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Il reste un projet à construire

Au lendemain de la dernière manifestation contre la réforme des retraites, la présidente de l’Assemblée Nationale a sorti l’article 40, jugeant la proposition de loi  du groupe LIOT inconstitutionnelle. Il n’y a pas eu de débat et les décrets d’application sont tombés. Le feuilleton des motions de censure peut bien continuer. Qui s’en soucie encore ?

Une phrase revient en boucle aujourd’hui : « il faut tirer le bilan ». Même ceux qui proclament de manière incantatoire : « La lutte continue !» le disent.

Quel bilan ?

La loi est promulguée, les décrets sont  parus. Il est clair que 

pour  tous les travailleurs qui se sont mobilisés, c’est-à -dire 9 sur 10, c’est objectivement une défaite.

Une étrange défaite. Peut-être. 

La mobilisation est restée importante tout du long du processus. L’unité syndicale est restée constante jusqu’au bout, mais sans véritables assemblées de grèves ni début d’auto-organisation. De manifestations en manifestations.

L’Esprit Saint de Pentecôte n’a pas transmuté le plomb en or ni la CFDT en syndicat ouvrier révolutionnaire. Et  les rôles se sont redistribués.

Une étrange défaite. Peut-être.

Les organisations politiques  parlementaires n’ont ouvert aucune perspective et ont mené une guérilla sur les bancs de velours empêchant au passage un véritable vote, au grand dam de l’Intersyndicale. Cette tragédie pour les travailleurs, deux ans de travail supplémentaire, s’est terminée par la Farce du Serment prononcé par les députés NUPES. Dégradant l’Histoire et ridiculisant la politique.

Les autres, au mieux mouche du coche au pire …

Cette nouvelle défaite vient prendre place dans une liste qui ne cesse de s’allonger. Réformes des retraites successives, loi travail… sous les mandats de Sarkozy, de Hollande et de Macron. La dernière victoire, le retrait  du Contrat Première Embauche , remonte à 2006 sous la présidence Chirac.  17 ans !

Toutes les défaites doivent être digérées, même lorsque  le prolétariat ne semble pas abattu et que les sondages de refus se maintiennent à un niveau record.

Les salariés ont fait exploser hier le simulateur de retraite mis à jour avec la nouvelle loi. Ils sont inquiets légitimement.

Dire que la bataille continue dans ces circonstances est irresponsable.

 En examinant les périodes de luttes qui s’enchainent, se suivent et échouent les unes après les autres, nous observons  la répétition des mêmes antiennes (  incantations, interrogations ) reviennent : grève générale, reconductible… manifestations temps forts, manifestations centrales… violences légitimes… trahison des directions syndicales, amenuisement des forces politiques…avec, au climax de la lutte, l’annonce faite urbi et orbi : « la question du pouvoir est posée ».

Sur ce point, il est bon de se souvenir que cette question n’a été posée concrètement que par les « Gilets jaunes » lorsqu’ils ont marché sur le Palais de l’Élysée lors de l’Acte II.

Il n’est pas possible d’analyser les luttes des salariés, les questions sociales, écologistes, féministes… sans mettre en regard les transformations profondes du pouvoir néolibéral.

Depuis 1995, la transformation libérale a avancé sur le plan économique mais aussi sur le plan sociologique ( la composition des classes et leur rapport ont changé ).La crise écologique a été portée à un point incandescent 

Le néolibéralisme a une faculté d’adaptation incroyable comme l’ont montré la crise financière de 2008 ou les conséquences du COVID.

Les révolutions  arabes sont devenues  globalement des contre révolutions et les organisations de masse qui tiraient leur légitimité et leur popularité des grands rassemblements ont dégénéré et sont en voie de disparition (Syrisa, Podemos etc. ).

La crise politique peut se creuser, les formes de pouvoir  peuvent sembler chanceler, le système résiste et impose les réformes qui lui sont nécessaires.

Le néolibéralisme a opéré en partie un retour à la  forme nationale pour mieux utiliser ses pouvoirs répressifs et passer à une « société de contrôle » en utilisant tous les plis de la Constitution du « Coup d’État permanent ».Cette défaite politique est aussi une défaite de la démocratie

Pourtant,  successivement , des couches entières de population ont résisté et même se sont mises à rêver une autre société. Des Nuits Debout aux Gilets Jaunes, des étudiants aux salariés. Ces couches qui  parfois  défilent ensemble n’ont pas les mêmes opinions , ne votent pas de la même façon.  Mais elles  sont  toutes vent debout contre la politique néolibérale du gouvernement  et perçoivent que leur vie n’est plus possible aujourd’hui.

La défaite ne veut pas dire que la lutte s’arrête. 

Mais, un rassemblement ne peut se faire que sur la construction d’un vaste projet qui concerne l’ensemble des couches victimes du néolibéralisme. Le temps n’est plus au bricolage idéologique. Un véritable combat doit être mené sur tous les terrains pour reconquérir une légitimité idéologique, un crédit politique.

Il faut briser le cercle de l’  « éternel retour » de la défaite. Et retrouver l’espoir dans la discussion et l’élaboration d’un projet « Commun ».

Nous accueillons tous les appels à rassemblement pour envisager la construction d’un projet avec intérêt.

ML

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