Politique et Social

Editorial Réseau Bastille 30/9/25

Il est impossible de comprendre la situation française si elle n’est pas resituée dans le contexte international.

Ce monde chaotique et dangereux est marqué par l’émergence de diverses formes de fascismes. De la politique trumpiste à la vision « rashiste » de Poutine, de la dictature de Xi à la politique génocidaire de Netanyahou… La guerre, les guerres courent sur tous les continents. Ukraine, Palestine, Soudan…La barrière érigée par le droit international au sortir de la deuxième guerre mondiale est détruite. Crimes de guerre, génocides sont dans l’actualité. Et pourtant le « campisme », le pacifisme ressortent en tentant de mettre à distance les responsables des politiques criminelles. Ces positions politiques reviennent à mesure que l’on s’éloigne de la défense des peuples suppliciés, de la justice politique et sociale, du droit international. Et cet éloignement participe à la renaissance du nationalisme de droite comme de gauche. Dans ce sens, en Europe occidentale, le gouvernement italien de Giorgia Meloni, post-fasciste notoire, est l’exemple de la stabilité politique et économique donné par les décideurs financiers.  Ce monde articulé autour de pôles réactionnaires et impérialistes réussit à remplacer la mondialisation capitaliste, elle-même traversée de contradictions fortes mais plus lisibles. C’est peu de dire que la période n’est guère favorable aux progressistes et aux tenants de la justice et de l’égalité.

 Le positionnement politique sur ces différentes situations internationales évoquées éclaire crûment le discours tenu dans l’arène française. Être aux côtés des opprimés, des suppliciés ne change pas de sens en franchissant une frontière.

 Et la présence en force de tendances d’extrême droites voire fascistes aux portes du pouvoir simplement dans une logique électorale pèse sur cette situation instable. Plus que jamais il est important de ne pas confondre le rapport effectif entre les classes sociales et les discours des représentations politiques dans le « jeu politique ».

Après quatre gouvernements depuis le deuxième mandat de Macron qui suivaient tous la même direction politique, direction qui ne reflétait en aucun cas le vote républicain contre une majorité RN, un cinquième est en gestation et dévoile déjà un énième projet de budget « pour réduire la dette ». C’est-à-dire un budget de régression, d’austérité, un budget contre les classes populaires et leurs acquis.

Le 9 septembre, un appel à « Bloquer tout » lancé sur les réseaux à l’instar des gilets jaunes, vite repris par les appareils de LFI, de syndicats et d’organisations de la gauche radicale déboucha sur un mouvement qui dépassa largement les prévisions optimistes mais n’enclencha pas de dynamique immédiate. Ce n’était pas une réplique des gilets jaunes ni une irruption plus ou moins spontanée de colères mais c’était probablement un mouvement plus profond qui peine encore à naître. Des assemblées générales, des grèves venues de la base et des manifestations significatives dont l’importance variaient grandement suivant les villes et les régions ont remis à l’ordre du jour la lutte de classes après des journées de débats sans fond. Clairement une volonté collective de prendre en main la résistance aux mesures austéritaires du gouvernement existe mais souvent elle est polluée par les proclamations performatives venues de groupes politiques. Chacun a plus ou moins conscience que c’est par l’auto-organisation des salariés que l’on peut s’opposer au projet de budget et à la défaite électorale annoncée. Mais l’auto-organisation ne se proclame pas. Personne, surtout aujourd’hui après les multiples échecs des « forces de gauches » n’est habilité à parler pour le prolétariat au sens large. Dire à tout va « auto-organisez-vous » revient non à aider mais à soumettre.

Le 18 septembre, les syndicats unis (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, FSU,UNSA, Solidaires) ont lancé un mot d’ordre de grèves et de manifestations. Les dynamiques mises en mouvement par « Bloquons tout » et les organisations qui soutenait ce mouvement se sont retrouvés dans le cadre fixé par l’ultimatum des syndicats au premier ministre Lecornu et ont participé au succès de la journée. Défaire le budget Bayrou, revoir la réforme des retraites,  mettre en place des mesures fiscales…un ultimatum utile.

La taxe Zucman visant à prélever 2% dans 1800 foyers fiscaux d’ultra-riches devient un incontournable dans le débat politique. Il faut déjà reconnaître que ce projet fiscal a heureusement supplanté celui des coupes budgétaires. Même si la justice fiscale n’est qu’un reflet de la justice sociale.

Les manifestations ont rassemblé un nombre important de grévistes, d’étudiant.es, de salarié.s ou de retraité.es ( de 500 000 selon la police à 1 million selon la CGT et plus si affinités). Des manifestations vivantes marquées par l’importance des jeunes réunis. La tonalité était différente des dernières grandes manifestations contre la réforme des retraites. Le mot d’ordre « A bas Macron » parcourait les cortèges montrant que ,dans la situation décomposée, politique et social se conjuguent intimement. Mais cela ne signifie pas que ce mouvement à ce stade peut précipiter la chute Macron. Ce n’est pas un débordement populaire ni un soulèvement politique mais une conscience en mouvement.

Lecornu, le premier ministre solitaire, reçoit, écoute, éconduit…

Lecornu envisage son gouvernement après avoir rejeté tous projets de taxer les hauts patrimoines et même de rétablir un impôt sur la fortune.

Lecornu, premier ministre,  d’ouverture a fermé toutes les fenêtres dit Sophie Binet.

L’intersyndicale appelle alors à une nouvelle journée de grève et de manifestations pour le 2 octobre. Les organisations de gauche suivent. A cette étape, les mouvements et les journées d’action se conjuguent encore et le 2 peut être un point d’orgue de la mobilisation. Le danger de tomber dans la routine des temps forts comme lors des « retraites » n’est pas encore là. La ritournelle des injonctions (grèves générales, manifestations centrales…) ne sont heureusement pas audibles.

L’élément de stabilité, dans cette situation politique dangereuse, passe par la construction d’un front des travailleurs s’organisant autour de revendications d’urgence dont l’ultimatum syndical pourrait être le prolégomène. La construction d’un programme d’urgence devrait suivre.

En regardant au-delà des frontières médiatiques bétonnées par Bolloré, Sterin and Co nous pouvons voir comment les étudiants serbes organisés par universités, à partir d’une mobilisation contre la corruption, ont propulsé un Front social qui s’auto-organise, avance ses positions, réplique à l’autocrate Vucic avant d’en finir possiblement avec son pouvoir. Sans tribun, sans tribune et en contenant les partis politiques d’oppositions dans la volonté commune.

Nous pouvons voir aussi souffler un vent de révolte contre la corruption dans l’Asie du Sud.

Dans la situation mondiale comme domestique, le point d’appui contre la montée des eaux noires c’est la digue d’un front des travailleur.ses, des jeunes….  Et toute division fera écrouler l’ensemble des résistances. Toute volonté d’asservir à des fins électorales un mouvement en formation deviendra une faute. Se prétendre le débouché politique d’un mouvement en gestation est certes de l’outrecuidance mais surtout une incompréhension profonde du mouvement et de ses buts. L’intérêt de classe transcende la revendication partidaire.

Le Front populaire ou toute autre forme de pouvoir populaire procédera du mouvement si le mouvement parvient à s’organiser et s’il résiste à toutes les tentatives de détournement. Croire à une sortie électorale de la crise dans le contexte actuel est au mieux une illusion.

C’est pourquoi nous serons à la journée du 2 octobre pour participer comme chacun à la construction du mouvement de classe indispensable. Sans proclamation, ni mot d’ordre inutile, juste une partie qui s’inscrit dans la conscience de l’ensemble. Au soir du 2 octobre, une même volonté d’unité devra sortir des assemblées générales de grévistes, des universités… La responsabilité des dirigeants syndicaux sera alors engagée, celle des politiques l’est déjà.

 Comprendre que le temps est à l’urgence fait maintenant partie de la conscience.

Jeudi 2 octobre 14h Place d’Italie pour les parisiens.