Idées et Sociétés, International

Modernité ou barbarie

Comme l’a dit le poète iranien Sohrab Sepehri : « Remplacez les hommes politiques par des arbres, pour que l’air devienne pur. »

Aujourd’hui, le monde est plus que jamais stupéfait face au paradoxe entre modernité et barbarie. Lorsque Israël a attaqué ma belle Téhéran, j’ai ressenti ce que peut ressentir un soldat en première ligne, pris en pleine tête par une balle ennemie. C’était comme si mon cerveau avait explosé. Jusqu’à quand l’humanité restera-t-elle l’héritière de sa propre sauvagerie ?

En 1979, l’Ayatollah Khomeiny a pris le pouvoir à la suite de la révolution islamique en Iran et a cherché à propager l’idéologie islamiste non seulement dans le pays, mais dans le monde entier. Depuis sa création, la République islamique a affirmé vouloir « exporter » sa révolution, notamment en soutenant financièrement et idéologiquement des groupes comme le Hamas, le Hezbollah ou les Frères musulmans.

En tant que personne ayant vécu toute sa vie sous un régime religieux, je sais à quel point un tel pouvoir peut être toxique, dangereux et criminel. L’histoire a prouvé que les gouvernements théocratiques n’apportent jamais ni paix ni prospérité. La religion, entre les mains de fanatiques, fournit les justifications les plus crédibles pour tuer des innocents.

Dix ans après la révolution, en 1989, Khomeiny, se proclamant guide suprême du monde musulman, a lancé une fatwa ordonnant l’exécution de Salman Rushdie pour son livre Les Versets sataniques. Cette fatwa a encouragé les extrémistes musulmans à tenter de l’assassiner – bien que beaucoup d’entre eux n’aient même pas lu son livre. Rushdie a perdu un œil lors d’une attaque terroriste, après des années de vie clandestine. Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres des menaces que représente un régime idéologique pour la communauté internationale.

Depuis plus de quarante ans, la République islamique construit son identité sur la haine des États-Unis, d’Israël, et de quiconque menace ses objectifs idéologiques. Elle s’appuie sur une manipulation émotionnelle permanente pour conserver le pouvoir. Pourtant, ce pouvoir se fissure : aujourd’hui, le régime sait qu’il n’a plus de soutien populaire. Mais il ne peut pas abandonner, car il est conscient que les crimes qu’il a commis l’amèneraient tôt ou tard à rendre des comptes.

Ce soir, Israël a affirmé avoir visé des résidences de hauts responsables iraniens lors d’une frappe en Iran. D’après les vidéos publiées, ces attaques ont causé d’importants dégâts. En tant que citoyen ordinaire, je ne cache pas mon absence de chagrin à l’idée de la mort de dirigeants criminels. Je pense alors aux beaux yeux de Mehrshad Shahidi, au sourire innocent de Nika Shakarami, à l’innocence de Mahsa Amini, et à tous ces jeunes Iraniens massacrés par ce régime brutal – et une part de moi se sent soulagée.

Mais qui peut garantir que des innocents, totalement étrangers à ce conflit, ne seront pas blessés ? D’ici quelques jours, nous apprendrons la mort de simples citoyens dans cette lutte de pouvoir.

Je repense alors à certains amis naïfs qui croyaient que Trump allait sauver le monde d’une Troisième Guerre mondiale… Quelle illusion ! Non seulement cela n’a pas eu lieu, mais le monde est devenu encore plus instable. Le populisme et le radicalisme se répandent, de l’Est à l’Ouest, et il est tout à fait possible que les droits humains – ces droits chèrement acquis au fil des siècles – s’effondrent d’un seul coup, laissant l’humanité revenir à la case départ.

Baharé Roohi