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Suite à un article de + 972 Microsoft fait marche arrière.

Ci-dessous l’article révélation de +972 mis sur le site le 18/8.

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Microsoft retire ses services cloud à l’unité 8200 israélienne, suite à une révélation de +972

Mardi 30 septembre 2025 / DE : YUVAL ABRAHAM

Le géant de la technologie a bloqué l’accès après que la révélation par le média +972 l’armée israélienne utilisait ses serveurs pour stocker des millions d’appels téléphoniques interceptés de Palestiniens.

Tiré d’Agence médias Palestine.

Microsoft a mis fin à l’accès de l’armée israélienne aux technologies qu’elle utilisait pour stocker d’énormes quantités de renseignements sur les civils palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, a annoncé le géant technologique au ministère israélien de la Défense dans une lettre envoyée à la fin de la semaine dernière, selon le Guardian.

Cette décision fait suite à une révélation publiée le mois dernier par +972 Magazine, Local Call et le Guardian, qui dévoilait comment l’Unité 8200, l’agence d’élite de l’armée israélienne spécialisée dans la cyberguerre, stockait des enregistrements interceptés de millions d’appels téléphoniques passés par des Palestiniens sur la plateforme cloud Azure de Microsoft, créant ainsi l’une des bases de données de surveillance les plus intrusives au monde sur un seul groupe de population. Selon l’enquête conjointe, ces données ont été utilisées au cours des deux dernières années pour planifier des frappes aériennes meurtrières à Gaza, ainsi que pour arrêter des Palestiniens en Cisjordanie.

À notre connaissance, c’est la première fois qu’une grande entreprise technologique américaine révoque l’accès de l’armée israélienne à l’un de ses produits depuis le début de la guerre à Gaza. Microsoft continue néanmoins de travailler avec d’autres unités militaires israéliennes qui sont des clients de longue date.

La lettre adressée par Microsoft au ministère israélien de la Défense, dont le Guardian a pris connaissance, indique que la société a lancé une enquête externe « urgente » à la suite de notre révélation, concluant que l’armée israélienne avait violé les conditions d’utilisation de Microsoft en utilisant sa plateforme cloud pour stocker les données de surveillance. Selon le Guardian, la lettre précise que, ayant « identifié des preuves » corroborant notre reportage, l’entreprise a décidé de suspendre les services de stockage et d’intelligence artificielle liés au projet en question. Elle ajoute que Microsoft « n’a pas pour vocation de faciliter la surveillance de masse des civils ».

Jeudi, selon The Guardian, le vice-président et président de Microsoft, Brad Smith, a envoyé un e-mail au personnel pour l’informer de cette décision, expliquant que l’entreprise avait « cessé et désactivé une série de services destinés à une unité du ministère israélien de la Défense ». Il a ajouté : « Nous ne fournissons pas de technologie facilitant la surveillance de masse des civils. Nous appliquons ce principe dans tous les pays du monde et nous l’avons réaffirmé à plusieurs reprises depuis plus de deux décennies. »

Cette mesure sans précédent intervient dans un contexte de protestations croissantes contre Microsoft et d’autres géants de la technologie dont Israël s’est servi pendant ses deux années d’offensive à Gaza, où les civils ont constitué la grande majorité des victimes. Le mois dernier, des militants ont organisé une manifestation devant le centre de données de Microsoft aux Pays-Bas après que notre enquête a révélé qu’il hébergeait 11 500 téraoctets de données militaires israéliennes, soit l’équivalent d’environ 195 millions d’heures d’enregistrements audio.

Selon le Guardian, l’unité 8200 a rapidement transféré la masse de données de surveillance hors des serveurs de Microsoft à l’étranger quelques jours après la publication de notre enquête ; selon leurs sources, l’unité prévoyait de transférer les données vers la plateforme cloud Amazon Web Services, dont l’armée est également de plus en plus dépendante depuis le 7 octobre.

Toutefois, de nombreux autres projets militaires israéliens impliquant les services de Microsoft ne sont pas affectés. En janvier, une enquête menée par +972, Local Call et le Guardian sur la base de documents divulgués par le ministère israélien de la Défense et la filiale israélienne de Microsoft a révélé que le géant technologique « est présent dans toutes les principales infrastructures militaires en Israël », des dizaines d’unités de l’armée israélienne — notamment les forces aériennes, terrestres et navales — s’appuyant sur les services cloud de Microsoft.

De plus, pendant la période la plus intense des bombardements aériens israéliens sur Gaza, les ventes des services d’IA de Microsoft au ministère israélien de la Défense ont considérablement augmenté. Le projet de surveillance de masse hébergé sur les serveurs cloud de Microsoft a vu le jour en novembre 2021, lorsque Yossi Sariel, alors commandant de l’unité 8200, s’est rendu au siège du géant technologique à Seattle pour rencontrer le PDG Satya Nadella.

Selon un document interne de Microsoft résumant la réunion, obtenu par le Guardian, Sariel a informé les hauts responsables de l’entreprise qu’il souhaitait stocker de grandes quantités de renseignements — jusqu’à 70 % des données de l’unité, y compris des documents hautement confidentiels — sur les serveurs Azure.

Un officier du renseignement a déclaré à +972, Local Call et au Guardian qu’avant son partenariat avec Microsoft, l’unité 8200 ne disposait que de la capacité de stockage de ses serveurs internes pour héberger les enregistrements des appels téléphoniques de dizaines de milliers de Palestiniens que l’armée considérait comme « suspects ». Mais grâce à la capacité de stockage quasi illimitée d’Azure, l’unité a pu commencer à enregistrer sur ses serveurs les appels interceptés d’un nombre beaucoup plus important de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, permettant ainsi de réaliser ce que plusieurs sources israéliennes ont décrit comme l’objectif ambitieux du projet : stocker « un million d’appels par heure ».

Cette collecte massive de données de surveillance a permis à l’armée d’obtenir des informations potentiellement incriminantes sur pratiquement tous les Palestiniens de Cisjordanie, des données qui, dans la pratique, pouvaient être utilisées à des fins de chantage, de détention administrative, voire pour justifier rétroactivement des meurtres.

Tout le monde au sein de l’unité n’a pas vu d’un bon œil la décision de Sariel de transférer les renseignements classifiés de l’armée sur les serveurs de Microsoft à l’étranger, en raison à la fois du coût que cela impliquait et du caractère sensible des informations. Mais Sariel a insisté, exprimant clairement son enthousiasme pour le potentiel du projet.

Notre enquête a également révélé que la direction de Microsoft considérait le développement de relations avec l’unité 8200 comme une opportunité commerciale lucrative. Lors de la réunion de 2021 à Seattle, Nadella a déclaré que le partenariat avec l’unité 8200 était « essentiel » pour Microsoft, tandis que des documents internes décrivaient le projet commun comme « un moment incroyablement puissant pour la marque ».

Mais face à l’indignation croissante de l’opinion publique et au sein même de l’entreprise, et alors qu’un nombre croissant d’organisations de défense des droits humains ont conclu qu’Israël commettait un génocide à Gaza, Microsoft a peut-être revu son calcul.

L’entreprise avait initialement annoncé en mai, à la suite de notre enquête de janvier, qu’un examen interne n’avait trouvé aucune preuve que l’armée israélienne utilisait sa technologie pour nuire aux Palestiniens. Mais l’enquête externe lancée en réponse à notre dernière enquête, supervisée par les avocats du cabinet américain Covington & Burling, a conduit l’entreprise à bloquer l’accès de l’Unité 8200 à certains de ses services de stockage dans le cloud et d’intelligence artificielle.

Selon le Guardian, M. Smith a indiqué dans un e-mail adressé à son personnel que notre enquête avait mis en lumière « des informations auxquelles [Microsoft] ne pouvait pas accéder compte tenu de ses engagements en matière de confidentialité vis-à-vis de ses clients ». Il a ajouté : « Notre examen est en cours. »


Yuval Abraham est journaliste et cinéaste basé à Jérusalem.

Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine

Source : +972 Magazine

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