Dans de nombreuses régions du monde, la liberté de remettre en question, de douter ou de rejeter les croyances religieuses est un droit fondamental. Pourtant, pour des millions de personnes vivant dans des pays à majorité musulmane, s’identifier ouvertement comme athée ou même exprimer son scepticisme à l’égard de la religion peut être un acte périlleux. La réalité des non-croyant·es dans ces sociétés est souvent marquée par le secret, la peur et la résistance face à des pressions sociales et juridiques écrasantes.
Le paysage juridique : les lois sur le blasphème et l’apostasie
Dans le monde musulman, les lois criminalisant le blasphème et l’apostasie sont très répandues. Selon Humanists International, au moins 13 pays, dont l’Arabie saoudite, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan, prévoient la peine de mort pour apostasie ou blasphème. Même dans les pays où la peine de mort n’est pas appliquée, de longues peines de prison, des châtiments corporels et l’ostracisme social sont des conséquences courantes pour celles et ceux qui quittent l’islam ou critiquent la doctrine religieuse.
Ces lois ne sont pas purement symboliques. Au Pakistan, par exemple, des accusations de blasphème ont conduit à des violences collectives, des exécutions extrajudiciaires et de longues peines d’emprisonnement. Le cas d’Asia Bibi, une femme chrétienne condamnée à mort pour blasphème puis acquittée après avoir passé plusieurs années dans le couloir de la mort, met en évidence les dangers auxquels sont confrontées les personnes accusées de dissidence religieuse. Pour les athées et les ex-musulman·es, les risques sont encore plus grands, car leur identité même est considérée comme une menace pour l’ordre social et religieux.
Témoignages personnels : le courage face au danger
Malgré ces dangers, un nombre croissant d’ex-musulman·es et d’activistes laïques prennent la parole. Leurs histoires sont souvent poignantes, marquées par les menaces, la violence et l’exil, mais aussi par un courage et une détermination remarquables.
Maryam Namazie, militante d’origine iranienne et porte-parole du Conseil des ex-musulman·es de Grande-Bretagne, défend activement les droits des non-croyant·es. Elle décrit les menaces constantes qu’elle reçoit : « Chaque jour, je reçois des messages me disant que je mérite de mourir pour avoir quitté l’islam. Mais je refuse de me taire. » Le militantisme de Namazie a inspiré de nombreuses personnes, mais il a également fait d’elle une cible pour des acteurs étatiques et non étatiques.
En Égypte, Ahmed Harqan, ancien musulman et athée déclaré, a été victime d’arrestations et d’agressions physiques à plusieurs reprises. Après avoir survécu à une tentative d’assassinat, Harqan a fui le pays pour demander l’asile en Europe. Son histoire fait écho à celle d’innombrables autres personnes qui ont été contraintes de quitter leur foyer, leur famille et leur pays pour trouver la sécurité.
Des organisations telles que Ex-Muslims of North America (EXMNA) offrent une bouée de sauvetage à celles et ceux qui en ont besoin. EXMNA apporte son soutien, une communauté et une défense aux ex-musulman·es confronté·es à l’isolement et au danger. Comme l’a confié un membre anonyme : « Trouver d’autres personnes comme moi m’a sauvé la vie. Pour la première fois, je ne me sentais plus seul. »
Stigmatisation sociale : le coût caché de la non-croyance
Les sanctions juridiques ne sont qu’une partie du problème. Dans de nombreuses sociétés à majorité musulmane, la stigmatisation sociale liée à l’athéisme est profonde. Les non-croyant·es risquent d’être renié·es par leur famille, de perdre leur emploi ou d’être victimes de violences de la part de leur communauté. La peur d’être découvert·es pousse beaucoup d’entre elles et eux à mener une double vie, cachant leurs véritables convictions même à leurs proches.
Selon une enquête du Pew Research Center, une majorité écrasante dans des pays comme l’Égypte, la Jordanie et l’Indonésie estime que quitter l’islam devrait être puni de mort. Ce consensus sociétal crée un environnement où même les rumeurs d’athéisme peuvent avoir des conséquences dévastatrices.
Les réseaux sociaux sont devenus à la fois un refuge et un champ de bataille. En ligne, les athées et les ex-musulman·es peuvent trouver une communauté et du soutien, mais elles et ils sont également exposés au harcèlement, au doxxing et aux menaces. Dans certains cas, les gouvernements surveillent l’activité en ligne, ce qui conduit à des arrestations et à des poursuites pour « insulte à l’islam » ou « propagation de l’athéisme ».
Réseaux de soutien : construire des communautés de résistance
Malgré les risques, les réseaux de soutien clandestins se développent. Des groupes tels que Humanists International, Ex-Muslims of North America et Amnesty International travaillent sans relâche pour défendre la liberté d’expression et fournir des ressources à ceux qui sont en danger. Ces organisations offrent une assistance juridique, une relocalisation d’urgence et des plateformes permettant aux non-croyant·es de partager leurs histoires.
La technologie a joué un rôle crucial dans la mise en relation d’athées isolé·es. Les applications de messagerie cryptée, les forums privés en ligne et les comptes anonymes sur les réseaux sociaux permettent aux non-croyant·es de communiquer, de s’organiser et de se soutenir mutuellement. Ces espaces numériques sont une bouée de sauvetage pour beaucoup, leur offrant un sentiment d’appartenance et d’espoir dans des environnements autrement hostiles.
Le plaidoyer international fait également la différence. Les campagnes visant à libérer les athées emprisonnés, à contester les lois sur le blasphème et à promouvoir les valeurs laïques gagnent du terrain. Le rapport annuel sur la liberté de pensée publié par Humanists International met en lumière les abus et les pressions auxquels sont confronté·es les non-croyant·es dans le monde entier, contribuant ainsi à mobiliser le soutien mondial.
La voie à suivre : l’espoir au milieu des difficultés
La lutte pour les droits des athées dans le monde musulman est loin d’être terminée. Pourtant, les voix des non-croyant·es se font de plus en plus entendre, encouragées par la solidarité et la certitude qu’elles ne sont pas seules. À mesure que de plus en plus d’ex-musulman·es et d’activistes laïques partagent leurs histoires, elles et ils remettent en question le discours selon lequel la foi est universelle et inattaquable dans leurs sociétés.
Le changement est lent et se fait souvent au prix de grands sacrifices personnels. Mais chaque acte de défiance, chaque histoire racontée, contribue à faire tomber les murs du silence et de la peur. Le courage de celles et ceux qui osent remettre en question, douter et s’exprimer témoigne de la persévérance de l’esprit humain et constitue une lueur d’espoir pour un avenir plus ouvert et plus tolérant.
https://www.atheismdaily.com/2025/05/atheism-in-the-muslim-world-voices-of-nonbelief-under-pressure/
Traduit par DE