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Etats-Unis.Les conservateurs qui pensent que Trump ne va pas assez loin

La base de MAGA est plus fracturée qu’il n’y paraît

22 OCTOBRE 2025

Neuf mois après le début du second mandat de Donald Trump, le MAGA semble plus puissant que jamais. La guerre menée par Trump contre les piliers de la société civile a remporté de véritables victoires. Plusieurs universités prestigieuses ont été intimidées, tout comme les plus hauts échelons de la profession juridique. La fermeture du gouvernement fédéral (shutdown) sert de prétexte à des licenciements massifs dans la fonction publique. Et l’assassinat du militant conservateur Charlie Kirk ,le mois dernier, semble avoir uni la droite dans une rage commune. Son service commémoratifà Glendale, en Arizona, a réuni non seulement Trump et d’autres hauts responsables de son administration, mais aussi Tucker Carlson et Steve Bannon, le podcasteur du Daily Wire Matt Walsh, le justicier devenu célèbre Kyle Rittenhouse, et même l’ancien conseiller de Trump, Elon Musk, qui a profité de cette cérémonie pour se réconcilier publiquement avec son ancien patron.

Malgré tous ces signes apparents d’unité, les conséquences de l’assassinat de Charlie Kirk illustrent les profondes incertitudes qui règnent au sein de la coalition de Trump.

Pourtant, malgré ces démonstrations d’unité, la coalition MAGA montre des signes de tension. Curt Mills, directeur exécutif de The American Conservative, le magazine phare des paléoconservateurs, m’a confié lors d’un récent entretien téléphonique qu’il craignait que Trump ne « se contente de jouer la comédie » en matière d’immigration et ne soit pas réellement déterminé à réduire les taux d’immigration globaux. Les expulsions sont en retard par rapport aux niveaux les plus élevés atteints sous Obama. Selon Mills, même les déploiements agressifs de l’ICE dans les grandes villes américaines sont moins une tentative sérieuse de l’administration d’expulser les immigrants sans papiers qu’un moyen d’entrer en conflit avec les libéraux urbains et de les intimider . Si Mills s’est déclaré satisfait des politiques commerciales de Trump – le seul domaine où les partisans et les détracteurs du MAGA s’accordent massivement à dire que le président se soucie réellement de la politique –, il a également déclaré qu’il pensait que l’America First et la droite technologique se dirigeaient vers une confrontation directe pour l’influence au sein de l’administration.

En fait, malgré tous les signes apparents d’unité, les conséquences de l’assassinat de Kirk illustrent les profondes incertitudes au sein de la coalition MAGA. Certains partisans clés de MAGA en 2024 expriment désormais ouvertement leurs inquiétudes quant à ce qui se passera si le mouvement échoue, voire même certains affirment qu’il est en train d’échouer. Le blogueur politique de droite et néo-monarchiste Curtis Yarvin a laissé entendre qu’il envisageait de fuir le pays. « Tous ceux qui participent à cette révolution ont besoin d’un plan B pour 2029 », a-t-il écrit récemment, car si le Parti démocrate reprend la Maison Blanche, ou même le Congrès en 2026, il exercera une « vengeance » totale sur les partisans de Trump :

La deuxième révolution Trump, comme la première, est en train d’échouer. Elle échoue parce qu’elle mérite d’échouer. Elle échoue parce qu’elle passe tout son temps à se féliciter. Elle échoue parce que sa véritable mission, que ni elle ni (encore moins) ses partisans ne comprennent, est toujours aussi hors de sa portée que l’algèbre l’est pour un chat. […] La vengeance exercée après son échec éclipsera celle qui suivra 2020. […] La politique est fondamentalement une question de pouvoir. Au pouvoir, les grandes choses sont plus faciles que les petites. […] Pour l’administration Trump, utiliser son pouvoir minuscule et marginal pour tenter de punir ses ennemis, un par un, est tellement futile que cela ne vaut guère la peine d’essayer — même si cela aiderait certainement s’ils donnaient la priorité à cela plutôt qu’à la « gouvernance quotidienne ». … Se débarrasser de tous les juges libéraux est plus facile que de se débarrasser d’un seul juge libéral. Se débarrasser de tous les juges est plus facile que de se débarrasser de tous les juges libéraux. Il est plus facile de se débarrasser de l’ensemble du système judiciaire que de se débarrasser de tous les juges.

Walsh n’est pas allé aussi loin que Yarvin, mais il a lui aussi exprimé ses inquiétudes quant aux défis auxquels est confrontée la droite lorsqu’il a animé en tant qu’invité l’émission The Charlie Kirk Show quelques jours après la mort de Kirk. Il a appelé à mettre de côté « nos querelles [et] nos disputes familiales… pour l’instant » au profit de « l’union » de la droite. (À un moment donné, il a invoqué la distinction entre amis et ennemis du juriste nazi Carl Schmitt, en déclarant : « Ceux qui pleureront votre mort sont vos amis, ceux qui danseront sur votre tombe […] sont vos ennemis. ») Mais le langage utilisé par Walsh – spéculant sur son propre assassinat potentiel et sur ceux qui pleureraient ou célébreraient sa mort – trahit un profond sentiment de faiblesse et de crainte face aux ramifications des querelles internes de la droite. Le théoricien politique Matt McManus a souligné qu’il existe un engagement commun au sein de la droite américaine envers un principe fondamental formulé par l’économiste Friedrich Hayek : l’égalité humaine est un mythe et il existe des groupes manifestement supérieurs dans la société. Mais au-delà de cet accord sur ce principe – le rejet de l’universalisme et de l’égalitarisme –, la coalition MAGA n’a pas de consensus commun sur qui, précisément, est supérieur.

Nulle part cette division n’est plus politiquement sensible que dans le domaine économique. Quelques jours avant l’investiture de Trump, Christopher Rufo a tweeté que malgré la flambée des coûts du logement, l’économie était pratiquement en situation de plein emploi. « Le Panda Express près de chez moi offre 70 000 dollars par an plus des avantages sociaux pour le poste d’assistant manager. Vous pouvez gagner 100 000 dollars par an en travaillant chez Chipotle pendant quelques années et en gravissant les échelons jusqu’au poste de directeur de magasin. » Costin Alamariu, philosophe politique devenu influenceur de la manosphère ( masculinistes,anti-feministes…) mieux connu sous son pseudonyme Bronze Age Pervert et dont la thèse de doctorat commence par la phrase « Le marché sexuel est le summum de tous les autres marchés », s’est offusqué à l’idée que des jeunes hommes ambitieux de droite devraient s’abaisser à travailler chez Chipotle. « Peut-être voudrez-vous aussi leur donner des conseils pour devenir des hommes et épouser une jolie fille du coin ou leur petite amie du lycée », a-t-il raillé.

La divergence sur la question de savoir qui, précisément, constitue le groupe économique privilégié est au cœur du fossé entre l’aile America First de la coalition MAGA, influencée par les paléoconservateurs et la droite technologique regroupée autour de la Silicon Valley à travers des figures telles que Musk et Peter Thiel. Depuis son retour au pouvoir, l’administration Trump s’est efforcée de satisfaire les deux ailes. America First a obtenu ses vastes droits de douane qui visent prétendument à relocaliser la production et à réduire les déficits commerciaux, voire à projeter l’image d’une Amérique forte. La droite technologique a obtenu des exemptions pour les puces informatiques. Jusqu’à présent, les mesures protectionnistes de Trump n’ont ni effrayé les marchés ni menacé de diviser la fragile coalition MAGA, même si la Cour suprême, sans doute pour rassurer Wall Street, a temporairement bloqué la tentative de Trump de destituer un gouverneur de la Réserve fédérale. Mais un ralentissement économique prolongé conduirait presque certainement à des divisions ouvertes entre les élites économiques et la Maison Blanche.

Une autre fracture émergente concerne la réaction de l’administration à l’assassinat de Kirk lui-même. Trump et ses principaux alliés politiques, notamment J. D. Vance et Stephen Miller, ont ouvertement appelé à des représailles contre leurs ennemis politiques. « Je déteste mes adversaires et je ne leur souhaite pas le meilleur », a fièrement proclamé Trump lors des funérailles de Kirk. Et pourtant, les tentatives plus flagrantes de l’administration pour s’emparer du pouvoir – d’abord en essayant de faire retirer Jimmy Kimmel des ondes, puis en déployant davantage de troupes de la Garde nationale – ont été critiquées par certains experts et influenceurs conservateurs, de Joe Rogan à George Will, qui craignaient que la pression exercée par la FCC sur Kimmel n’incite un futur démocrate à rétablir la doctrine d’équité abrogée par l’administration Reagan.

Certes, Will n’a pas eu d’influence politique significative sur la droite depuis l’époque où Tucker Carlson portait encore un nœud papillon, mais ses préoccupations font écho à celles de personnalités de droite plus influentes comme Yarvin et Walsh. Leurs craintes d’être tenus responsables des abus de pouvoir de Trump ne sont pas sans fondement. Les démocrates de base sont furieux de la réticence incompétente de la direction du parti à s’opposer sérieusement à l’administration Trump. La vague d’organisation des communautés locales à Chicago contre les raids brutaux et violents de l’ICE dans cette ville montre que la résistance la plus efficace ne vient pas des élus nationaux, mais de certains dirigeants locaux et régionaux, et surtout des Américains ordinaires qui en ont assez de l’État policier hypermilitarisé.

Même les anciens partisans de Trump commencent à prendre leurs distances avec l’administration en raison des raids de l’ICE et du déploiement de troupes fédérales dans les villes américaines. La semaine dernière, Joe Rogan a déclaré dans son podcast que de telles actions créaient « un dangereux précédent ». Et si le soutien à Trump en 2024 était l’un des plus diversifiés de l’histoire politique moderne des États-Unis, une partie du soutien des minorités à Trump s’affaiblit. Un groupe de discussion composé de Latinos ayant voté pour Trump, réuni par le New York Times fin juillet, a exprimé ses inquiétudes quant à l’agressivité des raids de l’ICE ; un sondage New York Times/Siena réalisé début octobre montre que 51 % des Américains estiment que les politiques d’immigration de Trump sont allées « trop loin ».

Les politiques d’immigration de Trump ont toujours été à la fois sa plus grande force politique et sa plus grande faiblesse, car les opinions de ses partisans sur l’immigration – et celles du public américain en général – sont au mieux naïves. Malgré toutes les incursions spectaculaires de l’administration dans le domaine de la cruauté pornographique en matière d’expulsion, la cruauté pure et simple ne passe pas bien auprès de la plupart des Américains. Le même sondage NYT/Sienna a montré qu’un nombre important d’électeurs sont favorables à l’expulsion des immigrants entrés illégalement aux États-Unis, à l’exception de ceux qui « travaillent dur » et « paient des impôts ». Parallèlement, le soutien à l’immigration légale a atteint des niveaux records dans les sondages, alors même que l’administration envisage des réformes visant à restreindre sévèrement l’immigration non blanche. En bref, les Américains en général sont favorables à l’immigration (mais pas à l’immigration illégale), veulent expulser les immigrants illégaux (mais seulement les « mauvais » !) et veulent que l’ICE se débarrasse des « mauvaises personnes » (mais pas de manière trop agressive). Ce mélange presque incohérent – soit profondément naïf quant aux conséquences de l’extension du pouvoir de l’État dans ce domaine, soit joyeusement indifférent à celles-ci – permet la flexibilité qui est la clé pour maintenir la cohésion de la coalition MAGA. Seule une poignée d’électeurs latino-américains interrogés par le Times ont exprimé un léger regret d’avoir voté pour Trump ; Rogan, pour sa part, immédiatement après avoir condamné le déploiement des troupes fédérales, a ajouté : « Pourquoi laissez-vous les gens se révolter dans les rues ? »

Au-delà d’un accord sur un principe de base – le rejet de l’universalisme et de l’égalitarisme –, la coalition MAGA n’a pas de consensus commun sur qui, précisément, est supérieur.

Les inquiétudes suscitées par les raids de l’ICE illustrent la division fondamentale entre les autoritaires ambitieux de la coalition MAGA et les républicains modérés qui restent, à un certain niveau, attachés au principe de la légitimité des élections et du transfert pacifique du pouvoir. Il existe une crainte palpable que si Trump va trop loin dans la création d’un État « autoritaire modéré » et perd d’une manière ou d’une autre le pouvoir, MAGA pourrait également en pâtir. Après tout, l’administration Biden a inculpé près de 1 600 personnes en lien avec les événements du 6 janvier. Et cette inquiétude repose, au moins en partie, sur un calcul stratégique. McManus et le chroniqueur de Vox Zach Beauchamp ont tous deux souligné que, même si le régime de Viktor Orbán en Hongrie semble être le modèle auquel aspirent les autocrates de la coalition MAGA, le régime Orbán a consolidé son pouvoir de manière discrète et technocratique, sans susciter de contre-mobilisations à grande échelle (jusqu’à peu ndt). L’engagement de Trump à choquer et à intimider – grands revirements, posture d’homme fort, écrasement des ennemis – est une autre histoire. C’est peut-être ce qui l’empêche de se maintenir au pouvoir à long terme.

Le facteur X le plus important à l’heure actuelle est la suppression imminente de la section 2 du Voting Rights Act. Selon l’interprétation actuelle de la section 2, les États ne peuvent pas explicitement tenter de refuser, de priver ou de diluer les votes sur la base de la race. En d’autres termes, ils ne peuvent pas manipuler les circonscriptions électorales ou parlementaires dans le but explicite de priver les communautés minoritaires de leur représentation. Mais mercredi dernier, la Cour suprême a entendu les plaidoiries dans l’affaire Louisiana v. Callais, qui conteste explicitement les dispositions de la section 2, et les observateurs juridiques ont presque unanimement convenu, sur la base des questions posées, que la Cour est sur le point d’annuler ou de invalider le contenu de la section 2. Dans la pratique, cela permettrait de redécouper les circonscriptions de manière à détruire essentiellement la représentation démocrate au Congrès dans tout le Sud, ce qui rendrait structurellement impossible pour le Parti démocrate d’obtenir la majorité à la Chambre des représentants.

Le démantèlement de la loi sur les droits de vote est précisément le genre de manœuvre juridique lente, technocratique, mais extrêmement importante dont Trump et la coalition MAGA ont besoin pour consolider un régime illibéral et empêcher que des élections libres et équitables ne les obligent à rendre des comptes. Et, fait significatif, le démantèlement de la loi sur les droits de vote est un objectif de longue date du Parti républicain et du mouvement conservateur américain d’avant Trump.

Mais si la victoire devait se concrétiser, donnant aux républicains une majorité structurelle permanente à la Chambre, le problème de l’unité du Parti républicain deviendrait encore plus aigu. Les démocrates ségrégationnistes du Sud ont peut-être assuré la majorité du Parti démocrate à la Chambre pendant la majeure partie du XXe siècle, mais ils ont constitué une force politique perturbatrice qui a bloqué bon nombre des mesures les plus progressistes du New Deal et de la Grande Société. Aujourd’hui, le Parti républicain dispose d’une majorité à la Chambre et au Sénat, mais il n’arrive même pas à adopter une résolution budgétaire pour permettre au gouvernement fédéral de fonctionner. Dans un système de parti dominant de facto, les divisions au sein du parti dominant ont encore plus d’importance que la concurrence entre les partis pour la gouvernance pratique.

Le signe le plus inquiétant pour l’avenir de la coalition MAGA est peut-être l’émergence de fissures sur la question d’Israël. Les électeurs républicains eux-mêmes sont divisés : 55 % approuvent le gouvernement israélien, tandis que 41 % le désapprouvent. La situation est très différente chez les démocrates, où le principal clivage oppose les électeurs – dont 72 % pensent qu’Israël commet un génocide à Gaza et 65 % « soutiennent fermement » l’imposition de sanctions au gouvernement israélien – aux élites et aux donateurs du parti.

Cela reflète une ironie fondamentale : MAGA est devenu hégémonique au sein du Parti républicain en grande partie parce que Trump, comme l’explique Mills, a compris presque instinctivement au début des années 2010 que les paléoconservateurs, qui critiquaient depuis longtemps les relations privilégiées entre les États-Unis et Israël, la guerre en Irak et, plus largement, la guerre mondiale contre le terrorisme, avaient raison. (C’est pourquoi Trump a appelé Buchanan en 2011 pour s’excuser de l’avoir traité d’« antisémite » et d’« admirateur d’Hitler » qui « n’aime pas les homosexuels » lorsqu’ils se sont affrontés pour l’investiture du Parti réformiste à la présidence en 2000). La faction America First bénéficie d’un large soutien au sein du Parti républicain et compte dans ses rangs un nombre important de personnalités médiatiques et d’influenceurs de premier plan, notamment Tucker Carlson. Cela s’explique en partie par le fait que les chrétiens évangéliques de Trump constituent également une faction extrêmement importante au sein de la coalition MAGA, et que les évangéliques restent en grande majorité des chrétiens sionistes qui soutiennent Israël sans condition pour des raisons eschatologiques. L’organisation Christians United for Israel du pasteur John Hagee reste, en termes d’effectifs, la plus grande organisation pro-israélienne d’Amérique.

Carlson et Mills ont tous deux ouvertement condamné la guerre à Gaza et l’attaque de Trump contre Téhéran en juin. Mills m’a confié : « Je suis heureux que Trump ait gagné à nouveau, mais je suis très mécontent de la direction prise par cette administration depuis juin. » Mais au niveau local, la coalition est en train de changer. L’assassinat de Kirk a donné naissance à un tout nouveau genre de théories du complot à droite, selon lesquelles Israël serait derrière son assassinat parce que Kirk était sur le point de critiquer l’influence israélienne sur la politique américaine. Parallèlement, les sondages auprès des chrétiens évangéliques montrent de plus en plus un fossé générationnel, les jeunes évangéliques étant à la fois moins susceptibles de soutenir Israël politiquement et moins susceptibles de placer le contrôle juif sur la Terre Sainte au centre de leurs croyances eschatologiques.

Si ces fractures doivent être exploitées pour mettre fin au règne du Parti républicain – et obtenir quelque chose de mieux que ce que les démocrates ont accompli et qui nous a menés là où nous en sommes –, il faut qu’il existe une alternative convaincante derrière laquelle une large majorité pourra se rallier.

Cela semble être au moins en partie lié à de réelles préoccupations concernant la campagne génocidaire menée par Israël à Gaza. Mais cela semble également être lié à la résurgence de l’antisémitisme chrétien au sein de la droite America First. En mai dernier, la députée Marjorie Taylor Greene, qui s’est rendue tristement célèbre à l’échelle internationale pour avoir affirmé que les « lasers spatiaux juifs » étaient responsables des incendies de forêt qui ont ravagé l’Ouest il y a quelques années, a voté contre l’adoption par le ministère de l’Éducation de la définition de l’antisémitisme donnée par l’Association internationale pour la mémoire de l’Holocauste afin de faire respecter les lois anti-discrimination. Cette définition, qui qualifie toute critique d’Israël ou du sionisme d’antisémitisme, est certes profondément imparfaite, mais Mme Greene a justifié son vote en affirmant que cette loi « pourrait condamner les chrétiens pour antisémitisme parce qu’ils croient à l’Évangile selon lequel Jésus a été livré à Hérode pour être crucifié par les Juifs ». Carlson, pour sa part, dans son discours lors du service commémoratif de Charlie Kirk, a comparé Kirk au Christ avant de remarquer que « une bande de types assis autour d’un plat de houmous » étaient responsables de la crucifixion, une allusion à peine voilée à la responsabilité des Juifs dans la mort de Jésus. Alors que Trump célèbre actuellement la victoire de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas – et se vante de mériter le prix Nobel pour ses efforts –des violations ont déjà lieu. Et d’ailleurs, le nouvel accord ne fait rien pour s’attaquer aux causes profondes de la guerre : l’occupation depuis des décennies de Gaza et de la Cisjordanie par Israël et le système d’apartheid racial, de nettoyage ethnique et maintenant de génocide que l’État israélien a créé.

Qu’est-ce que tout cela présage ?

La révolution Reagan des années 1980 offre un point de comparaison utile. L’ élection de Reagan a non seulement justifié plus de quinze ans d’organisation politique par les conservateurs après la défaite humiliante de Barry Goldwater en 1964, mais sa présidence a également offert aux conservateurs l’occasion de réduire les dépenses fédérales, de démanteler les programmes tant décriés du New Deal et de la Grande Société, et de renverser les acquis essentiels du mouvement des droits civiques. Mais lorsque Reagan a entamé son deuxième mandat, les conservateurs étaient ouvertement mal à l’aise. « Qu’est-ce qui a été fondamentalement accompli ? », a demandél’historien conservateur George Nash en 1986. La sécurité sociale, l’assurance maladie et la loi sur les droits civiques de 1964 étaient toujours en vigueur. Le désenchantement de la droite à l’égard de la révolution Reagan a atteint un tel point que Reagan a fait appel à Pat Buchanan, un pilier du mouvement paléoconservateur, pour occuper le poste de directeur de la communication à la Maison Blanche, dans une tentative infructueuse d’apaiser la coalition conservatrice.

De la politique à la célébrité, Trump est en grande partie l’héritier du Parti républicain de Reagan et la continuation naturelle de la coalition désordonnée du conservatisme américain du XXe siècle. Les conservateurs anti-Trump qui ont quitté le Parti républicain en 2016 n’ont pas compris que le Parti républicain MAGA ressemble, à bien des égards, à l’ancien Parti républicain, avec son accent sur les réductions d’impôts, les dépenses déficitaires et les coupes dans les programmes sociaux. Mais l’ampleur du culte de la personnalité de Trump et l’importance qu’il accorde, à la manière de Nixon, à la loyauté personnelle non seulement de ses subordonnés immédiats, mais aussi du Parti républicain dans son ensemble et désormais de l’État administratif dans son ensemble, facilitent les contorsions idéologiques et les incohérences pour la coalition MAGA. La ligne MAGA tourne en fin de compte autour des caprices du président. Le culte reste suffisamment fort pour que Trump ait pu survivre aux retombées potentiellement catastrophiques du scandale Jeffrey Epstein cet été, le seul domaine dans lequel les partisans inconditionnels de MAGA ont semblé réticents à suivre la ligne du parti.

Tout cela rend difficile de prédire exactement ce que Trump va faire jusqu’en 2026 et jusqu’en 2028. Mais cela rend également d’autant plus nécessaire une résistance vigoureuse et significative. Si ces fractures au sein du Parti républicain doivent être exploitées pour mettre fin au règne des républicains – et obtenir quelque chose de mieux que ce que les démocrates ont accompli et qui nous a menés là où nous en sommes –, il faut qu’il existe une alternative forte et convaincante derrière laquelle une large majorité puisse se rallier. Les importantes mobilisations lors des manifestations No Kings du week-end dernier montrent à quel point le mécontentement est grand et prêt à être capté électoralement. Mais pour l’instant, au niveau national, les démocrates ne sont toujours pas à la hauteur.

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David Austin Walsh est historien et chroniqueur au Boston Review. Il est l’auteur de Taking America Back: The Conservative Movement and the Far Right.

Traduction Deepl revue ML