilisation des « Gilets Jaunes » a constitué un évènement politique majeur, spontané, dans la durée, ils ont manifesté vers l’Élysée…

Pour avoir une chance d’élaborer une alternative anticapitaliste sérieuse, il faut discuter, réfléchir avec passion mais calmement, fraternellement à l’ampleur théorique de ces problèmes. Le ton utilisé est un élément majeur du débat démocratique. Polémiquer brutalement est un signe de faiblesse. Un obstacle. Il faut absolument rompre avec la stigmatisation qui est la marque des sectes.

Peut-être que notre site peut y contribuer.

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