Que va signifier un pape américain pour les États-Unis ?
LUNDI 12 MAI 2025, PAR DAN LA BOTZ
Le conclave des cardinaux a élu pour la première fois un pape américain, un homme qui a critiqué la politique du président Donald Trump et du vice-président J.D. Vance. Que va signifier le choix de cet Américain à la tête de l’Église catholique pour les États-Unis ?
L’Église catholique est une organisation énorme et influente. Elle compte 1,4 milliard de catholiques dans le monde. Vingt pour cent de la population américaine est catholique, soit 73,2 millions de personnes. Les protestants sont plus nombreux, mais ils sont divisés en plusieurs Églises, tandis que l’Église catholique est la plus grande organisation religieuse des États-Unis. Bien que majoritairement blanche, l’Église a vu sa composition ethnique changer avec l’arrivée d’immigrants venus du Mexique, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Aujourd’hui, 36 % des catholiques américains sont hispaniques, 54 % sont blancs, 4 % sont asiatiques et 2 % sont noirs. Et en 2024, Trump a remporté 54 % des voix de tous les catholiques et 61 % des catholiques blancs.
Oui, l’Église catholique est une institution fondamentalement conservatrice, voire réactionnaire, patriarcale et sexiste, qui refuse aux femmes les rôles de direction ou même la possibilité de s’exprimer dans les délibérations, et qui leur refuse le droit au divorce et à l’avortement. Il est vrai qu’elle n’a pas réussi à protéger les enfants contre les abus sexuels commis par des prêtres. Oui, elle a été historiquement liée, dans de nombreux endroits, et en particulier en Amérique latine, à la classe dirigeante des propriétaires fonciers et des capitalistes, ainsi qu’à l’État. Oui, pendant des siècles, elle a eu le caractère d’un « opium du peuple », une drogue pour les opprimés.
Pourtant, même cette institution conservatrice a donné naissance à des courants progressistes, voire socialistes, comme la théologie de la libération qui a eu une grande influence en Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Cette théologie, pratiquement marxiste, a inspiré des millions de personnes en Amérique latine à la résistance, à la rébellion et à la révolution. Horrifié, le pape réactionnaire Benoît XVI (2005-2013) a tenté de l’éradiquer, en renvoyant des prêtres et des professeurs.
Le pape François, récemment décédé, était un défenseur d’une théologie du peuple mettant l’accent sur le souci des travailleurs et des pauvres, des migrants, mais aussi des marginaux et des opprimés, comme les personnes LGBT. Le nouveau pape Léon XIV semble vouloir suivre les traces de François.
Robert Francis Prevost, né à Chicago en 1955, a obtenu des diplômes de l’université catholique de Villanova en Pennsylvanie, de l’Union théologique catholique de Chicago et de l’université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin à Rome. De 1985 à 1999, il a été missionnaire au Pérou, puis de 2014 à 2023, il est retourné au Pérou et a obtenu la nationalité péruvienne. Il a été à la tête de l’ordre des Augustins et a occupé des postes importants dans la hiérarchie catholique.
Prevost a choisi le nom de Leo XIV, se plaçant dans la tradition de Léon XIII, pape de 1878 à 1903, qui, dans son encyclique Rerum Novarum (Des choses nouvelles), avait abordé « la misère et la détresse qui pèsent si injustement sur la majorité de la classe ouvrière ». Tout en s’opposant au socialisme et en défendant le capitalisme, Léon XIII a reconnu la nécessité et le droit des travailleurs à se syndiquer, faisant ainsi entrer l’Église du Moyen Âge dans le monde moderne.
Trump et Vance ont tous deux félicité Léon XIV pour son élection et ont félicité les États-Unis de l’avoir produit. Mais qu’adviendra-t-il de ces électeurs de Trump si le pape s’oppose aux politiques racistes et xénophobes du président ? Le nouveau pape sera-t-il capable de faire changer certaines mentalités ? Les partisans de Trump sont sceptiques. Laura Loomer, une militante d’extrême droite qui influence Trump, a déclaré que le nouveau pape était « anti-Trump, anti-Maga, pro-frontières ouvertes et un marxiste pur et dur comme le pape François ». Et elle n’a pas tort. Bien qu’il ne soit pas marxiste, les messages publiés par Prevost sur les réseaux sociaux avant son élection indiquent qu’il est en faveur de la protection des immigrants, de la réduction de la violence par les armes à feu et de la lutte contre le changement climatique.
Trump va maintenant se rendre compte qu’il doit partager la scène mondiale avec un autre leader américain puissant, le pape Léon XIVm, qui sera son adversaire sur de nombreuses questions.
11 mai 2025
Dan La Botz