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La gauche parlementaire et l’Holodomor

Texte publié dans Les Utopiques Revue de réflexion de     Solidaires

Le 28 mars, la députée Renaissance Anne Genetet a présenté à l’Assemblée Nationale, sur la demande des autorités ukrainiennes, un projet de résolution concernant l’Holodomor.

Il s’agit bien d’une résolution et non d’une loi contraignante, la résolution  marquant l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation.

Dans ce cas, elle concerne la reconnaissance de l’Holodomor ( mot ukrainien désignant la mortalité de masse par la faim en Ukraine dans les années 1932 et 1933)  comme crime de génocide.

Les conclusions de cette résolution portent sur la reconnaissance officielle et la condamnation du génocide commis par les autorités soviétiques.  Ce texte apporte «  son soutien au peuple ukrainien dans son aspiration à faire reconnaître les crimes de masse commis à son encontre par le régime soviétique » et invite le gouvernement français  à reconnaître à son tour le génocide et à aider l’information et la recherche sur ce point d’histoire.

Des textes comparables ont déjà été adoptés dans une vingtaine de pays et à l’Assemblée Européenne . Bien entendu, le gouvernement russe a chaque fois réfuté le terme de génocide et dénoncé une diabolisation de son pays.

Si la position des historiens peut sensiblement diverger sur l’emploi du terme génocide, aucun ne conteste la famine qui a suivi la collectivisation et les réquisitions forcées. Certains pensent que qualifier l’Holodomor de génocide dégraderait les génocides reconnus, ceux des Arméniens, des Juifs, des Tutsis, car les victimes ne seraient pas uniquement ukrainiennes. N’empêche que le crime a bien eu lieu et qu’il est le fait de la politique criminelle de Staline nonobstant son extension.

 Bien entendu, ce moment de l’histoire n’est ni enseigné, ni commémoré en Russie. En revanche, « les Ukrainiens se sont  appropriés cette mémoire »* et en ont fait un élément important de leur sentiment national. 

Aujourd’hui, au moment où les troupes de Poutine, en guerre contre le peuple ukrainien, commettent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité reconnus par les instances internationales, ce point d’histoire revêt un caractère hautement politique. L’analyse du vote de la résolution doit être appréciée dans ce sens.

 La résolution a été adopté par 168 voix contre 2 ( le nombre de députés élus étant de 577).

Les deux votes contre sont ceux des deux députés membres du PCF présents en séance. 

Le porte- parole  du vote contre, Jean Paul Lecoq , député du Havre, conteste l’intentionnalité du crime de masse malgré les faisceaux d’indices concordants révélés par les historiens, parle de   concurrence mémorielle  et surtout déclare : « Est-il opportun de voter ce texte qui nous rapprochera un peu plus du point de non-retour dans nos relations avec la Russie ? ». Cette question est à mettre en relation avec le  « Il ne faut pas humilier la Russie » du Président de la République. Mais le lointain descendant de Jean Claude Gayssot va plus loin encore : « Si, nous, Parlement Français, voulons être les artisans d’une paix juste et durable entre l’Ukraine et la Russie, le vote d’une telle résolution ne semble pas adéquate ». 

Jean Paul Lecoq avait déjà déclaré, lors de la discussion sur la question des Ouïgours, : « Beaucoup de forces ont intérêt à faire de la Chine un État sanguinaire pour préparer la guerre économique ». 

 Ce tenant de la Paix à tout prix a donc une méthode, ne pas humilier voire soutenir les dictateurs.

Autre composante de la Nupes à se distinguer lors de ce débat, la France Insoumise. La totalité du groupe était absent de l’hémicycle. Bastien Lachaud a défendu la « position » de son groupe en reprenant l’argument de la dévaluation des génocides et de la fragilisation du droit international si ce sont les parlements qui écrivent l’Histoire. Il a conclu son intervention de la manière suivante : « En somme, au nom d’un impératif politique présent que nous partageons ( affirmer notre soutien à l’Ukraine face à l’agression criminelle du régime de Vladimir Poutine) la présente résolution nous invite à nous arroger le pouvoir d’écrire l’histoire et  nous fait courir le risque de déchirer le délicat tissu du droit international. Notre sens des responsabilités nous interdit de franchir ce pas. C’est pourquoi nous ne prendrons pas part au vote. “

 Pour mémoire, ce député est l’auteur d’un ouvrage paru en 2019 aux éditions du Cerf intitulé : «  Faut-il faire la guerre à la Russie? » dont voici la quatrième de couverture:

“Voix essentielle de la France insoumise, Bastien Lachaud dénonce ici nos aveuglements géopolitiques qui nous font endosser les conflits qui ne sont pas les nôtres. Un appel à revenir à la France libre.

Depuis quelques années, un très étrange sentiment antirusse s’est emparé des élites politiques et médiatiques. De l’élection de Donald Trump à l’affaire Benalla, derrière n’importe quel problème du monde, Moscou serait forcément impliquée.”

Ce responsable politique a donc de la constance dans les idées, tout comme son collègue du POI Jérôme Legrave qui, seul contre tous , a voté contre la condamnation de l’agression de Poutine envers l’Ukraine.

Ces positions désolantes sont dans la continuité d’une politique. Elles prennent la forme d’un « campisme » qui refuse de condamner l’impérialisme russe ( c’est un euphémisme) au prétexte qu’il y a un impérialisme américain à la tête de l’OTAN. 

Mais ce qui interroge, c’est la position des élus de LFI qui ont aussi signé le texte de soutien à la résistance ukrainienne : « Pour une paix juste et durable… » écrit par le Comité français du Réseau Européen de Soutien à l’Ukraine (RESU).

A chaque moment, au détour de chaque discussion, l’actualité des luttes contre les attaques impérialistes, les conquêtes coloniales et les crimes de guerre demande à avoir une position ferme et claire : Soutien à l’Ukraine combattante, Condamnation de Poutine à l’instar de celle de Staline.

*Anna Colin Lebedev

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