Les monstres, par J. Kirsner

C’est un évènement majeur de la rentrée. Une catastrophe.
Lors de leurs universités d’été, les Verts, La France Insoumise ont invité un antisémite notoire le rappeur Médine : il y a quelques années il avait mis en scène sa haine des juifs, en plastronnant aux côtés d’un « spécialiste » condamné à de multiples reprises : Dieudonné. Le rappeur vient de réapparaître dénonçant dans un message puant la fille d’un déporté Madame Kahn. Un texte odieux.

Surpris par les réactions il a « regretté », plaidé une « erreur » une « maladresse ». Malgré ces misérables palinodies les écologistes et les Insoumis ont maintenu leurs invitations, la dirigeante des Verts préparant même le « débat » public avec Médine
afin d’éviter de nouveaux « malentendus »,….

Depuis L’affaire Dreyfus, la gauche a toujours combattu l’antisémitisme.
En invitant ce rappeur antisémite les organisateurs tentent de séduire les jeunes musulmans des banlieues déjà stigmatisés socialement.
Il y a les appareils et il y a les militants.
Révoltés, certains se sont manifestés : ils ont raison. Leur responsabilité est engagée.
Jean-Luc Mélenchon a osé : « Médine n’est pas antisémite puisque nous l’avons invité » Circulez !
Jamais je n’aurais imaginé que le cancer antisémite fasse retour dans la société française.
Je me suis trompé.

Gramsci nous avait mis en garde : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres, ».

Nous en sommes là.

Jacques Kirsner

De décomposition en décomposition, par Robert Duguet

Au milieu de l’été, deux initiatives se font connaitre.

1)Disons un mot déjà du mouvement « Rencontres souveraines » prévu pour une réunion les 23 et 24 septembre 2023 à Nîmes, initié par un accord politique entre « République souveraine, laïque et écologique » et « Oser la France ».

      Cet accord s’inscrit dans la continuité de la défense du souverainisme français contre « l’Union européenne supranationale en instaurant une Europe des nations indépendantes ». Rappelons que la « social-démocratie » française, plus exactement le parti de François Mitterand, avait soutenu en 1990 la coalition militaire de 35 États dirigée par l’impérialisme américain contre l’Irak. Il s’en était suivi une crise qui s’était soldée par le départ de Jean-Pierre Chevènement du gouvernement, alors ministre de la Défense. Puis la création du MDC (Mouvement des Citoyens), organisation qui devait entrainer une fraction militante importante venant du PS. Ce parti devait entrer en décomposition rapide, compte tenu de la ligne de ses fondateurs, l’ex-CERES. Il ne s’agissait pas de résister à la vague néo-libérale qui allait profiter opportunément de la dislocation de l’URSS, mais d’unir « les républicains des deux rives », de Chevènement au couple Pasqua-Séguin. On rappellera que Jean-Pierre Chevènement, qui devait servir d’aile gauche à François Mitterand, avait fait ses classes dans le club Patrie et Progrès, groupuscule de gaullistes de gauche, qui était pour maintenir l’Algérie française. L’initiative actuelle nous sert le même brouet faisandé.

      « Oser la France » est fondé par Julien Aubert en 2017. Il est haut fonctionnaire et député du Vaucluse de 2012 à 2022. Il fut secrétaire général adjoint des Républicains de 2017 à 2019. Il se situe dans l’héritage de Philippe Séguin et secrétaire général de l’Association des députés gaullistes depuis septembre 2012. Lors du congrès de 2021 des Républicains, il soutient Éric Ciotti. Se situant dans la ligne du « gaullisme social et souverainiste », on retrouve dans « Rencontres souveraines », la remise sur le métier de la ligne de l’union des « républicains des deux rives ».

      Georges Kuzmanovic (né à Belgrade en 1973), ancien combattant et officier de réserve, est un personnage qui a joué un rôle particulièrement réactionnaire sur les questions internationales auprès de Jean-Luc Mélenchon. Selon Wikipedia, il a commencé sa carrière dans les missions humanitaires au Rwanda, après le génocide des Tutsis, au Mali où il construit des puits et des dispensaires. En France il crée un lieu d’hébergement pour les sans-abris et fonde l’ONG Autre Monde. Il est intéressant de noter que c’est là qu’il se lie à la gauche du PS, dont Benoît Hamon, mais surtout Charlotte Girard. C’est elle qui le présente à Jean-Luc Mélenchon en 2005. Lorsque ce dernier fonde le PG (Parti de Gauche) en 2008, il entre dans la direction du nouveau parti et, fait à souligner, fonde une section locale en Russie, dont le responsable Alexey Sakhnin sera exclu en 2022 en raison de sa condamnation de l’offensive militaire russe en Ukraine. En 2018 Kuzmanovic devait multiplier les prises de position contre la ligne officielle de la FI : il se prononce dans l’Obs « pour l’assèchement des flux migratoires », puis considère les luttes féministes comme secondaires. Après avoir justifié l’intervention russe en Syrie en 2015, on le retrouve soutenant l’intervention en Ukraine et qualifiant le régime de Kiev de « pronazi ». C’est ce personnage, que l’on peut qualifier de « rouge-brun », qui s’associe avec son organisation « République souveraine », à l’opération « Rencontres souveraines » de septembre 2023.

      Présence surprenante dans cet aréopage de Charlotte Girard, fondatrice du PG avec son ex-époux François Delapierre disparu en 2015 et qui était pressenti pour devenir le dauphin de Jean-Luc Mélenchon : nous avions apprécié de cette camarade, lors du mouvement des gilets jaunes, sa critique de la position de la FI. Elle reprochait au mouvement de se situer fondamentalement dans le jeu des institutions de la Vème République. Cette critique devait l’amener à quitter la FI, alors que la direction du mouvement lui refusait en fait de se porter candidate dans le scrutin européen de 2018. On ne pouvait que saluer les critiques avancées par elle du fonctionnement antidémocratique de la FI. Mais de là aujourd’hui à se retrouver dans la même cour que le rouge-brun Kuzmanovic aux côtés de personnalités de premier plan des Républicains, comme Julien Aubert, ce n’est plus un écart mais un naufrage !

      2)Dans le même moment politique, un appel de 400 militants, animateur des Groupes d’Action locaux de la France Insoumise vient d’être publié. On notera bien sûr l’exaspération de militants de base qui sont dépossédés du contrôle de leur propre mouvement. Tout est mis en musique par un groupe de fidèles aux ordres d’un président bonapartiste. Mais enfin camarades ! Peut-être est-il temps de s’interroger sur ce qui motive cette absence de démocratie. Il y a une explication. Les signataires écrivent :

      « Nous ne voulons plus nous contenter de jouer les petites mains au service d’une poignée de « cadres » qui décident pour nous et en notre nom, d’autant plus dans un mouvement qui prône la 6ème République, la révocation des élu.e.s et le RIC.»

      Une remarque : la revendication d’une VIème République est quasiment absente de la ligne politique générale du candidat Mélenchon en 2022. Certes, ici et là, les militants dans les réunions peuvent en parler mais ce n’est pas l’axe de la campagne, pas plus que celle de la législative qui va suivre. Quant à la révocation des élus, la dernière fois que le candidat l’a avancée, c’était lors du meeting de rue du 21 mars 2012 à la Bastille, initiant la campagne électorale et commémorant la Commune de Paris de 1871. Depuis, nous sommes passés de la forêt de drapeaux rouges de 2012 au bleu-blanc-rouge de 2017, avec interdiction du rouge. Quant à la singularité de la campagne de 2022, présidentielle et législative, elle se déroule sur fond d’agression du régime autocratique de Poutine contre les droits fondamentaux du peuple ukrainien. Alors que la guerre revient en Europe, silence fut imposé dans les élections !

      La gauche se tait !

      Celui qui se tait exonère !

      La vérité est que FI, du moins son petit imperium, défend une politique encadrée dans le respect des institutions du « coup d’état permanent » (1). Le macronisme fait une démonstration tout à fait aveuglante du point où peut conduire la survie de ce régime bonapartiste : un pouvoir qui gouverne contre son peuple et une police qui devient une milice de guerre civile, sur fond de guerre aux portes de l’Europe. Il n’y a pas de démocratie possible dans la longue agonie de la Vème République, pas plus qu’il n’y a pas de démocratie possible dans la FI, mouvement constitué sur la seule préparation du plébiscite bonapartiste. Cet appel se heurte au mur des institutions. Le problème n’est pas aujourd’hui de les démocratiser mais de les renverser. La seule place qu’un mouvement politique peut occuper est celle de devenir nous-mêmes le pouvoir constituant. Discutons du fond et non de la forme de la démocratie. Car l’indigente conclusion résume l’absence de construction d’une alternative : « La prochaine échéance électorale est en mai 2024. Nous avons encore le temps. » Et en 2024, à savoir une élection européenne qui verra encore grossir le nombre des abstentionnistes, on peut aussi tranquillement (on a le temps n’est-ce pas !) attendre la présidentielle de 2027… En attendant Macron continuera de frapper… Quant à la VIème République dont vous vous réclamez à juste titre, par quel coup de baguette magique va-t-elle surgir ? Par la volonté de Bonaparte qui imposera, comme il l’a proposé il y a un certain nombre de mois, une constituante formée par des députés tirés au sort ? Votre texte glisse silencieusement sur la question centrale de la Constituante, c’est-à-dire sur la question des outils qui pourraient permettre au peuple de retrouver son pouvoir souverain.

      Cet appel est un couteau sans lame !

      (1) Formule de François Mitterand)

      APPEL

      Le texte des 400

      https://framaforms.org/sites/default/files/forms/files/appel_fi_6eme_dans_lfi_2_.pdf

      Pour la 6ème République à la France Insoumise

      Nous, militant.e.s de France Insoumise, de longue date ou plus récent.e.s, avons été mobilisés comme jamais et très déterminés lors des séquences électorales depuis 2016 (et bien avant pour nombre d’entre nous). Ces campagnes, inventives et joyeuses, nous ont enchantés, révélant en nous un enthousiasme et une force dont nous ne soupçonnions parfois pas l’existence !

      Sur le terrain, dans nos villes et territoires, comme dans la plupart des luttes (Gilets Jaunes, réforme des retraites, assurance chômage…), nous avons presque toujours été les seuls représentants politiques de gauche (mis à part quelques camarades communistes parfois et d’autres du NPA bien souvent).

      Cet engagement, souvent au détriment de nos vies familiales et professionnelles, est une caractéristique importante, pour ne pas dire essentielle, de notre mouvement : il est le prolongement naturel du fabuleux programme que nous portons. Et pour les gens, il est un repère crucial, peut-être même l’espoir d’une alternative rigoureuse et radicale pour réparer les dégâts des politiques néolibérales des 30 dernières années et construire un monde nouveau.

      Nous, militant.e.s de la France Insoumise, tirons la sonnette d’alarme. Nous traversons en effet une véritable crise interne liée aux décisions « verticales » à répétition que nous subissons : par exemple de la création de l’Union Populaire à la création de la NUPES, à aucun moment nous n’avons été consultés. Qui rejoint ces parlements ? Qui en devient président.e ? Qui décide de leurs créations et de leur rôle ? On ne sait pas… On devine juste ou on l’apprend par les médias…

      Ce dysfonctionnement, ou plutôt l’absence totale de démocratie entre les « décideurs » et les militants de terrain que nous sommes, n’est pas nouveau à la France Insoumise ; à de nombreuses reprises, et sur des sujets d’importance, notre avis a été ignoré. Absence de débat interne sur la gestion de la crise sanitaire, nomination des porte-paroles sans consultation des militant.e.s, impossibilité de dresser des bilans après des élections… sont d’autres exemples de dysfonctionnements qui nous inquiètent.

      Nous avons souvent été d’accord avec les décisions prises tout en regrettant qu’elles soient venues d’en haut sans consultation interne. C’est bien sûr pire quand nous sommes confrontés à un choix avec lequel nous sommes en désaccord. Par exemple, et pour l’ensemble des signataires de cet Appel, la décision des alliances en haut, très éloignée des réalités du terrain et sans l’avis des militant.e.s, est une décision dévastatrice et a localement affaibli les groupes d’action.

      Pour d’autres, l’absence d’un espace où on peut se parler, tirer des bilans et constater des désaccords provoque un réel turn-over. Des camarades s’éloignent découragés alors même qu’ils restent en accord avec notre projet commun.

      Début Novembre, apprendre par voie de presse la recomposition des instances de notre mouvement, à 48h d’une Assemblée populaire (décidée par qui ? avec quelle stratégie ?) est un autre motif d’exaspération…

      Et les exemples ne manquent pas de décisions qui nous concernent et qui sont prises sans débats ni explications : même quand on en demande, le siège se mure dans un silence la plupart du temps.

      Alors, beaucoup d’entre nous sommes aujourd’hui pris entre deux feux : essayer de changer les choses en construisant ensemble une véritable structure rendant possible à la base de participer au choix des orientations politiques importantes, comme la stratégie et les alliances, ou tout simplement rendre publique cette pratique très discutable…

      Car si notre détermination à faire émerger un monde meilleur reste intacte, nous ne voulons plus nous contenter de jouer les petites mains au service d’une poignée de « cadres » qui décident pour nous et en notre nom, d’autant plus dans un mouvement qui prône la 6ème République, la révocation des élu.e.s et le RIC.

      Nous, militant.e.s de la France Insoumise, demandons à être respectés et entendus rapidement ! Que ce soit aux Amphis ou dans les échanges entre militants sur le terrain, cette demande forte est importante et présente sur tout le territoire.

      Notre mouvement ne survivra pas à cette verticalité incessante, en totale contradiction avec les principes que nous défendons. Le contexte pourri d’alliance des droites et de l’extrême droite nous oblige à être rassemblés, à être encore plus forts. Or notre renforcement passe par la co-construction des instances de décision.

      La prochaine échéance électorale est en mai 2024. Nous avons encore le temps.

      Humeur massacrante, par Jacky Assoun


      Je n’en peux plus d’entendre, sur les plateaux de télé, professionnels du débat et experts en tout genre bavasser sur les voyous, les émeutiers qui cassent des vitrines et brûlent des poubelles. Sans comprendre la profondeur de la crise.

      Oui, disent-ils benoitement, on comprend leur colère mais tout de même, il faut respecter les biens et la “République”.

      Mais de quelle République parlent-ils? Celle qu’on appelle la 5ème avec sa constitution antidémocratique, celle avec le 49.3 ?

      J’ai envie de leur dire : JE SUIS AVEC EUX.

       Certes, casser des vitrines ne change rien. Monter des guets-apens aux maires, s’attaquer aux pompiers est irresponsable.

      Mais, que les bavards et les serviles arrêtent de retourner la situation toujours du côté du pouvoir.

      Marre de ces meurtres impunis commis par des flics fascisés, des cow-boys baqueux, des motards tueurs, libérés de tous scrupules par les lois des gouvernements Hollande et Macron.

      Marre de ces gens qui transpirent la haine des jeunes qu’ils appellent les nuisibles.

      Ils n’ont pas le respect de la vie. Ils tuent.

       45000 policiers et gendarmes, véhicules blindés, hélicoptères, drones etc…

      C’est la guerre qu’ils veulent comme le dit ouvertement Alliance et UNSA Police.

      Moi aussi je suis en colère.

      Une colère qui fait trembler la main et mon stylo.

      Moi aussi j’ai envie de tout casser, de chasser à coup de pied au cul, tous ces salauds.

      J’ai envie de dire aussi, pourquoi pas une seule direction syndicale n’appelle la population à une manifestation de soutien à ces jeunes contrôlés tous les jours et abattus pour un refus d’obtempérer ?

      Et là, je le dis haut et fort

      Ça suffit, foutons les dehors.

      Jacky

      Résumé de l’intervention du 27 juin (Chili) par Patricio P.

      J’aborderai deux faits politiques majeurs après l’élection de Gabriel Boric au gouvernement le 11 mars 2022. Le premier est celui du résultat du referendum de sortie du 4 septembre 2022 concernant le Projet de Constitution élaboré par la Convention constitutionnelle, élué au suffrage universel. Dans ce referendum, ledit projet a été rejeté par une grande majorité des votants, donnant ainsi un grand succès politique à la droite qui ne voulait pas d’une constitution de plus démocratiques proposée à ce jour à niveau international. De même que les néo-libéraux du conglomérat de la Concertation. Je proposerai une approche de comment comprendre cette défaite politique abyssale des classes dominées après leur massive mobilisation en octobre 2019.

      Le deuxième fait politique à traiter, sera le résultat de l’élection du Conseil Constitutionnel du 7 mai 2023, du deuxième processus d’élaboration d’une Constitution, suite au rejet de celle de la Convention Constitutionnelle le 4 septembre 2022. Ce nouveau processus piloté complètement par le pouvoir constitué, le Congrès. Tous les appareils politiques veulent cette fois-ci retirer le poids excessif des demandes « identitaires » du projet de Constitution initiale, en se référant aux principes « ethniques et de genre » qu’il contenait. C’est-à-dire la définition de l’État comme plurinational et qui adoptait des principes féministes. Une analyse du vote permettra de relativiser le poids obtenu par la nouvelle extrême droite, le Parti Républicain, en prenant en compte l’ensemble des inscrits par rapport aux votes exprimés.

      Du passé faisons table rase, par Bernard Fischer

      C’est le moment du bilan du mouvement social du premier semestre 2023 pour la défense des retraites.

      Ce bilan est difficilement contestable. C’est une victoire du gouvernement d’Emmanuel Macron et c’est une défaite de l’intersyndicale.

      Après vingt ans de défaites syndicales successives, ce bilan était facilement prévisible. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. C’est une nouvelle démonstration selon laquelle il n’y a pas d’issue syndicale. Toutes les stratégies syndicales sont des stratégies perdantes, en particulier les deux principales d’entre elles, la stratégie des journées d’action et la stratégie des grèves reconductibles minoritaires dans un certain nombre de catégories professionnelles.

      Après cinq mois de mobilisation, les questions les plus simples sont toujours sans réponse. Le mouvement social de cette année était-il seulement un mouvement syndical contre le report de l’âge de départ en retraite ou bien était-il un mouvement politique contre la totalité de la politique du gouvernement ?

      Il y avait cette année le problème supplémentaire de la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT). Il y avait très peu sinon pas du tout d’auto organisation du mouvement. Le mouvement était totalement sous la direction de l’intersyndicale et l’intersyndicale était totalement sous la direction de la CFDT. Il y avait une incompréhension totale du sens de l’unité syndicale. L’unité syndicale n’était pas positive en soi. Ce n’était pas un tournant à gauche de la CFDT, c’était un tournant à droite de la Confédération Générale du Travail (CGT).

      L’unité syndicale de cette année était la répétition générale de l’unité politique d’il y a cinquante ans. Il y a cinquante ans, la signature du programme commun de l’union de la gauche entre le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français (PCF) provoquait une inversion du rapport de force entre le Parti Socialiste et le PCF. L’union de la gauche sous la direction du Parti Socialiste précipitait la crise du PCF. De la même manière, l’intersyndicale entre la CGT et la CFDT sous la direction de la CFDT précipitera la crise de la CGT.

      L’échec du mouvement social de cette année est aussi la dernière conséquence de la crise dramatique de la gauche et de l’extrême gauche politique française. 

      C’est aussi une question de composition interne. La domination du Mouvement de la France Insoumise (MFI) est la domination d’un mouvement totalement antidémocratique et le seul sens de la Nouvelle Union Populaire Ecologiste et Sociale (NUPES) est la dernière tentative de sauvetage des vieux appareils du Parti Socialiste et du PCF.

      Il y a surtout un problème d’action politique. La totalité des moyens d’action de la Nouvelle Union Populaire Ecologiste et Sociale et du MFI étaient des moyens d’action à l’intérieur des institutions de la cinquième république et ces institutions confirmaient encore une fois leur caractère totalement antidémocratique.

      Aucune force politique institutionnelle ne posait la question de revendications ou de moyens d’action radicale, comme par exemple la désobéissance civile, la convocation d’une assemblée constituante souveraine, l’occupation de l’intérieur de l’Assemblée Nationale par les députés de gauche ou bien à l’inverse leur démission collective pour l’organisation d’autant d’élections législatives partielles.

      Il faut vraiment de nouvelles formes d’organisation et d’action politique et syndicale. Cela prendra du temps.    

      Billet d’humeur, par Patrick Silberstein

      Une intervention qui en dit long

      La discussion sur la loi de programmation militaire est en cours. Elle est très révélatrice des stratégies en vigueur dans la gauche, et notamment dans la gauche « radicale parlementaire ». Celle-ci et d’autres qui se prétendent plus à gauche se servent à l’occasion de l’augmentation du budget alloué aux armées pour opposer le soutien en matériel militaire accordé à la République ukrainienne attaquée par la dictature impérialiste de Moscou aux besoins sociaux. Il faudra donc examiner avec attention ce qu’il en est et nous aurons l’occasion d’y revenir. 

      Certains discours – qu’on pourrait considérer comme étant déconnectés des positionnements sur l’Ukraine – sont cependant significatifs du positionnement national, institutionnel et, en définitive, respectueux de l’ordre établi de certains dirigeants insoumis.

      Bastien Lachaud étant le député insoumis de la circonscription où j’habite, je prête une attention particulière à ce qu’il peut dire sur certains sujets, dont celui de la défense nationale. Il est en effet membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale.

      Examinons le discours qu’il a prononcé le 22 mai 2023 devant l’Assemblée nationale. Ses propos soulignent le gouffre qui nous sépare. J’essaierai toutefois d’éviter toute polémique inutile et tenterai de ne pas (trop) m’attacher au vocabulaire employé (l’expression « notre patrie », par exemple).

      Ses propos se passent (presque) de commentaires1. Bien entendu, s’il s’agissait d’écrire un tract ou d’engager une discussion avec lui, je serai contraint à plus de précisions et de nuances. Mais comme ici, nous sommes entre gens de la même famille de pensée, je me contenterai de citer les propos du député de La France insoumise2 et de faire quelques incises. Chacun·e comprendra, j’en suis certain, le sens de tout cela.

      Invoquant les mânes de Jaurès – sans aller toutefois se risquer à citer les conceptions que celui-ci a développé dans L’Armée nouvelle –, il n’engage pas une discussion budgétaire mais un débat doctrinal. C’est là que le bât blesse. Mais est-ce vraiment une surprise? Plus que de l’enveloppe de « 413 milliards », dit-il, il veut parler de « notre ambition pour la place de la France » et des moyens d’«oeuvrer pour la paix et défendre la France».

      Énumérant les diverses crises que frappent le monde — le capitalisme et sa mondialisation ne sont pas mentionnés, –, le « retour de la logique de blocs » et « la terrible agression de l’Ukraine par la Russie» (minimum syndical), il pose la question suivante: faut-il « accepter la logique de blocs [et] se résigner à la guerre » ou bien « oeuvrer pour la paix et l’intérêt général humain ». Certes!

      Le meilleur vient après et nous rentrons dans le vif. Si « la France est une grande puissance », dit-il, « elle n’est pas une puissance occidentale ». En effet, elle «est présente sur l’ensemble des océans. Sa plus grande frontière terrestre est avec le Brésil. Sa plus grande frontière maritime est avec l’Australie ». Les peuples colonisés des Caraïbes, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie apprécieront!

      Bastien Lachaud poursuit – je nous fait grâce des effets de manche patriotiques sur le rôle universaliste de la France – en proposant de « revivifier l’ONU ». Ne croyez pas qu’il formule la proposition de mettre fin au droit de veto et à l’existence de membres permanents du conseil de sécurité ou d’une quelconque proposition de démocratisation de l’ONU; la place de la France au sein de ce conseil de sécurité ne semble pas être un sujet. Non, ce dont il s’agit, c’est de la « création d’une force de réponse aux catastrophe climatiques ». Au demeurant, pourquoi pas.

      Après Jaurès, c’est de Gaulle qui est convoqué pour rappeler sa sortie du commandement intégré de l’Alliance atlantique. Normal, exercice obligé. Sortir de l’OTAN, certes, mais pour quelle politique international(ist)e, pour quelle politique militaire? On n’en saura pas plus, sans doute par manque de temps.

      Rappelant l’ambition de « faire de l’espace un bien commun de l’humanité », il omet de nous dire qui assurait la gestion de ce bien commun. L’assemblée générale de l’ONU ? Le conseil de sécurité? Les puissances spatiales ou maritimes? On ne le sait pas. Sans doute en parle-t-il ailleurs dans le programme du dimanche?

      Poursuivons et arrivons à ce qu’on appelait autrefois la force frappe, autrement dit l’arme atomique française chère à la gauche parlementaire. « Nous devons œuvrer dans le cadre du respect du traité de non-prolifération au désarmement nucléaire multilatéral des puissances dotées et détentrices. » Multilatéral, ça veut dire tous en même temps. Admettons. Rappelons-nous au passage que, à son indépendance, l’Ukraine avait renoncé unilatéralement à ses armes nucléaires. Si la suite du discours n’est pas non plus une surprise, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que la sortie du nucléaire dont se réclame la France insoumise ne comporte pas l’abandon de l’arme nucléaire. « Cette ambition,poursuit Bastien Lachaud, « n’est pas contradictoire avec le fait de réaffirmer qu’aujourd’hui [concédons lui qu’il dit aujourd’hui] la dissuasion nucléaire demeure la clé de voûte de notre défense nationale.» Il pose alors la question suivante: qu’en sera-t-il de la crédibilité de cette dissuasion demain? « Sera-t-elle infaillible? » Il se « pourrait que notre [il dit bien « notre »] dissuasion soit contournée ». Et de proposer la formation d’un « commissariat à la dissuasion de demain ».

      Sans dire un mot sur les exportations d’armes, il vante ensuite l’excellence de « nos [il dit bien « nos»] entreprises de défense ». Il ne propose pas de les reconvertir mais les « ramener dans le giron publique ». N’ouvrons pas ici le débat sur les nationalisations/socialisations, mais ce discours aurait pu être, rêvons un peu, l’occasion de montrer la nécessaire réflexion sur la contradiction entre refus du réarmement, nécessité de fournir des armes à l’Ukraine (et pas aux dictatures) et reconversion des « ouvriers spécialisés, techniciens et  ingénieurs qui font leur puissance » vers des productions socialement et écologiquement utiles.

      Qualifiant à juste titre le projet gouvernemental de SNU de « réactionnaire », il le dénonce parce qu’il fait « peser une menace de plusieurs milliards d’euros » sur la  programmation. Il y oppose une « conscription citoyenne » et évoque les conditions d’exercice « des hommes et des femmes qui défendent notre patrie ». Sur ces deux questions, fait-il référence à une citoyenneté pleine et entière sous l’uniforme (rappelons que le droit syndical et d’association reste proscrit dans l’armée), à une refonte doctrinale et opérationnelle, à une inspiration ukrainienne de la défense ? Nul ne le sait. Sans doute en parle-t-il ailleurs, dans le programme du dimanche. On pense à nouveau au Jaurès de l’armée nouvelle et on se doute que les volumes reliés pleine peau trônent sur une étagère en chêne, prêts pour la photo.

      Six minutes de vérité donc. Se souvenant qu’il a été dans une autre vie enseignant le député insoumis nous propose un exercice à trous où ce sont les silences qui parlent.

      P.S.

      1 La vidéo de son discours est disponible en ligne sur le site du député. Les phrases entre guillemets et en italiques sont des retranscriptions de la vidéo.

      2 Je veux bien lui donner acte qu’il est limité dans son temps d’intervention (six minutes) et qu’il ne peut pas tout dire. Mais force est de constater qu’il utilise le temps qui lui est imparti d’une façon qu’on ne peut pas séparer  de l’orientation qui est la sienne.

      Ukraine : la lutte sur deux fronts, par Patrick Le Tréhondat

      Depuis le 24 février 2022, le peuple a engagé une héroïque résistance pour sa survie contre l’agression impérialiste russe. La société s’est auto-organisée pour faire face à cette tâche historique. Cependant, ce faisant elle s’est heurtée à la politique néo-libérale du gouvernement Zelensky qui par sa politique au service des intérêts des oligarchies en place affaiblit considérablement sa capacité de résistance, s’oppose à ses aspirations d’émancipation. Entre janvier à février 2023, le ministère du travail a recensé des conflits du travail dans 7 643 entreprises, impliquant plus de 1,6 million de travailleurs. Pour gagner, les travailleurs, les jeunes et le mouvement des femmes doivent lutter sur deux fronts : contre l’impérialisme russe et contre la politique anti-sociale du gouvernement. Gagner sur ces deux fronts est lié. C’est là l’enjeu majeur qui se joue en Ukraine.