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Hommage à Claude Beaugrand

28 juin @ 18h00 21h00

au 31 rue de la Grange aux Belles 75010

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Claude, celui qui voulait

foutre le trafalgar dans

la turne des dictateurs

Claude Beaugrand

participait aux activités de notre Comité fran- çais du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine depuis sa création; il était régulière- ment présent aux manifestations parisiennes des Ukrainiens et Ukrainiennes. Son engage- ment solidaire de la résistance populaire ukrai- nienne était ancré dans ses convictions et pra- tiques anti-impérialistes, qu’il concevait comme nécessairement couplées à la lutte de classes.

Cela prolongeait sa participation active, de 2015 à 2019, au Collectif Koltchenko, militant libertaire, antifasciste, syndicaliste étudiant, ukrainien kidnappé en Crimée et emprison- né par l’État russe. Auparavant, il participa à bien d’autres mouvements de solidarité inter- nationale, notamment dans les années 1970, envers des camarades menacés par le régime de Franco. À propos du soutien à la résistance ukrainienne, il se souciait de la frilosité affichée par une partie des communistes libertaires, en rupture avec la tradition internationaliste de ce courant (Espagne, Pays de l’Est, Algérie, Kanaky, etc.) qu’il rappelait autant que nécessaire.

Celles et ceux qui l’ont côtoyé dans des mani- festations, à la librairie La Brèche, dans les fêtes du livre des éditions Noir et Rouge, lors de dé- bats, ou croisé dans la rue, savent à quel point il était toujours en recherche de discussions, d’échanges, de nouvelles du monde militant.

Claude, né en 1949, avait travaillé à l’usine Citroën dans le 15e arrondissement, en 1968 au moment de la grande grève générale de mai- juin, à laquelle il avait pris part. Il fut embauché à la SNCF au début des années 1970 et devint aiguilleur. Syndicaliste CFDT à Paris-Austerlitz, il

fut bien sûr de toutes les grèves. En 1996, il re- joignit SUD-Rail et participa au premier congrès fédéral, en 1997, où il fit une intervention sur la grève des dockers de Hambourg, en 1896-1897, aussi longue et quelque peu hors-sujet que pas- sionnante et instruite : c’était « du Claude ».

Claude avait rejoint l’Organisation révolu- tionnaire anarchiste (ORA) en 1969. Cheminot, il faisait partie de ceux qui, dans les années 1970, diffusaient Le Rail enchaîné et fut, de 1972

Depuis trois ans que nous

marchions côte à côte,

les mercredis et samedis aux manifs Ukraine, nous avions tissé des liens étroits avec Claude. Comme nous étions pays (le 12e), nous rentrions souvent ensemble – à pied – pour continuer à parler, en nous arrêtant quelquefois à un kebab qu’il aimait, bien moins pour ses qualités gastro- nomiques que parce que le patron affichait son soutien à la cause kurde.

Nous prîmes alors l’habitude de nous donner rendez-vous au café, chaque vendredi, après le marché Daumesnil.

Là nous balayions l’actualité du monde creu- sant semaine après semaine les deux mêmes sillons: le dévoiement à gauche de la lutte an- ti-impérialiste et l’antisémitisme, Claude ayant été profondément marqué, lui, le cheminot, par les stigmates laissés par la participation de la SNCF à la déportation des Juifs français.

Discuter avec Claude, c’était une promenade erratique faite de coq à l’âne, de citations ana- chroniques, de questionnements naïfs dont il connaissait les réponses mieux que vous; être

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à 1976, directeur de publication du journal de l’ORA (puis OCL), Front libertaire. Il rejoignit la LCR en 2007, participant au lancement du NPA, concrétisé en 2009, qu’il quitta au début des an- nées 2010. Il rejoignit ensuite Alternative liber- taire (AL) jusqu’à fin 2015 et participait chaque année aux Journées d’été de l’organisation, sou- cieux de la transmission mais aussi de l’échange avec les plus jeunes, toujours avec ce souci des expériences militantes, de l’apport historique, pour les luttes d’aujourd’hui et de demain. Il cotisa à l’Union communiste libertaire (UCL), là aussi lors de la création, en 2019, mais s’en retira au bout de quelques mois, tout en continuant à se réclamer du mouvement libertaire.

Claude était un internationaliste pratiquant! Chaleureux, c’était aussi un puits de culture, un amoureux de la poésie, qu’il aimait déclamer. C’est son absence à la manifestation parisienne du 1er Mai qui alerta quelques camarades. Mal- heureusement, il était décédé à son domicile.

Du Comité français du RESU, nous n’oublie- rons pas Claude, ses présences aux manifs, sa soif de discussions, ses interpellations à propos de la situation sociale locale comme interna- tionale, et son angoisse que la transmission de l’histoire ouvrière ne se fasse pas.

Christian Mahieux

Les photos sont de Jean-François Raffin, que nous remercions chaleureusement.

confronté à une pensée foutraque qui, si vous digériez l’exercice, vous laissait le souvenir d’un moment riche de culture et de connaissance de l’histoire des luttes sociales et anticoloniales. De sorte que, je ne manquais jamais un marché.

Ces deux derniers vendredis d’avril, il n’a pas répondu à mes messages…

Fontaine des Innocents, un mercredi maus- sade de mai, à la fin de la manifestation de sou- tien à l’Ukraine, l’émotion était palpable. Tout le monde connaissait Claude et chacun avait un souvenir particulier avec lui. Je pris la parole, au nom du RESU, retraçant son passé de militant ouvrier, libertaire et anti-impérialiste :

Je vous l’ai dit, Claude était anarchiste et donc, pour paraphraser une vedette de music-hall antiraciste, il avait deux amours, l’Espagne et l’Ukraine. L’Espagne dans les années 1970 contre la dictature franquiste et sa terrible ré- pression. L’Ukraine dès 2015 et sa participation

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au comité Koltchenko. […] Claude est souvent intervenu devant vous. Je ne sais pas ce qu’il vous aurait dit aujourd’hui. Mais je crois pou- voir le deviner. Il vous aurait dit qu’il ne faut pas lâcher, que l’Ukraine ne doit pas tomber, que l’Ukraine ne doit céder aucun pouce de son territoire, bien sûr pas la Crimée, bien sûr pas le Donbass, pas Louhansk, pas Donetsk, mais pas Zaporijjia, pas Soumy, pas Poltava, pas Kharkiv, pas toutes ces terres rêvées de la Maknovchtchina.

Parce que c’était important pour lui, ça lui te- nait au cœur, intimement, de toute son his- toire. Il vous aurait dit ça. Et puis, il vous aurait dit que c’était sûrement son dernier combat et je ne vous dis pas ça a posteriori. Son dernier combat parce qu’il commençait à fatiguer du monde qui tournait comme il tourne. Il mettait une grande confiance en vous. Parce qu’il avait eu un rêve tout jeune, que je vais résumer par

une phrase de Nestor Makhno, d’un nouvel ordre social «où il n’y aurait ni esclavage, ni mensonge, ni honte, ni divinités méprisables, ni chaînes, où l’on ne pourrait acheter ni l’amour, ni l’espace, où il n’y aurait que la vérité et la sincérité des hommes».

Cette phrase, elle s’applique tellement à mon camarade Claude Beaugrand.
Au final, il vous aurait dit ces mots que l’on a dit tant de fois. Ces mots qui concentraient son dernier combat contre l’impérialisme, son dernier combat pour la vie. Ces mots chargés qui n’étaient pas de son vocabulaire et qui au- jourd’hui sont la clé de notre avenir et qui ex- priment si fort la pensée que nous avons pour lui. Ces mots puissants, que nous avons criés ensemble et qu’il nous faut crier encore : Slava Ukraijni.

Hugues Joscaud