La France insoumise martèle contre toute évidence que partis et syndicats sont interdits en Ukraine. Tout observateur même distrait ou tout visiteur de l’Ukraine constate facilement que ce n’est pas le cas. Du 4 au 8 août le syndicat étudiant Priama Diia a tenu librement et démocratiquement son troisième congrès en présence d’une soixantaine de délégués. Quelques jours plus tard le syndicat du personnel soignant « Soyez comme nous sommes » a organisé une conférence syndicale à Odessa. A Lviv, le groupe féministe » l’Atelier féministe » a tenu une réunion publique le 4 août sur le thème « Qui sont les féministes ? Contre qui et pourquoi se battent-elles ?». Le 20 août 2025, à Kharkiv, des syndicalistes de la confédération syndicale FPU (3 millions de membres) se sont réunis. Et le 20 août, l’organisation socialiste Sotsialnyi Rukh a tenu à Kyiv, rue Yaroslavska, 35a, une réunion sur la situation des travailleurs dans les infrastructures critiques, notamment en présence de Kateryna Izmaylova du Syndicat des cheminots et des constructeurs de transports d’Ukraine. La tenue du registre des activités quotidiennes des syndicats et partis (et surtout de gauche) en Ukraine serait un travail fastidieux qui rempliraient des centaines de pages.
Mais alors pourquoi LFI ment-elle sur la réalité sociale et politique de l’Ukraine. Pourquoi méprise-t-elle à ce point le prolétariat ukrainien , ses organisations et les mouvements sociaux ?
1/ Pour LFI, la Fédération de Russie est un Etat anti-impérialiste politiquement « déformé » ou « dégénéré » avec des traits autoritaires. En conséquence elle peut à la fois la soutenir contre l’impérialisme américain et ses alliés européens et regretter la répression qui frappe certains de ses opposants (choisis par ses soins) et même leur apporter son soutien. Elle peut également déplorer, à l’occasion, l’absence de démocratie dans la Fédération. Mais en dernier ressort, puisqu’elle analyse la situation mondiale en termes d’affrontements entre Etats et non en termes de lutte de classes, la Fédération de Russie constitue d’abord et avant tout un point d’appui à défendre contre l’impérialisme américain, ennemi unique et principal. Il ne faut pas donc pas trop l’affaiblir par des critiques inconsidérées en regard des enjeux internationaux.
2/ Dans ce cadre, le mouvement ouvrier et les mouvements sociaux ukrainiens ne peuvent pas exister. Car la reconnaissance de leur existence et de leurs activités, indépendantes de l’Etat ukrainien, parfois contre lui lorsqu’il s’agit de défendre des acquis et droits sociaux, obligerait à reconnaitre une démocratie sociale ukrainienne mille fois supérieure à la dictature poutinienne. Ce déni de réalité a, par ailleurs, l’insigne avantage de tirer un trait d’égalité entre le régime de Kyiv et celui de Moscou en termes de normes démocratiques. L’un et l’autre se valent à cette aune. A la différence près, et essentielle, que celui du Kremlin s’oppose aux Etats-Unis alors que celui de Zelensky en est le jouet. Il est par conséquent essentiel d’effacer dans l’équation tronquée le facteur X que constitue l’existence des organisations ouvrières et des mouvements sociaux ukrainiens. Effacement qui permet de choisir raisonnablement la Fédération de Russie contre l’Ukraine et de valider comme légitime ses ambitions coloniales comme forme de résistance anti-impérialiste. Même si dans un sanglot furtif, LFI peut regretter l’agression russe contre l’Ukraine, nécessité « anti-impérialiste » fait loi.
25 août 2025
Patrick Le Tréhondat