Éditorial du 17 mars 2023

Paris, 17 mars à 16 heures.

Dans l’édito de la semaine dernière qui tentait une analyse du mouvement à partir des grèves et des manifestations il était aussi précisé que la situation était explosive et qu’ un « événement  peut comprimer le réel et bousculer la logique ».

Le 49/3 imposé par Macron a eu cet effet. Un 49/3, un de plus ? Non un 49/3 sur non pas un texte budgétaire mais une loi sur un choix de société, sur la « mère des réformes » disait-il il y a peu.

Après avoir dit qu’il aurait préféré « aller aux votes », il précise, ce qu’il n’avait jamais fait publiquement que la situation économique imposait cette décision autoritaire.

La loi non écrite des marchés financiers prévaut sur l’expression démocratique et le débat sur une loi engageant toute la population du pays. Nous le savions évidemment, mais, hier, Macron le prouve en toute violence.

Les « observateurs de la vie politique » pensent tous qu’il aurait mieux fallu prendre le risque d’un échec dans le cadre d’un vote plutôt que d’avoir recours dans cette situation précise au 49/3.

Ces « observateurs » pensent à l’aventure politique déclenchée par l’emploi de cette mesure. Ils parlent de « faire respirer la démocratie », ils pensent au maintien de l’ordre existant avec ses apparences et ses parodies mais aucun n’est mandataire des intérêts des sociétés financières. Macron, lui, l’est.

Bien que nous parlions de la crise dans les « partis bourgeois » nous en avions mésestimé la profondeur. Nous pensions comme beaucoup que l’achat de votes à coup de subventions ou autres douceurs suffirait à calmer les LR récalcitrants et les Renaissance hésitants. Ces partis sont en crise tourbillonnante contre les directions et en proie au sauve-qui-peut opportuniste. Le régime se délite, la classe politique dévoile sa face hideuse.

Le déclenchement du 49/3 a entrainé l’émotion et la colère. Il n’y a pas eu de stupeur mais des réactions immédiates et bien souvent spontanées.

Sud et FI avaient prévu un rassemblement mais la place de la Concorde a été envahie spontanément. Dans de nombreuses villes de province, rassemblements et manifestations et blocages divers ont eu lieu dans la soirée et une partie de la nuit.

Ce n’est pas un soulèvement populaire généralisé, ce sont des expressions de colère qui s’accompagnent du renforcement des piquets de grève dans les centrales, les raffineries, les incinérateurs. Des travailleurs de différents secteurs se retrouvent là avec des étudiants mais aussi sur les places et dans les manifestations.

Germinal approche, le blé se lève, quelle sera la récolte ?

Aujourd’hui, les CRS ont forcé le piquet de grève de la TIRU à Ivry/sur/seine. La grève des éboueurs parisiens est devenue un marqueur de la lutte, un symbole politique. Ils ont été réquisitionnés par la Préfecture, c’est-à-dire par Darmanin. Cela veut dire que la garde prétorienne de l’Élysée a décidé de montrer les muscles, sans grand effet à ce jour.

La force politique est du côté du nombre des refuzniks des oukases présidentiels. Encore faut-il qu’elle puisse s’exprimer efficacement.

L’unité syndicale est préservée grâce à Macron. Jeudi 23, grèves et manifestations sont appelées par l’Intersyndicale. Une marée, un tsunami sont attendus mais ce ne sera possible et efficace que si, à la base, horizontalement, les travailleurs, les jeunes, et à ce stade la population, échangent, expérimentent, s’organisent. Depuis un certain temps le souvenir des Gilets jaunes hante les couloirs du pouvoir, mais c’est aussi Nuit Debout qui revient en mémoire. Des responsables importants de la CGT évoquent le « mouvement des places ». Les grèves ont repris dans certains secteurs, les blocages et les piquets se renforcent. Toutes ces formes peuvent se combiner.

Le dépôt et la discussion des motions de censure donneront à nouveau un spectacle désastreux avec un acte final pouvant surprendre. Mais cela ne doit ni ne peut détourner les 90% des travailleurs de leurs luttes.

Il faut un temps d’approfondissement, de réflexions sur l’action , d’enracinement du refus, d’organisation pour garder le contrôle. Il faut digérer politiquement cette blessure ouverte entre la population et la classe au pouvoir. La réflexion sur des perspectives politiques alternatives va reprendre. C’est la force d’un mouvement populaire.

Ensuite viendra le temps de la centralisation. La question du pouvoir infuse.

Aujourd’hui, toutes les initiatives qui vont dans le sens du rassemblement, de la fraternisation, de la réflexion collective, c’est-à-dire de l’auto-élévation du niveau de conscience collective, sont bonnes à prendre.

Les organisations politiques doivent retrouver le chemin de l’unité et de l’échange pour être utiles au mouvement en cours.

Des appels à se retrouver sur les places (la Concorde à Paris) circulent sur les réseaux sociaux comme au temps de la place Tahir. Des manifestations se préparent.

A ce soir !

PS : La Concorde Acte II