Travailleurs, vous êtes importants pour l’avenir de l’Ukraine
L’Ukraine se trouve actuellement dans une impasse due à un néolibéralisme corrompu qui retarde la fin de la guerre et maintient la population dans la pauvreté. Le fonctionnement de toutes les institutions publiques est imprégné par la recherche du profit personnel, l’absence de planification et le manque de transparence vis-à-vis du grand public. Un tel système ne peut pas être efficace. Les travailleurs ukrainiens résistent massivement et avec abnégation à l’ennemi, ce qui contraste avec le modèle d’État qui dépend d’un cercle restreint de personnes et qui est incapable de veiller au bien commun.
Les ressources du pays sont épuisées non seulement par les occupants, mais aussi par des hommes d’affaires avides qui tirent profit des besoins essentiels de la société, notamment dans les domaines de l’énergie et de l’industrie de la défense. La réaction de la société à ces abus a donné lieu à des manifestations en juillet 2025 avec leurs slogans anticorruption.
Le soi-disant « remaniement » du gouvernement n’a fait qu’accélérer le risque d’adoption de lois favorables aux oligarques. L’arrivée à des postes clés de Yulia Svyrydenko, Oleksiy Sobolev, Taras Kachka et d’autres adeptes du capitalisme effréné de la Kyiv School of Economics (KSE) en est une démonstration évidente. La plus grande menace provient du ministère dirigé par M. Sobolev, qui cherche à priver les travailleurs de leurs droits en élaborant un projet de Code du travail et qui, dans le même temps, s’est arrogé des pouvoirs dans le domaine de l’écologie, facilitant ainsi l’exploitation des ressources naturelles par les entreprises. Notre pays devient peu propice à la vie, et les espoirs d’une reconstruction équitable s’amenuisent de jour en jour.
Cette situation reflète les tendances mondiales. La montée en puissance des forces réactionnaires dans le monde et le comportement inapproprié de l’administration américaine ont conduit tous les Ukrainiens à ressentir un manque de sécurité. Les interruptions dans la livraison d’armes destinées à repousser l’agresseur russe modifient l’équilibre mondial des forces en faveur des oppresseurs. Cependant, la sécurité ne se résume pas à la question de l’armement. Elle concerne également la sécurité sociale, le fonctionnement stable des infrastructures essentielles, une rémunération équitable pour un travail consciencieux, ainsi que la protection à long terme de ceux qui se trouvent dans des situations difficiles. Tout cela constitue le fondement sur lequel peut reposer une défense efficace.
La défense et le bien-être sont les principales fonctions de l’État. Le capital privé n’y trouve aucun intérêt en raison de son orientation vers le profit et de sa volonté de verser le moins possible au budget. Malgré les espoirs du peuple ukrainien de voir l’État se soucier davantage de la résolution des problèmes des citoyens, c’est le contraire qui s’est produit. Les scandales se succèdent, impliquant des hommes d’affaires qui tirent profit de tout, y compris de la production d’armes. Tout cela est le résultat de la centralisation du pouvoir, de la dissimulation d’informations sous le « brouillard de la guerre » et de l’érosion des principes démocratiques. Malheureusement, l’État n’agit pas comme un bouclier social pour le peuple, mais comme une superstructure corrompue. Le manque de soutien est ressenti de manière aiguë par tous, en particulier les militaires, les personnes contraintes de quitter leur foyer, ainsi que celles qui élèvent les nouvelles générations d’Ukrainiens en cette période d’incertitude.
La classe ouvrière, dont le potentiel politique n’est pas exploité, a été et reste une force massive capable de changer le cours de l’histoire à un moment critique. Les masses laborieuses ont été écartées de la politique, devenant les jouets des classes dominantes. Si les travailleurs s’unissent, ils peuvent changer les règles de la politique et, à terme, retirer le pouvoir aux élites actuelles. En effet, l’influence sociale des cheminots, du personnel soignant, des énergéticiens et des enseignants s’est considérablement accrue grâce à leur importante contribution au bien-être. La vie quotidienne dépend de l’accomplissement rigoureux de leurs devoirs, c’est pourquoi il sera difficile pour les autorités de contester leur opinion.
À l’inverse, le capital ne joue aucun rôle dans le maintien à flot de la société. Le budget de l’État n’est pas alimenté par les impôts sur les bénéfices : ceux-ci ont toujours été dissimulés dans des paradis fiscaux et, depuis le début de l’invasion, ils ont chuté en raison de l’effondrement des exportations.
Le budget repose en grande partie sur les impôts sur les salaires (13,11 % des recettes), qui financent la défense, ainsi que sur l’aide internationale, qui financent le secteur social. Le rôle des secteurs d’infrastructure critiques, qui fonctionnent en dehors de la logique du marché mais sont essentiels à la stabilité sur le champ de bataille et à l’arrière, s’est accru.
Les travailleurs employés dans ces secteurs sont souvent victimes des attaques russes, mais le Fonds de pension ukrainien ne leur verse pas les indemnités promises en raison de problèmes bureaucratiques liés à l’obtention du statut d’infrastructure critique. L’existence de ce problème annule toute prétention à une politique axée sur l’humain.
Le faible niveau de soutien aux retraités et aux personnes handicapées, compte tenu des énormes volumes d’aide financière internationale, est inacceptable. Pour justifier les normes sociales médiocres, des clichés idéologiques erronés sur la menace d’une montée des «sentiments paternalistes » (tant au sein du pouvoir que dans le camp de l’ « opposition ») sont largement répandus.
L’absence d’évolutions positives dans le domaine de l’aide sociale, combinée à de faibles salaires, entraîne un exode massif vers l’étranger, en particulier chez les jeunes de moins de 22 ans.
Pendant des décennies, l’État s’est adapté aux investisseurs et aux hommes d’affaires, car ils génèrent des profits. Cependant, il devient évident qu’il est actuellement impossible de réaliser des profits dans une économie dévastée par la guerre. Il est temps pour de larges couches de la population de faire valoir leurs besoins, car tout repose sur elles. Le niveau de bien-être ne sera pas déterminé par l’efficacité économique, mais par la mesure dans laquelle la population exigera d’être traitée avec humanité. L’influence disproportionnée que l’oligarchie continue d’exercer sur le pouvoir doit disparaître afin de ne pas entraver le développement de l’Ukraine.
Considérant que seule la suppression du capitalisme permettra de garantir pleinement les intérêts des travailleurs, le Sotsialnyi Rukh souligne la priorité des revendications suivantes :
1. Une économie commune pour une victoire commune. Nationalisation sous contrôle ouvrier des secteurs de l’infrastructure, de l’industrie de défense et des entreprises exploitant les ressources minérales. Un quota de 50 % pour les représentants des collectifs de travailleurs au sein des conseils de surveillance de ces entreprises constituera un garde-fou contre les abus de corruption et l’usurpation du pouvoir par les serviteurs du capital. Cela permettra de controler les ressources pouvant être utilisées pour la défense. La socialisation des entreprises du secteur énergétique permettra, entre autres, de prévenir la crise écologique qui se traduit par la détérioration de la qualité de l’eau, des sols et de l’air. Il est particulièrement nécessaire de nationaliser à 100 % le complexe militaro-industriel afin d’empêcher les particuliers de tirer profit des commandes et d’assurer des conditions de travail stables au personnel. Pendant la période de l’état d’urgence, il ne peut y avoir de marché de location de logements, du médicament ou de technologies militaires : tous les processus doivent être réglementés par des organismes publics indépendants, qui ne sont pas guidés par la recherche du profit. Il convient de refuser le financement des établissements médicaux sur la base de critères d’efficacité, car cela conduit à transformer l’aide médicale d’un droit garanti en une marchandise. L’expansion du secteur public dans l’économie constituera un pont vers le plein-emploi, à condition que les services de l’emploi et les syndicats coopèrent. Le système fiscal doit remplir une fonction sociale en luttant contre la différenciation excessive des richesses par le biais de l’imposition des fortunes.
2. Relancer l’État social. Une guerre prolongée doit être considérée comme un facteur de risque social pour l’ensemble de la population, et la protection sociale doit être reconnue comme une obligation de l’État. Les organismes de protection sociale doivent être proactifs et proposer eux-mêmes leur aide aux familles des militaires, aux travailleurs sinistrés et aux couches vulnérables de la population, avant même que ces personnes ne s’adressent à eux. Les logements neufs inoccupés doivent être mis à la disposition des personnes déplacées à l’intérieur du pays et des militaires tant que la crise du logement persiste. En temps de guerre, l’État ne peut pas imposer à la population le paiement des dettes liées aux services publics et l’augmentation des tarifs. La période de résidence dans les zones frontalières, ainsi que le statut de personne déplacée à l’intérieur du pays après le 24 février 2022, doivent être pris en compte comme période d’assurance, indépendamment de l’emploi officiel. Afin d’éviter le risque d’un manque éducatif de la population, il convient d’encourager le travail dans l’éducation, en garantissant à tous les enseignants un salaire au moins égal à la moyenne nationale et l’accès à des abris sûrs et confortables. Il convient de mettre en place un suivi indépendant des pertes éducatives, en particulier dans les régions proches du front.
3. Renaissance de la démocratie de masse. Les autorités doivent écouter les citoyens lors de la mise en œuvre des politiques à tous les niveaux, en créant de nouvelles institutions de représentation publique et en élisant des représentants du personnel pour gérer les entreprises. Il est nécessaire de garantir aux travailleurs le droit à un congé payé annuel de 14 jours pour des activités bénévoles, afin qu’ils puissent soutenir l’armée et résoudre les problèmes sociaux. Le Parlement, dont le mandat a expiré, n’a pas le droit d’examiner les projets de loi pour lesquels les représentants de la société civile ont exprimé des craintes quant à la restriction de leurs droits et libertés. Il convient de garantir la force juridique des pétitions adressées aux autorités publiques. Des élections doivent être organisées dès que possible après la levée de l’état d’urgence. Afin d’empêcher l’arrivée au pouvoir de politiciens qui se sont discrédités par leurs liens avec les oligarques, il convient de supprimer les cens de propriété, d’abaisser le seuil d’éligibilité des partis politiques à 1 % et de garantir la liberté de se présenter aux élections. La résolution des problèmes sociaux quotidiens doit devenir à la fois un objectif politique et une incitation à une plus large participation des masses à la vie politique. Les contradictions accumulées dans la société doivent être résolues par le renforcement de la concurrence politique réelle, à condition que les droits humains et le pluralisme idéologique soient respectés.
Ce sont précisément les travailleurs – ouvriers, enseignants, médecins, cheminots, énergéticiens – qui doivent devenir le moteur du renouveau de l’Ukraine. Vous créez toute la richesse du pays, vous le défendez, vous avez le droit de décider comment le diriger.
Le Sotsialnyi Rukh appelle tous les travailleurs à s’unir. Créez des syndicats dans vos entreprises. Exigez de participer aux décisions qui vous concernent. Organisez des conseils dans vos communautés. N’attendez pas l’autorisation d’en haut – prenez ce droit vous-même.
Seules une organisation massive et la solidarité permettront de remporter la guerre et d’assurer une reconstruction équitable après celle-ci. L’histoire montre que toutes les transformations sociales importantes ont été obtenues par la lutte venue d’en bas, et non accordées par le haut.
Approuvé le 28 septembre 2025 lors de la conférence annuelle du Sotsialnyi Rukh.
Sotsialnyi Rukhhttps://rev.org.ua/trudyashhi-vi-vazhlivi-dlya-majbutno%D1%97-ukra%D1%97ni-vidozva-socialnogo-ruxu/
Traduction Patrick Le Trehondat

