Des députés européens interrogés sur l’échec de l’extrême droite en Europe du Nord.

Illustration : Kateryna Gritseva
En novembre 2024, une délégation européenne s’est rendue en Ukraine, avec des députés européens comme Li Andersson de l’Alliance de gauche finlandaise, Jonas Sjöstedt du Parti de gauche suédois et Catarina Martins du Bloc de gauche portugais. Leurs mouvements politiques ont cofondé un nouveau parti politique de gauche progressiste dans l’UE : l’Alliance européenne de la gauche pour le peuple et la planète. Commons a déjà publié une interview de Catarina Martins ; nous vous proposons maintenant les interviews des deux autres députés européens invités.
Li Andersson, l’une des personnalités politiques les plus populaires de Finlande, a dirigé son parti de 2016 à 2024, s’est présentée comme candidate à la présidence et a occupé le poste de ministre de l’Éducation de 2019 à 2023. Elle préside maintenant la commission du Parlement européen chargée des droits sociaux et du travail. Jonas Sjöstedt a commencé comme ouvrier d’usine et s’est engagé très tôt en politique en tant qu’opposant à la guerre du Vietnam. Il a aussi dirigé son parti (2012-2020), a siégé pendant de nombreuses années au parlement national et au Parlement européen, et est revenu à ce dernier en 2024. Il est également connu comme écrivain.
Sjöstedt et Andersson ont tous deux été des voix de la solidarité avec l’Ukraine parmi les forces socialistes démocratiques européennes, plaidant pour un soutien global et pour l’annulation de la dette du pays, ainsi que pour des sanctions plus sévères contre la Russie en tant qu’État agresseur, y compris des mesures visant la « flotte fantôme » russe.
Entretien avec Li Andersson

Déception des gouvernements de droite et montée de la gauche radicale.
Denys Pilash : Au sein du groupe de gauche du Parlement européen, ce sont les partis écosocialistes nordiques qui prennent la position la plus claire en faveur de l’Ukraine. Et ce sont eux qui se sont le plus renforcés lors des dernières élections européennes. En particulier, votre Alliance de gauche a triplé son score pour atteindre 17,3 %, et vous avez personnellement établi un record national du nombre de voix obtenues en tant que députée européenne. Comment expliquez-vous ça ? Quel est votre secret ?
Li Andersson : Je pense qu’il est important de souligner que la gauche française et la gauche portugaise ont aussi voté en faveur de l’Ukraine, même sur la question des armes, donc ça ne concerne pas seulement les partis de gauche nordiques. On en parle moins dans les pays nordiques et on a aussi voté pour que des armes à longue portée ou des missiles puissent être utilisés par l’Ukraine sur le territoire russe. Ça a clairement divisé le reste de la gauche.
Si tu regardes les pays nordiques, ce ne sont pas des superpuissances. Les gens essaient de faire de la géopolitique uniquement en termes d’équilibre entre superpuissances, donc tout tourne autour des États-Unis et de la Russie. On ne peut pas vraiment intégrer d’autres pays dans ce genre de contexte ou de façon d’analyser le monde, on ne donne pas vraiment d’importance à ce que veulent les Ukrainiens ou les citoyens baltes et les États baltes. Venant de petits pays nordiques, on a la même analyse que la gauche ukrainienne sur ce qu’est l’impérialisme russe et sur l’importance de soutenir ceux qui doivent le combattre de les pires conditions qui soient. On travaille aussi beaucoup ensemble, et cette coopération est bénéfique. Dès le début de l’invasion, alors que de nombreux partis discutaient de la position à adopter sur ces questions, notre position a été soutenue par la coopération étroite qu’on a établie.
Certains militants de gauche sont coincés dans une sorte de dogmatisme issu de leur propre tradition. On entend beaucoup ce genre de discours pacifiste au sein de la gauche européenne, que les gens répètent simplement parce qu’ils ont l’impression que ce discours a toujours existé, qu’il fait partie de leur identité de parler et de penser d’une certaine manière. Et le danger, dans le cas de l’Ukraine, c’est que ça mène à une conclusion politique qui ne tient pas compte de la réalité de l’Ukraine et de la lutte contre l’impérialisme russe. Je sais que je simplifie à l’extrême, mais on voit sans cesse ce genre de logique : « les armes, c’est mal, donc on s’y oppose », ou « on ne veut pas d’une guerre plus grande, donc on s’oppose aux armes pour qu’il n’y ait pas d’escalade ». Les partis rouges-verts nordiques ont fait un gros boulot pour se moderniser, dépasser ce dogmatisme, et maintenant on a une analyse rouge-verte moderne du monde et des sociétés. C’est plus facile pour nous de ne pas rester coincés dans une certaine tradition dogmatique, au moins dans ce cas-là.
Il y a deux raisons pour lesquelles on a de bons résultats aux élections : l’une est liée au boulot qu’on a fait, et l’autre est liée à la mauvaise qualité du boulot de l’extrême droite. La gauche dans les pays nordiques a beaucoup profité d’une ligne très logique et cohérente en matière de droit international et de droits humains. Tous ces partis se sont donc exprimés très clairement sur les violations du droit international par Israël, ont clairement soutenu le peuple palestinien et ils se sont aussi clairement prononcés contre les violations du droit international par la Russie, tout en affirmant clairement leur solidarité avec l’Ukraine. Et c’est logique. C’est un raisonnement tout à fait logique si on se dit en faveur du droit international et des droits de l’homme, et je pense que c’est le cas des électeurs. De plus, ils ont approuvé notre analyse et notre position sur ce sujet. Et on voit bien que la droite dans les pays nordiques est, bien sûr, très anti-russe et condamne les violations du droit international par la Russie. Mais quand il s’agit d’Israël, elle ne fait pas de même. Son raisonnement n’est pas logique. Et puis, on voit certaines parties de la gauche qui sont très claires sur Israël, mais pas très claires sur la Russie ou l’Ukraine. La gauche nordique a fait du bon boulot là-dessus.
Et bien sûr, dans les élections européennes, on parle aussi beaucoup du changement climatique, des droits des travailleurs, d’un programme qui combine les thèmes traditionnels de la gauche en matière de marché du travail, de droits sociaux et de services sociaux, avec une ligne ambitieuse en matière de politique climatique et environnementale.
Les résultats des élections européennes en Europe du Nord ont-ils aussi été influencés par la déception des électeurs face aux gouvernements de droite qui ont mené des politiques antisociales ?
Oui, l’autre raison était, comme je l’ai dit, qu’au moment des élections, la Finlande et l’Italie étaient les seuls pays de l’UE où l’extrême droite était au pouvoir. En Suède, elle n’est pas au gouvernement, mais elle soutient le parti au pouvoir. Elle est donc presque au gouvernement car elle dispose même de bureaux dans les bâtiments gouvernementaux. Elle vote les budgets, mais elle n’a pas obtenu de postes ministériels. En Finlande et en Suède, les gens ont vu quel genre de politique ces partis mènent lorsqu’ils sont au pouvoir. Donc, d’une manière triste, on est en quelque sorte en avance sur l’évolution de l’Europe. Parce qu’en France, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, même au Portugal, etc., on voit les partis d’extrême droite se développer partout, mais, nous, on a déjà vu ça, et maintenant on voit ce qu’ils font réellement lorsqu’ils arrivent au pouvoir.
Dans le contexte finlandais, ça a donné les pires politiques d’austérité que ce pays ait connues dans son histoire moderne. J’ai été chef de parti pendant huit ans, j’ai donc mené de nombreuses campagnes électorales, et je n’ai jamais vu autant de gens en larmes que pendant la campagne pour les élections européennes, parce qu’ils étaient très inquiets pour l’avenir de notre pays, et certains s’inquiétaient simplement de savoir comment ils allaient joindre les deux bouts, car les aides sociales ont été sévèrement réduites, en particulier pour les travailleurs à faibles revenus, les familles pauvres et les chômeurs. En plus de ça, ils ont aussi fait passer des réformes du marché du travail. Je les qualifie de « thatchériennes ». Je pense que le thatchérisme décrit très bien l’extrême droite en Finlande. Ils ont donc restreint le droit de grève. Ils vont faciliter le licenciement des travailleurs. Ils poussent à des réformes qui vont réduire la couverture des conventions collectives. Ils poussent aussi pour des réformes qui plafonneront les augmentations salariales des travailleurs du secteur public. À long terme, ce genre de mesures entraînera une transformation structurelle du marché du travail finlandais, qui nuira vraiment à la capacité des syndicats à défendre les travailleurs, mais aussi à la croissance réelle des salaires.
En Suède aussi, le système de santé est en crise. Le gouvernement est plus intéressé par les allégements fiscaux pour les riches que par l’octroi de ressources suffisantes à un système de santé en crise. On voit beaucoup de choses similaires, à l’exception des politiques du marché du travail, car les syndicats et les employeurs gardent ça pour eux; mais on observe beaucoup d’attaques similaires contre le secteur public, combinées bien sûr à des restrictions en matière d’immigration, à des attaques contre les services publics et à plein d’autres choses. En Finlande, ils ont adopté une loi sur l’asile qui est contraire au droit international et au droit européen.
Notre message principal lors des élections européennes était d’empêcher que le même type de glissement vers l’extrême droite ne se produise au niveau européen, parce qu’on a déjà vu ce que ça veut dire en Finlande. L’Europe ne l’a pas vu. Ce message a été très bien reçu. Malheureusement, même si les pays nordiques ont obtenu de bons résultats, le reste de la gauche européenne n’a pas été aussi performant.
On assiste donc maintenant à un glissement du pouvoir vers l’extrême droite. Au début, il semblait qu’elle n’aurait pas d’influence sur la politique, au Parlement européen. Mais ces deux derniers mois, on a vu que ce n’était pas le cas. Le PPE, qui représente la droite traditionnelle, est prêt à former des majorités avec l’extrême droite et la droite radicale. Quand ça leur convient, ils sont prêts à utiliser cette majorité pour faire passer des lois au niveau national. À gauche, on n’était pas surpris que la droite fasse ça. Mais je pense que les sociaux-démocrates, les verts et les libéraux sont choqués. Et maintenant, la grande question au niveau européen est de savoir si ces groupes seront prêts à élaborer une stratégie pour contrer cette montée de la droite et lui couper l’herbe sous le pied. Sont-ils prêts à travailler avec les groupes politiques européens pro-démocratiques qui soutiennent l’Ukraine, ou sont-ils en fait prêts à gouverner avec le soutien de Meloni et Le Pen ?
Oui, en gros, ces gouvernements de droite ont mis en place les mêmes politiques sociales que notre bloc économique au sein de notre propre gouvernement. Tu présides maintenant la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen. Que peux-tu dire sur les moyens d’améliorer la situation des droits du travail dans l’UE et en Ukraine ?
Je sais qu’il y a une grande différence dans les pays nordiques. Si on regarde le Danemark et la Suède, le modèle traditionnel nordique du marché du travail fonctionne toujours, ce qui veut dire que le gouvernement n’intervient pas vraiment, mais laisse les acteurs du marché du travail décider eux-mêmes, négocier, etc. En Finlande, ce système est déjà cassé. Dans la plupart des pays européens, on n’a pas ce modèle nordique du marché du travail, donc c’est plus dirigé par le gouvernement. Les syndicats finlandais disaient que l’UE était la meilleure amie des travailleurs parce que, jusqu’à présent, de leur point de vue, la législation qui venait de l’UE était meilleure que celle des gouvernements nationaux, les gouvernements de droite. Ils ne diraient pas ça en Suède ou au Danemark, parce qu’ils ont encore le pouvoir là-bas.
Mais je pense que tous les autres pays devraient y réfléchir, car cela signifie pour moi qu’il y a encore de la place dans la politique européenne pour des politiques progressistes en matière de droits des travailleurs. Je venais de cette terrible situation de gouvernement de droite en Finlande. Quand j’ai étudié au Parlement européen, au sein de la commission, j’ai été très agréablement surpris de voir à quel point la commission écrivait de manière positive sur les négociations collectives. Même les groupes de droite au sein de la commission y sont plutôt favorables. Je pense donc qu’en tant que gauche, on devrait faire pression au niveau européen pour obtenir une politique du marché du travail aussi progressiste que possible. Je pense que c’est un domaine où l’extrême droite aurait du mal à s’imposer.
Et on devrait aussi bosser avec les syndicats et les mouvements sociaux ukrainiens. Parce que pour moi, je sais pas ce que tu en penses, mais pour moi, tout ce débat et cette perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE sont quelque chose qu’on devrait utiliser pour pousser à l’amélioration de la législation sur le marché du travail, en utilisant cet argument de l’UE selon lequel pour que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE devienne une réalité, il faut adopter une législation du travail qui garantisse une couverture aussi large que possible des négociations collectives. L’UE fait aussi beaucoup pour la santé et la sécurité des travailleurs, les substances dangereuses, la réglementation des quantités, etc. Je pense donc qu’il pourrait y avoir beaucoup de coopération sur ce thème entre la gauche au Parlement européen et les mouvements sociaux et syndicaux ukrainiens.
Conversation avec Jonas Sjöstedt

La lutte contre la flotte fantôme russe est un exemple de politique de gauche qui combine solidarité avec l’Ukraine et écologie
Denys Pilash : Les dernières élections au Parlement européen ont été accompagnées de discussions sur une menace de virage à droite : il semble que l’extrême droite, dont beaucoup sont aussi pro-Poutine, ait gagné du terrain presque partout dans l’UE. À une exception notable près : les pays nordiques – la Finlande, la Suède et le Danemark. Là-bas, les populistes de droite ont au contraire perdu un soutien important, tandis que les forces de gauche – notamment l’Alliance de gauche finlandaise, l’Alliance rouge-verte danoise et le Parti populaire socialiste [la Gauche verte], ainsi que votre propre Parti de gauche suédois – ont progressé. Comment expliquer cela ? Est-ce dû à des circonstances temporaires, aux échecs des gouvernements de droite ou aux stratégies efficaces des socialistes pour mobiliser l’électorat ? Que peuvent apprendre les mouvements de gauche ailleurs de votre expérience ?
Jonas Sjöstedt : Je pense que les résultats des récentes élections dans les pays nordiques – Finlande, Suède et Danemark – montrent qu’il est possible de battre l’extrême droite non pas en adoptant son programme, mais en promouvant une alternative de gauche forte et positive. On s’est concentrés sur des questions comme l’égalité, les services publics, la crise climatique et le droit international, tant en Ukraine qu’à Gaza. Ce faisant, on n’a pas laissé l’extrême droite dominer le débat avec ses thèmes de prédilection, comme l’immigration et la criminalité.
Et je dirais qu’un facteur qui joue un rôle est que nous avons vu l’extrême droite au pouvoir. Elle est au gouvernement en Finlande. Le gouvernement de droite suédois dépend totalement d’elle et adapte ses politiques en conséquence. Et les gens n’aiment pas ce qu’ils voient. Tant que l’extrême droite reste dans l’opposition, elle peut cultiver l’illusion qu’elle est du côté des travailleurs, des « gens ordinaires ». Mais une fois au pouvoir, la vérité apparaît clairement : ce ne sont que des racistes de droite avec un programme économique agressivement favorable aux entreprises. Il n’y a pas la moindre trace de politiques économiques progressistes, juste des réductions d’impôts pour les super-riches et des coupes dans les soins de santé. Ce sont les mêmes vieilles politiques de droite, dures et brutales, anti-syndicales et indifférentes aux questions sociales et environnementales.
Je pense donc que c’est un message positif qui vient des pays nordiques. On espère qu’on a une longueur d’avance sur certains pays européens et que ça peut aussi arriver dans plein d’autres pays. Le Parti socialiste populaire danois, qui fait partie du groupe Verts/ALE, est devenu le premier parti aux élections européennes. On a fait mieux que tous les autres partis aux élections suédoises, et les résultats en Finlande ont été spectaculaires, avec un triplement des voix de la gauche et une défaite écrasante de l’extrême droite.
Donc oui, je pense qu’il y a un message d’espoir ici, un message qui dit qu’on doit croire en nos propres politiques et donner aux gens un réel sentiment de possibilité. C’est une période vraiment difficile pour beaucoup de gens. Je sais que je ne devrais pas dire ça dans le contexte de l’Ukraine, mais je veux dire que ce n’est pas non plus la meilleure période sur le plan économique en Europe occidentale, avec l’inflation, la crise du coût de la vie et l’incertitude économique. Et la gauche doit être là pour dire : il y a une issue. Il y a une meilleure façon de faire les choses. Je pense que c’était le cœur de notre message et notre direction.
Dans ce contexte, comment évaluez-vous les perspectives de votre nouvelle alliance, l’Alliance européenne de la gauche pour les peuples et la planète (ELA) ? Pensez-vous qu’elle s’étendra à d’autres pays, en particulier en Europe centrale et orientale ?
On a vu qu’il fallait une coopération européenne de gauche plus étroite et plus moderne. On pense qu’on doit rassembler des partis qui veulent pas seulement garder les meilleures plages, mais aussi s’engager pour changer les politiques. Et je pense que les partis qui en font partie réfléchissent aussi à la manière dont nous pouvons réellement accéder au pouvoir politique. Nous avons également constaté certaines faiblesses dans la précédente formation de gauche européenne, qui existe toujours, le Parti de la gauche européenne, qui est un parti plus introverti, plus démodé, dominé par des partis communistes plus traditionnels. Ce n’est pas notre cas.
Et je dois dire que la question de l’Ukraine était – et reste – très importante pour nous. Une gauche crédible condamne non seulement l’occupation de la Palestine, mais aussi l’occupation illégale de l’Ukraine. Ce n’est pas compliqué : c’est de l’impérialisme, c’est de l’agression, c’est une question de droits humains et de respect du droit international. Et malheureusement, certains partis de gauche ont encore du mal à l’accepter. Pour nous, il était crucial de former une alliance dominée par ce qui nous semble si important : soutenir l’Ukraine.
Et nous espérons bien sûr que l’ELA va se développer. Juste après les élections européennes, nous avons agi rapidement pour la mettre en place et la faire accepter officiellement. Nous travaillons maintenant sur le budget et, bien sûr, au sein du Parti de gauche suédois, nous aimerions beaucoup voir le Mouvement social ukrainien faire partie de cette coopération européenne.
Il y a aussi d’autres partis de gauche qui émergent en Europe centrale et qui font partie du réseau CEEGLA, et on serait super contents s’ils décidaient de nous rejoindre. On espère que ça deviendra un atout pour se soutenir mutuellement, partager des idées, faire campagne ensemble et apprendre les uns des autres sur le fonctionnement de nos pays respectifs. On prévoit une grande réunion pour tous les partis membres cet hiver, à laquelle on invitera d’autres partis à se joindre à nous.
Et tu as eu des contacts avec le parti croate Možemo ! (Nous pouvons !) ?
Oui, c’est une alliance rouge-verte qui fait maintenant partie du groupe Verts/ALE au Parlement européen. Mais ils sont clairement progressistes, et on a discuté avec eux. On est ouverts et prêts à bosser ensemble.
Je pense que leur succès montre aussi quelque chose d’important : les Verts avaient une structure qui leur permettait d’inviter et d’inclure d’autres mouvements. La gauche n’avait pas ça, on n’avait pas cette structure. Mais maintenant, on est en train de la construire.
Tu fais partie de la délégation du Parlement européen en Ukraine, où tu représentes la gauche. Tu suis de près les questions ukrainiennes et, lors de cette visite, tu as rencontré plein de gens issus de différents mouvements. Quelles seraient tes priorités pour la coopération européenne avec l’Ukraine à l’avenir ?
Oui, et je dois avouer que ça m’a beaucoup ému. J’ai été chargé d’ouvrir la première réunion de la délégation, en tant que membre le plus ancien du Parlement européen présent. Ça a beaucoup compté pour moi. L’Ukraine me tient à cœur.
Et je pense qu’on doit être très clairs : si l’Ukraine n’a pas les moyens de se défendre, alors beaucoup d’autres discussions n’ont plus de sens. Il n’y a pas d’échappatoire. Le soutien militaire est essentiel : l’Ukraine doit pouvoir se défendre contre l’agression russe.
Bien sûr, on veut parler de la lutte contre la pauvreté, de la reconstruction des infrastructures, de la création d’emplois, de tout ça. Mais rien de tout cela n’a d’importance si l’Ukraine ne peut pas se défendre. C’est la base. Et l’UE, ainsi que ses États membres, doivent envoyer un message fort : on n’est pas des lâcheurs. On est là pour rester, et on va renforcer notre soutien à l’Ukraine. Toute hésitation, tout signe de faiblesse face à l’agression russe ne profite qu’à l’agresseur.
Les Ukrainiens ont fait preuve d’une résilience et d’un esprit combatif incroyables, même dans les conditions les plus difficiles. Je pense que Poutine s’attendait à gagner en une semaine. Il s’est trompé. C’est la responsabilité absolue de l’Europe de répondre à cet appel. Et je pense que l’Ukraine ne se bat pas seulement pour sa survie en tant que nation indépendante et démocratique, mais aussi pour l’Europe, pour la démocratie. Et la Moldavie, survivrait-elle si l’Ukraine n’était pas là ? C’est pourquoi cette guerre n’est pas seulement une question de survie pour l’Ukraine, mais pour nous tous. Pour l’Europe. Pour la démocratie. Pour l’avenir que nous voulons construire.
Compte tenu de la montée en puissance de l’extrême droite dans de nombreux pays européens, avec des figures comme Viktor Orbán, penses-tu que l’Europe sera capable de remplacer les États-Unis dans le pire des cas ? J’aimerais aussi me concentrer sur la façon dont vous, les partis de gauche nordiques, menez la lutte contre la flotte fantôme russe. Comment pouvons-nous nous débarrasser des combustibles fossiles russes sans en encourager d’autres, mais en favorisant la transition verte ? Que pouvons-nous faire pour renforcer l’Ukraine et les forces progressistes en Europe ?
Je pense qu’il est très important que la gauche devienne plus pro-ukrainienne et plus active, car c’est la manière naturelle d’appréhender les différences politiques : Poutine est un dirigeant réactionnaire, semi-fasciste ou fasciste. Orbán est comme une copie de Poutine ou essaie de l’imiter. Il est donc naturel que la gauche lutte contre cela.
Et ce qui était super intéressant dans le débat qu’on vient d’avoir au Parlement européen sur la flotte fantôme, c’est que la gauche était complètement unie. C’était le moteur. Une grande majorité a dit qu’il fallait arrêter le transport de pétrole par cette flotte fantôme. Mais c’est aussi un problème mondial. Ça représente jusqu’à 50 % du pétrole exporté par la Russie. Si on y arrive, ça pourrait avoir un impact. Je veux dire, si le monde arrête de financer cette terrible guerre, Poutine ne pourra pas continuer. Je pense que c’est vraiment le point faible de la Russie, et on devrait appuyer là autant qu’on peut. C’est l’exemple parfait d’une politique de gauche, dans le sens où ça combine la solidarité avec l’Ukraine, la protection de l’environnement et de l’environnement maritime. On voit qu’il y a de grosses forces économiques en Occident qui se font beaucoup d’argent grâce à la guerre. Elles importent et transportent ce pétrole, et c’est extrêmement rentable pour elles. Et elles sont aussi nos ennemies. Elles sont en fait les alliées de Poutine dans ce cas-là. C’est donc un très bon exemple de la manière dont on peut faire avancer la politique en faveur de l’Ukraine dans un nouveau domaine.
Peut-être avez-vous quelques mots pour conclure. Qu’aimeriez-vous ajouter à l’intention de nos lecteurs ukrainiens ?
Je pense que le rôle de la gauche ukrainienne est super important. Et je pense qu’une de nos tâches est d’amener des gens en Ukraine, d’organiser plus de voyages, plus de rencontres, d’essayer de faciliter le développement d’un réseau social plus large, parce qu’il y a encore des arguments stupides pour ne pas soutenir l’Ukraine. Et je pense que la réalité est le meilleur contre-argument, et vous pouvez en parler.
Entretien avec Li et Jonas : Denys Pilash
Traduction Deepl revue ML