Réseau Bastille article,article-accueil Hommage à notre camarade Robert ROLLINAT par Alain Chicouard.

Hommage à notre camarade Robert ROLLINAT par Alain Chicouard.

Cimetière de St-Georges s/B. – 16 octobre 2023.

Hommage à Robert Rollinat.

Qui pouvait imaginer que la maladie emporterait Robert si rapidement, si brutalement ?

Nous n’avons pu nous rencontrer cet été, et c’est irréparable.

Le dernier échange aura donc été téléphonique et, comme les autres fois, ce fut une longue discussion sur les actualités et sur les perspectives économiques, sociales, politiques – et aussi sur telle pièce de théâtre ou sur les films sortis, vus ou à voir…

Robert était un homme de bonne compagnie et bon vivant, cordial, attachant, résolument optimiste, bien que soucieux du temps présent et d’un avenir incertain pour la jeunesse et les générations futures.

Grand voyageur, il avait du monde une large vision internationale, tout en demeurant attaché à Montmercy – St-Georges, où il avait passé son enfance et où il venait régulièrement pour retrouver sa famille et de vieux amis, comme Michel et Suzanne.  Il avait aussi gardé des liens avec d’anciens condisciples de l’école primaire.

Il n’y eut pas cet été rencontre au jardin, sous le chêne, autour d’un plat bourguignon ou tout simplement de gougères, de jambon persillé, d’un Soumaintrain ou d’un Epoisses, accompagnés d’un Montpierreux ou d’un Clos de la Chaînette bien frais, ou encore d’un Chablis  ou d’un Irancy. Il savait apprécier les nourritures terrestres…

Mais les souvenirs multiples ressurgissent… Si – il y a maintenant pas mal d’années-  vous passiez avec lui à Montmercy à la modeste maison familiale  où ont vécu ses sept frères et sœurs, vous rencontriez sa mère débordant d’énergie, en train de préparer une traditionnelle soupe aux légumes.

De ce petit hameau de Montmercy, un peu à l’écart de St-Georges et d’Auxerre, Robert s’élancera pour de brillantes études, qui le mèneront à devenir professeur d’Université, maître de conférences aux facultés de Nanterre et d’Arras. Nulle vanité. Devenu universitaire spécialiste reconnu notamment de l’Amérique latine et de l’histoire économique, invité par nombre d’Universités à l’étranger, il demeurera militant syndicaliste, secrétaire et animateur de la section Snesup de Nanterre.

Comme professeur et chercheur, il publiera articles et livres, parmi lesquels, pour citer quelques titres : La nouvelle histoire économique (éd. Liris, 1997), la crise de l’Euro, une nouvelle phase de la crise de l’économie mondiale (2011), Marx ou Keynes ? Il est grand temps de choisir (2012), etc… – et des articles sur l’Amérique latine, en particulier sur la Colombie. Les amis auxerrois se souviennent d’une conférence – débat tenue le 29 septembre 2011 sur : « La crise sans issue du capitalisme. Quelles perspectives pour le mouvement social ?». Il faudrait aussi citer ses travaux sur l’Amérique latine, en particulier sur la Colombie. Le professeur brésilien Jorge Novoa, animateur d’un Institut sur la mémoire et le cinéma à l’Université de Salvador de Bahia, salue la mémoire de Robert en rappelant qu’il était membre du jury pour sa thèse de doctorat en mars 1985…

A la fois engagé dans le mouvement social et les débats politiques et lecteur assidu de Marx (entre autres…), Robert s’engagera dans les années 66-67 au sein du mouvement trotskyste -qui s’appellera OCI – jusqu’en 1985.  Son ami Jean Puyade raconte : « J’ai rencontré Robert alors qu’il était étudiant et surveillant au Lycée Saint-Louis à Paris, Bd St-Michel. (…) J’étais assez admiratif, car, certains soirs, il affrontait avec succès au poker les surveillants corses du lycée qui étaient là à vie, des durs à cuire. Robert a toujours été très bon aux jeux, et particulièrement aux échecs. (…) Notre révolte contre la guerre d’Algérie et contre l’injustice sociale nous a fait rencontrer les vieux militants trotskystes qui, refusant la trahison et la dégénérescence de la révolution russe, avaient gardé l’espoir révolutionnaire et la combativité que nous cherchions. » 

Impossible ici d’exposer en détails ses recherches et ses choix dans le domaine politique. Jean Puyade souligne que « jamais cet espoir que l’activité autonome des exploités et des opprimés permettrait d’ouvrir une voie vers l’émancipation ne l’a quitté ». Jusqu’au bout, il est demeuré à la recherche d’un regroupement militant démocratique où l’on puisse débattre librement et profondément. Il a participé à bon nombre de réunions-débats.

En 2022, lors de la campagne des élections présidentielles, combien de discussions, surtout au téléphone, sur les enjeux et les choix. Robert sera signataire de l’appel des 160 économistes pour le soutien à Jean-Luc Mélenchon – tout en gardant son indépendance et sa fidélité à ses idéaux révolutionnaires, en particulier à une démocratie fondée sur l’ auto-organisation des travailleurs exploités et des opprimés. 

Lors de leurs voyages, Robert et Eugenia prenaient toujours le temps d’adresser une carte postale. Madeleine en a retrouvé une dizaine, postées de Florence, Bogota, Guadalajara, Etats-Unis, Argentine, Brésil, Mexico, San Francisco, Valparaiso, etc… Emotion de décrypter l’écriture élégante et inimitable de Robert et de retrouver côte à côte les signatures de Robert et Eugenia. 

Sur la carte de vœux de 2005, Robert a écrit : « Concernant les commémorations, mieux vaut se référer aux révolutions « gagnantes » qu’à celle de 1905. Dans l’ordre historique, par exemple, révolution française de 1789, révolution mexicaine de 1910, révolution russe de 1917…etc… ».

Emotion aussi de retrouver dans le courrier le faire-part de mariage (en espagnol)  « célébré le 21 juillet 1984 en la ville de Bogota ».

Robert fut un homme heureux. De toutes ses activités en différents domaines, universitaires, syndicaux, politiques, voyages, loisirs, rencontres familiales et amicales, comment, au-delà de certaines vicissitudes, n’en aurait-il pas été pleinement heureux, embrassant toujours la vie avec enthousiasme.

Mais son plus grand bonheur fut sa rencontre avec Eugenia et une vie partagée pendant près de quatre décennies, ainsi que la naissance de Julien, puis sa rencontre avec Maela  et la naissance de ses deux petits-enfants, Mathis et Lisa.

Emotion de retrouver les photos familiales ; on y percevait que Robert, dans sa belle fierté d’être grand-père, nous les adressait avec joie.

Robert, on ne te reprochera que d’être parti trop vite, terrassé par cette maudite maladie, en nous privant de nouvelles rencontres et de nouveaux échanges.

 Mais tu n’aurais pas supporté une lente décrépitude, toi qui as eu une vie aussi riche et aussi pleine…  Tu as tracé un beau chemin. Nous le poursuivrons – et ta voix exprimant une irrépressible confiance en la vie continuera à résonner en nous…    

 A toujours, Robert…  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related Post