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POUR UN REARMEMENT POLITIQUE

« Ce sera difficile de réfléchir à autre chose qu’aux européennes avant juin. Mais, après cette séquence, il ne restera plus trop de temps, ça nous obligera à construire quelque chose », assure Stéphane Troussel, porte-parole du PS et président du département de la Seine-Saint-Denis.

Cette « pensée » absconse est celle d’un député socialiste mais pourrait se retrouver dans la tête d’un NUPE, d’un ex Nupes ou même d’un « révolutionnaire » pris dans la toile des listes pour les européennes. Leur « temps de cerveau disponible » est réduit et cela se voit lorsque l’actualité de la lutte de classe percute leur projection intime.

Pourtant la question qu’ils devraient se poser est celle-ci. Comment en sommes-nous toujours à choisir entre résistance et soumission ?

Pourquoi aucun appel à la mobilisation unie contre ce gouvernement qui nous mène hors des voies démocratiques et pressure toujours d’avantages les plus démunis.(voir les déclarations des associations )

Macron a nommé un gouvernement pimenté de sarkozystes.

Un gouvernement sans ministres des transports ou du logement ! A quoi bon. Un gouvernement avec une ministre de l’Éducation Nationale à mi-temps . « L’éducation grande cause nationale » ! Amélie Oudéa Castéra, militante de l’école privée, a permis la réussite de sa première grève enseignante par ses bourdes et ses déclarations stupides !

Macron fait une conférence de presse juste avant le discours de politique générale de son premier ministre et file la métaphore du réarmement. L’emploi du terme guerrier n’est pas innocent. Lorsque le pouvoir est faible le discours se veut fort.

Passons sur le « réarmement démographique » (sic). Mais

l’ enrégimentement de l’école est un saut vers un passé fantasmé et l’ extension du Service national universel (SNU) les prémices du retour de la conscription, question d’ailleurs posée dans plusieurs chancelleries européennes .

L’ensemble du discours est placé sous l’égide de l’Ordre et du Progrès. Ricoeur cède la place à Auguste Comte et l’auteur de « Révolution » est en route vers l’autoritarisme. Mais en a -t-il les moyens puisque minoritaire dans le pays et minoritaire à l’Assemblée avec une base sociale qui s’est dérobée depuis longtemps. L’Ordre d’Auguste Comte appelé de ses vœux ne s’est jamais voulu démocratique mais « scientiste ».

S’il y a un réarmement à prendre au pied de la lettre c’est bien le réarmement au sens propre : réinvestir dans l’industrie d’armement, augmenter la production, embaucher des ouvriers qualifiés, prévoir une augmentation des effectifs militaires.

Nexter remercie. Bourges jubile.

Le prétexte est l’aide à l’Ukraine, prétexte parce que la France est loin dans la liste des pays donateurs, loin derrière l’Allemagne. A chaque vieil AMX donné, l’armée se dote d’un Griffon moderne et coûteux. La mise en production de nouveaux canons Caesar ouvre un nouveau marché. Pour douze donnés, quatre-vingt-dix vendus. Le projet du réarmement de la France est le projet essentiel, avec la relance des exportations.

L’aide à l’Ukraine est comptée et Macron distille sa position à l’envi : « Poutine ne doit pas gagner en Ukraine ». Traduction : l’Ukraine ne doit pas perdre mais ne doit pas vaincre la Russie.

Vous trouverez dans le numéro 0 de la revue Adresses et dans les publications du RESU des articles développés sur ces points.

A l’occasion de la guerre déclenchée par la Russie, les militaires français se sont aperçus que les stocks des arsenaux étaient quasiment vides faute de renouvellement depuis la crise économique de 2008 et que, face à une attaque de haute intensité, la durée d’une possibilité de riposte serait plus que courte. Ce niveau d’armement et d’effectifs suffisait aux missions impérialistes au Sahel mais pas face à une menace sur le sol européen. Les autres pays sont aussi démunis mais choisissent le cadre unique de l’Otan tandis que la doctrine de Macron qu’il répète partout et récemment encore en Suède qui vient d’intégrer l’OTAN, est celle de la défense européenne, du développement de l’industrie européenne. De l’industrie de guerre comme courroie de transmission pour relancer une économie stagnante. Argument renforcé par le retour annoncé de Trump à la Maison Blanche.

Le discours sans vote de confiance du premier ministre, comme le permet la constitution, ne peut que développer et approfondir cette ligne qui emprunte aussi bien à la droite qu’à l’extrême droite. S’approprier les thèmes de l’extrême droite ne peut que la faire avancer vers le pouvoir.

Sur la question de l’immigration, E. Borne a accepté la présentation à l’Assemblée d’un texte ,concocté avec la droite et que le RN aurait pu signer, en précisant explicitement que certains articles n’étaient pas constitutionnels et que le Conseil Constitutionnel les retoquerait. Fureur de Fabius ! C’est une première dans la République qu’un gouvernement instrumentalise la Constitution, joue explicitement avec le Droit, son propre Droit. Cela montre la profondeur de la crise politique et institutionnelle. Pour l’opposition ne pas argumenter davantage sur ce point crucial ne veut-il pas dire qu’elle s’accommode au fond de cette constitution ?

Autre point, si des manifestations, des rassemblements ont protesté contre la loi, chacun y est allé sur ses propres mots d’ordre. Pourquoi ne pas s’être obligé à rechercher l’unité. Résultats : ce sont des manifestations de militants qui signent encore la défaite.

Dans cette période de crises politique, inflationniste, internationale, la recherche d’une riposte commune devrait être l’unique sujet. Mais le commun est dans le cerveau des candidats antagonique avec la perspective de leur future campagne électorale. On peut dire :  «  regardez comme je suis unitaire. La preuve, les autres ne veulent pas de mon unité ! »

Comme en natation, les politiques électoralistes ou propagandistes nagent en couloirs.

Un effet dramatique de cette « politique » c’est qu’aucune organisation n’a pris l’initiative d’œuvrer à l’organisation unitaire d’une manifestation Pour le cessez-le -feu immédiat à Gaza et la libération immédiate des otages ?

L’isolement produit du discours radical et sauve une classe politique sans boussole et sans espoir.

Soudain, les tracteurs montent vers les capitales européennes. Le mouvement est massif.

En France, un barrage spontané est établi dans le Sud-Ouest par des éleveurs bovins au bord de la ruine. Le revenu de base est au centre des discussions. La FNSEA dirigée par un céréalier et industriel de l’agroalimentaire rejoint le mouvement, multiplie les barrages et porte le discours sur les normes européennes . La coordination rurale pousse vers l’action et…les élections. La Confédération paysanne rejoint les blocages en mettant l’accent sur la nécessité d’un changement profond du mode de production.

Un texte sur le site des Soulèvements de la terre détaille parfaitement les réformes nécessaires pour sauver la terre en mutation climatique et les paysans qui en vivent.

Certes, ce que la presse appelle le monde paysan est traversé d’intérêts contradictoires qu’alimentent les politiques néolibérales et les traités de libre-échange. L’opposition entre paysans travailleurs de Bernard Lambert, « paysans rouges » regroupés autour de la Terre ou les GOP et les gros exploitants n’est plus efficiente. La sociologie du monde agricole a changé. Les ouvriers agricoles ont en grande partie disparu remplacés par des saisonniers précaires, le plus souvent des émigrés sous-payés. Les modes d’exploitation, la chimie, la mécanisation, les bourses de valeurs, la financiarisation ont transformé le travail agricole. La mutation éjecte par centaines les petits paysans. Les campagnes se sont remodelées. Les paysans ne sont plus seuls dans la géographie de la ruralité.

Ce mouvement n’a rien à voir avec celui des « gilets jaunes » quoi qu’en dise Arnaud Rousseau, le riche patron de la FNSEA. Mais son ampleur, sa possibilité de nuisance et une unité d’action de circonstance peuvent bousculer l’agenda politique, ouvrir la voie à la structuration d’ une mobilisation plus large.

La commission européenne lâche sur les normes mais qu’en sera-t-il des revenus ? Des négociations se sont ouvertes mais à quel niveau et quelles en seront les conséquences politiques ?

La FNSEA et les Jeunes agriculteurs lèvent les barrages. Ils ont négocié seuls et ont obtenu d’Attal l’essentiel de LEURS REVENDICATIONS. Mais que feront les autres syndicats minoritaires qui représentent des petits propriétaires en proie à la question des revenus ? « Fort avec les faibles, faible avec les forts ».

En attendant, le gouvernement poursuit sa purge néo-libérale en

s’attaquant « au maquis des aides sociales » (Le Figaro) soit pour un « modèle social plus efficace et moins coûteux (…) » explique sans rire Gabriel Attal. Les pauvres deviendront simplement plus pauvres…

Après les paysans, les enseignants, d’autres salariés entreront dans la lutte. C’est une certitude. Ici et là ces mobilisations peuvent faire reculer le pouvoir, faire triompher certaines revendications mais l’objectif politique doit en permanence être relié à la globalité de la lutte des classes.

« Là où il s’agit d’une transformation complète de l’organisation sociale, écrit Marx en 1865, il faut que les masses elles-mêmes y coopèrent, qu’elles aient déjà compris elles-mêmes de quoi il retourne, pourquoi elles sont censées intervenir, corps et âmes. Voilà ce que nous a appris l’histoire des cinquante dernières années. »

Cette nécessité révolutionnaire, la revue que nous commençons à éditer la fera vivre : pour défaire le néo-libéralisme ici, maintenant, il faut faire revivre l’internationalisme militant.

Il serait temps de remettre à plus tard les combinaziones électorales et se pencher sur la réalité complexe de la lutte des classes pour ouvrir une perspective au-delà des Européennes du mois de juin.

La discussion autour de l’Appel pour une gauche démocratique prend de l’ampleur et devient primordiale au moment où les positionnements en fonction des « camps » et des ambitions prennent le pas sur une véritable réflexion sur les bouleversements à l’œuvre dans ce monde de plus en plus dangereux.

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