Politique et Social

« Une identité calédonienne ne peut être bâtie sur l’oubli ou la négation du peuple premier: le peuple kanak. »

Nous publions les réactions politiques des organisations Kanaks à l’accord dit de Bougival dont la motion du congrès extraordinaire du FLNKS.

Communiqué de presse

« L’Avenir de la Nouvelle Calédonie n’est pas un jeu de Yoyo pour les seuls intérêts de la puissance administrante »

« La colonisation est un crime contre l’humanité », les accords successifs n’avaient qu’un seul but, la décolonisation du pays au sens du droit international, une aspiration récurrente du peuple colonisé, qui a inlassablement revendiqué son droit à la pleine souveraineté et qui, depuis les accords de Nainville-les-Roches, n’a eu de cesse de partager son droit à l’autodétermination avec les communautés installées durablement sur sa terre. 

L’USTKE, dans son combat pour une meilleure prise en compte de la réalité kanak et des Exploités dans le monde de l’entreprise, a inscrit dans son statut, à côté de la mouvance indépendantiste, la lutte anticapitaliste, anticolonialiste, altermondialiste par l’accession du Pays à la pleine souveraineté, la lutte de libération sociale pour une libération nationale.

Or, l’accord dit de Bougival, du 12 juillet 2025, est un coup de Yoyo en plus, pour un énième statut mais définitivement dans la France. Une marche forcée, en deçà de l’Accord de Nouméa ou des propositions de Déva en mai 2025, pour une décolonisation par intégration dans la France, sans consentement préalable, libre et éclairé du peuple colonisé. Le dégel du corps électoral politique constitue une attaque frontale contre le principe de rééquilibrage et menace directement la protection de l’emploi local. C’est un facteur aggravant, mettant en péril la paix encore fragile en Nouvelle-Calédonie, qui compromet la construction d’un modèle de société viable, durable et juste. 

Aussi l’USTKE rejette sans équivoque le projet d’accord de Bougival en l’état. 

Cette décision est le fruit d’un travail d’analyse collective approfondi mené lors de notre Assemblée Générale Extraordinaire du 24 juillet 2025, qui a réuni nos adhérents et nos représentants des structures fédérales pendant plus de quatre heures d’échanges et de débats. Elle marque une expression démocratique forte de notre base militante, qui a unanimement rejeté ce projet d’accord dans sa logique, son contenu et ses conséquences.

Cette position s’inscrit dans la continuité du communiqué du 27 mal 2024, où nous déclarions sans ambiguïté au lendemain des événements de mai : « L’USTKE rejettera tout accord qui ne débouchera pas de manière formelle et garantie sur l’accession à l’indépendance de la Kanaky ».

L’USTKE reste fidèle à cette ligne politique constante et cohérente. L’indépendance n’est pas une variable d’ajustement dans les négociations institutionnelles. Elle est l’horizon politique légitime du peuple Kanak, inclusive de toutes les composantes de la société, et la finalité du processus de décolonisation en cours depuis la fin du code de l’indigénat en 1946. Elle doit se construire dans la continuité de l’Accord de Nouméa.

Nous estimons que le projet d’accord de Bougival constitue un recul politique sans précédent.

Il acte :

• la disparition de la notion de peuple Kanak comme sujet spécifique de droit au profit d’un « peuple calédonien » sans fondement historique ni légitimité politique,

• la dilution du droit à l’autodétermination dans un processus verrouillé et encadré par des normes constitutionnelles françaises,

• la légitimation de la colonisation de peuplement à travers l’élargissement du corps électoral,

• et la marginalisation programmée des indépendantistes dans les institutions, notamment via la surreprésentation de la province Sud.

Dans ce contexte, l’USTKE en appelle, avec gravité et lucidité, au FLNKS – fer de lance historique du mouvement de libération nationale – à sortir de l’ambiguïté et à reprendre l’initiative d’un véritable processus d’autodétermination. Ce processus ne saurait être conditionné à un pacte social et économique utilisé comme monnaie d’échange de nos aspirations à l’indépendance. La construction économique et sociale du pays ne peut se faire au prix du renoncement à la souveraineté. Elle doit, au contraire, s’ancrer dans la pleine reconnaissance du peuple Kanak comme sujet politique de droit, porteur d’un droit à l’autodétermination reconnu par les résolutions internationales des nations unis.

Nous refusons qu’un accord déséquilibré, imposé dans la précipitation, hypothèque l’avenir de nos enfants et des générations futures.

« Une Identité calédonienne ne peut être bâtie sur l’oubli ou la négation du peuple premier: le peuple kanak. »

Fait à Nouméa, le 1 août 2025
Pour le Bureau confédéral
La Présidente
Mélanie ATAPO

https://ustke.org/actualites/actualite-syndicale/LUSTKE-rejette-sans-equivoque-le-projet-daccord-de-Bougival-at_1558.html

Motion de politique générale. 45ème congres extraordinaire du FLNKS

Le 09 août 2025 à la tribu de Nepa
Commune du Mont-Dore, aire Djubea-Kapumë

Considérant la prise de possession unilatérale du pays Kanak par l’État colonial français le 24 septembre 1853,

Considérant l’héritage millénaire de la civilisation kanak et la résistance historique de notre peuple face à toutes les formes de domination,

Considérant la déclaration de Nainville-Les-Roches où d’une part, la France a reconnu le droit inné et actif à l’indépendance du peuple autochtone kanak et que d’autre part, ce dernier a reconnu les victimes de l’histoire comme populations concernées et a partagé l’exercice de son droit à l’autodétermination

Considérant que le peuple kanak est un peuple colonisé, reconnu comme tel par le droit international et que la Nouvelle-Calédonie est réinscrite par l’ONU depuis 1986 sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser,

Considérant que le droit à l’autodétermination est un droit inné et actif, fondé sur la Charte des Nations Unies et les résolutions de l’Assemblée générale sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et sur la déclaration des droits des Peuples Autochtones,

Considérant que les Accords de Matignon-Oudinot et l’Accord de Nouméa ont été conclus dans un esprit de paix, de dialogue, de consensus et de reconnaissance du fait colonial,

Considérant que l’Accord de Nouméa demeure le plancher politique et juridique du processus de décolonisation, dont la finalité est selon son point 5 la « vocation de la Nouvelle-Calédonie à la pleine émancipation »,

Considérant que le peuple kanak n’a pas participé à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté du 12 décembre 2021 organisé dans des conditions contraires aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, au mépris du deuil coutumier et du contexte sanitaire lié à la pandémie de la Covid-19,

Considérant la rupture de dialogue consécutive au passage en force du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral,

Considérant la présentation du projet de l’Accord de Kanaky, transmis à l’État le 30 mai 2025, comme base de contribution légitime de la mouvance indépendantiste,

Considérant que le projet d’accord de Bougival représente un affront à l’égard du Peuple kanak

Considérant que ce projet d’accord est incompatible avec les principes du droit à l’autodétermination,

Considérant la dégradation du contexte socio-économique, l’urgence sociale, les violences et les discriminations subies par les populations kanak et océaniennes durant l’année 2024,

Considérant les arrestations politiques et les conditions de détention dénoncées par l’Observatoire des prisons,

Considérant le soutien explicite des États de la région Pacifique, notamment à travers les résolutions du Groupe Mélanésien Fer de Lance, du Forum des Îles du Pacifique et du Front international de décolonisation,

Considérant la mission de haut-niveau du Forum des Îles du Pacifique d’octobre 2024

Considérant la déclaration commune du congrès du FLNKS de l’Anse Vata du 26 février 2023 qui consolide l’unité du Front

Considérant les motions adoptées aux 43ᵉ et 44ᵉ congrès de Pagou et de Saint-Louis,

Considérant l’appel solennel à la remobilisation, à l’unité et à la transmission générationnelle lancé par le Président du FLNKS dans son discours d’ouverture du présent congrès,

Le 45ᵉ Congrès extraordinaire du FLNKS :

Sur la gouvernance :

• Engage en urgence le groupe de travail du FLNKS à finaliser les travaux qui seront validés lors d’un prochain congrès ;

Sur le projet d’accord de Bougival :

• Réaffirme que son objectif fondamental demeure l’accession du pays à la pleine souveraineté et à l’indépendance, au travers d’un processus de décolonisation encadré par le droit international et notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

• Rejette formellement le projet d’accord de Bougival, en raison de son incompatibilité avec les fondements et acquis de notre lutte. Le mandat de l’équipe de discussion et de l’équipe technique est caduc. Par conséquent, le FLNKS ne participera pas au comité de rédaction ni à aucune discussion en relation avec la mise en œuvre du projet d’accord de Bougival.

• Met en garde l’État contre toutes nouvelles tentatives de passage en force

• Mandate le BP du FLNKS à transmettre la notification officielle du rejet de l’accord de Bougival à la puissance administrante, à ses relais locaux, ainsi qu’aux instances régionales et internationales.

• Engage l’ensemble des forces vives indépendantistes à tout mettre en œuvre pacifiquement pour stopper l’agenda de l’État prévu à Bougival

• Affirme que le dégel du corps électoral est une ligne rouge, et que le peuple kanak ne peut être réduit à une minorité politique dans son propre pays.

• Condamne le chantage économique et social orchestré par l’État

Sur les perspectives :

• Réaffirme que l’Accord de Kanaky est la base légitime portée par le FLNKS pour fixer la trajectoire de sortie de l’Accord de Nouméa. Ce document constitue le socle des futures négociations.

• Réaffirme que les discussions devront se dérouler exclusivement en Kanaky

• Constate l’impasse des discussions trilatérales et décide de poursuivre le dialogue avec l’État français, puissance administrante ; il saisira l’assistance technique de l’ONU.

• Décide que tout processus de négociation devra s’effectuer sous la supervision du président du FLNKS,

• Rappelle et réajuste le phasage de l’accord de Kanaky acté lors du congrès de Saint-Louis :

  1. Une phase de négociation à l’issue de laquelle devra intervenir la signature de l’accord de Kanaky au plus tard le 24 septembre 2025 fixant une date d’accession effective de Kanaky à la pleine souveraineté avant les élections présidentielles en 2027.
  2. A l’issue de la signature de l’accord de Kanaky, une période de transition devra aboutir à la création de notre nouvelle nation,
  3. A l’issue de l’accession de Kanaky à la pleine souveraineté, une nouvelle période de discussions et de négociations s’ouvrira, devant aboutir à l’établissement de conventions d’interdépendance ou des accords de coopération avec l’État Français et d’autres États.

• Appelle à la remobilisation des structures du Front de manière pacifique aux niveaux local, national et international 

• Salue les jeunes mobilisés depuis mai 2024 et engage le FLNKS à les intégrer davantage dans le travail et mieux les associer aux processus de décisions.

• Mandate le président du FLNKS en lien avec le Bureau Politique à poursuivre les démarches diplomatiques en lien avec :
– Le Groupe Fer de Lance Mélanésien,
– Le Forum des Îles du Pacifique,
– Le Front International de Décolonisation,
– Le Comité spécial de la décolonisation (C24),
– La Quatrième Commission de l’ONU,
– Les organes des traités
– Le Mouvement des Non-alignés
– Et toute organisation régionale ou internationale favorable à l’émancipation du peuple kanak.

• Appelle les États frères de la région à maintenir et renforcer leur soutien, afin de créer les conditions d’un accompagnement diplomatique actif permettant d’aboutir à un accord politique respectueux de nos droits et ambitions.

• Se positionne pour le maintien des élections provinciales comme prévu avant le 30 novembre 2025

• Réaffirme que le FLNKS demeure le seul représentant légitime du peuple kanak, porteur de son droit inaliénable à l’autodétermination, et garant de sa mise en œuvre jusqu’à l’accession pleine et entière à la souveraineté.

• Engage ses instances à recevoir Inaat Ne Kanaky pour présenter la déclaration de souveraineté des grandes chefferies prononcée le 24 septembre 2024 à Gureshaba.

Télécharger le communiqué au format PdF : Motion-PG-CONGRES-EXTRA-FLNKS-VF