Idées et Sociétés, International, Politique et Social

Texte de Vitaliy Dudin. Commentaires et discussion.

Nous avons publié, il y a deux jours, un texte de Vitality Dudin https://www.reseau-bastille.org/2025/06/10/post-de-vitaliy-dudin-quest-ce-qui-empeche-la-fin-de-la-guerre-en-ukraine-deux-problemes-principaux/. Ce texte percutant a suscité des commentaires. Nous publions aujourd’hui le commentaire de Robert Duguet, un des animateurs de Samizdat 2. ML

Quelques commentaires sur la politique du Mouvement Social Ukrainien et « le pseudo-pacifisme des forces  progressistes occidentales », par Robert Duguet

Vitaliy Dudin, leader du Mouvement Social ukrainien (Sotsialnyi Rukh).

Dans ce texte rédigé par le leader du Mouvement Social Ukrainien (Sotsialnyi Rukh) et publié par Réseau Bastille chaque mot résonne en nous, militants internationalistes français, de manière terrible. L’analyse est impitoyable et juste. Le dirigeant Vitaly Dudin cible « le pseudo-pacifisme des forces progressistes occidentales », c’est lui qui aujourd’hui en refusant de soutenir clairement la résistance armée contre le régime fasciste de Poutine, affaiblit l’Ukraine. Certes, le régime de Zélensky, parce qu’il s’inscrit dans un système néo-libérale défendu par les Traités européens, est aussi un frein important pour rejeter l’envahisseur. Le peuple, les travailleurs ukrainiens ont besoin d’un socialisme de guerre, d’une nationalisation des moyens de production centré sur l’industrie de guerre, tout en garantissant au mouvement d’un peuple en armes les droits sociaux et la démocratie, pour construire un avenir sans les oligarques. 

Face aux agressions impériales depuis 1914, le mouvement ouvrier s’est par deux fois fracturé sur la question de la guerre. Avant son assassinat le 31 juillet 1914, Jaurès travaillait à un livre intitulé « l’armée nouvelle » qui marquait une rupture avec le pacifisme. En 1915 ces écrits sont publiés une première fois. Léon Trotsky, alors que la IIème Internationale a sombré dans l’Union sacrée, y compris le prétendu courant marxiste de Jules Guesde, relève :

« …Jaurès démontrait que la France ne peut avoir qu’une armée défensive, construite sur la base d’un armement populaire, c’est-à-dire la milice. La République bourgeoise française paie le fait d’avoir contrebalancé, dans son armée, les influences démocratiques. Elle a créé, suivant Jaurès, un régime « avorté » où se heurtent et se neutralisent des formes surannées. Le vice fondamental et la faiblesse militaires françaises se trouvent dans cette inadaptation. Au contraire : la barbarie allemande lui donne une puissante supériorité. Certes la bourgeoisie allemande a pu s’élever, de temps en temps, contre la mentalité prétorienne du corps des officiers, la Social-Démocratie a pu dénoncer les cruautés du « drill » qui a conduit à de nombreux suicides dans les casernes, mais le manque de caractère politique et la carence de l’enseignement révolutionnaire chez les travailleurs ont permis les monstrueuses réalisations du militarisme. » (Léon Trotsky, La Guerre et l’Internationale, volume 1 page 78. 1974 Archives et Documents).

Les forces progressistes se fracturent de la même façon après la date fatidique de janvier 1933, lorsque les nazis prennent le pouvoir en Allemagne.

On se souviendra des larmes de Léon Blum au parc de Luna Park le 6 septembre 1936 lors d’un meeting organisé par la fédération SFIO de la Seine pour tenter de justifier la non-intervention de son gouvernement en faveur de la République ouvrière espagnole, alors que les tueurs de Staline la frappait dans le dos. En fait là-bas commençait la seconde guerre mondiale.

Des dirigeants de premier plan des partis ouvriers PCF et SFIO passent à la réaction. Marcel Déat n’était rien moins que le dauphin pressenti de Léon Blum, alors que le député maire de Saint Denis Jacques Doriot, fondateur du PPF collaborationniste, mourra sous l’uniforme de la Wehrmacht. Le courant pacifiste emportant nombre d’intellectuels connus passera dans le soutien au régime de Pétain, animeront au début de l’occupation l’école d’Uriage où se formaient les cadres de la Révolution Nationale et du corporatisme. L’écrivain Emmanuel Berl écrivait les messages du maréchal. 

Aujourd’hui le propos de Vitaly Dudin appuie où cela fait très mal pour nous : la question de l’Ukraine établit une ligne de démarcation, non seulement au sein des partis dits traditionnels de la gauche, mais aussi au sein de ce qu’il est convenu d’appeler la gauche radicale. La version actuelle de « la non-intervention » est donnée « par ceux qui se prétendent révolutionnaires ou radicaux… Pour moi, il est clair que ces rêveurs veulent mener une vie prospère au sein du système capitaliste sans avoir de réelles perspectives de le renverser. » La France compte un palmarès honteux : trois organisations qui se réclament du « trotskysme » (Lutte Ouvrière, Parti des Travailleurs et le POI lambertiste) refusent le soutien à la résistance ukrainienne. Le POI étant devenu aujourd’hui la garde prétorienne du mouvement la France Insoumise. Son leader Jean Luc Mélenchon ne fait pas mystère de son soutien à la Russie de Poutine.  

Le Mouvement Social ukrainien nous lance un appel. Il faut savoir y répondre.