Texte d’AVRUM BURG
Pendant des décennies, le conflit israélo-palestinien a été présenté comme une lutte politique entre deux communautés nationales. Les débats portaient sur les frontières, les réfugié·Ês et la sécurité, parfois même sur le droit de l’autre à exister. Les Palestinien·nes voulaient repousser les Israélien·nes à la mer, tandis qu’Israël refusait de reconnaître l’existence d’un peuple palestinien. « Il n’y a pas de peuple palestinien », déclarait Golda Meir dans son ignorance. « Il n’y a pas de partenaire », insistait Ehud Barak dans son arrogance. Ces disputes étaient douloureuses, mais elles restaient des disputes qui pouvaient, du moins en théorie, être résolues. Des cartes ont été dessinées, des émissaires envoyé·es, des principes énoncés. Pendant des années, il s’agissait d’une confrontation qui pouvait être résolue. Mais après le 7 octobre et les atrocités commises par le Hamas et Israël en représailles, il est loin d’être certain qu’une telle solution soit encore possible.
La guerre actuelle à Gaza a changé la donne. Il ne s’agit plus d’un simple conflit politique, mais de la première guerre religieuse d’Israël. Il ne s’agit plus d’intérêts sur lesquels on peut transiger, mais des commandements contre le djihad, du messianisme contre les promesses divines. Et lorsque Dieu se trouve au centre du champ de bataille, personne ne peut signer un accord de paix à la table des négociations.
Le Hamas : le nationalisme comme enveloppe, la foi comme noyau
Le Hamas est avant tout un mouvement religieux. Sa charte déclare que toute la Palestine est un waqf, une dotation sacrée :
« Le Mouvement de résistance islamique croit que la terre de Palestine est un waqf islamique consacré aux générations musulmanes futures jusqu’au Jour du Jugement. Elle ne doit pas être négligée, et aucune partie de celle-ci ne peut être abandonnée. »
Le conflit avec le Hamas ne porte donc pas sur les frontières de 1967 ou de 1948. Mais d’un décret divin. Le martyre n’est pas une perte, mais un accomplissement. Jérusalem n’est pas une option politique, mais un devoir religieux. La vision ultime n’est pas la paix locale, mais un califat mondial. « Israël, en vertu de son caractère juif et de sa population juive, défie l’islam et les musulmans » (article 28). Espérer un compromis avec ce Hamas, c’est espérer qu’Allah lui-même signe un nouvel accord d’Oslo. Ce n’est guère réaliste.
Le gouvernement « pleinement légitime » d’Israël : le commandement comme politique
Israël n’est plus guidé uniquement par des préoccupations sécuritaires. Les principaux ministres proclament ouvertement que cette guerre est une obligation religieuse. Le ministre des Finances Bezalel Smotrich déclare sa vision messianique :
« L’État d’Israël, l’État du peuple juif, avec l’aide de Dieu, reviendra à être gouverné comme il l’était à l’époque du roi David et du roi Salomon. Mon souhait à long terme est qu’Israël soit gouverné selon la Torah. Plus nous ferons progresser la Torah et le judaïsme, plus le Saint, béni soit-Il, nous bénira. »
Son collègue, Itamar Ben-Gvir, beaucoup plus populiste, suit ouvertement la voie de Meir Kahane, le rabbin raciste le plus notoire d’Israël à l’époque moderne : « Un prophète a vécu dans notre ville, un leader a vécu sur notre terre. Nous continuons sur sa voie. »
Il insiste pour monter au mont du Temple afin de « restaurer la souveraineté sur le lieu le plus sacré ». Les rabbins qui entourent cette coalition prêchent en public que « les Arabes de Gaza sont Amalek et que le commandement est d’anéantir Amalek ». Le génocide, tout droit sorti des Écritures. Les contraintes politiques s’effondrent sous les exhortations théologiques.
Entre le règne du Hamas et la coalition de Netanyahu, Israël est désormais engagé dans sa première véritable guerre religieuse.
Les intérêts peuvent être négociés. Dieu ne peut l’être.
L’histoire nous enseigne que les guerres politiques se terminent par des documents ; les guerres religieuses, moins. Les guerres de religion en Europe ont fait rage pendant des siècles jusqu’à ce que la leçon de la séparation de l’Église et de l’État soit enfin assimilée. Tant que les conflits restent politiques, il y a de l’espoir. Une fois qu’ils deviennent théologiques, les solutions s’éloignent. Car comment peut-on transiger sur une promesse divine ?
C’est pourquoi des soldats sont envoyés à Gaza, non pas pour protéger les civil·es, mais pour commencer la « purification » de toute la terre d’Israël. Gaza est la porte d’entrée vers la Cisjordanie. Les budgets sont alloués aux colonies non pas comme une mesure de sécurité, mais comme un devoir religieux. La démocratie elle-même plie sous le poids du messianisme. De l’autre côté, les Palestinien·nes se noient dans le sang et la ruine alors que le Hamas sacrifie son peuple sur l’autel d’Allah. C’est un cycle de fanatisme mutuel : chaque camp confirmant sa foi par le sang et le feu, chaque camp sanctifiant la haine. Et je ne vois pas de différence profonde
Tant que le conflit était laïc, portant sur les frontières, la sécurité et les droits, il pouvait faire l’objet de négociations. Maintenant, il est devenu un conflit religieux. Dieu contre Allah, la Halakha contre la charia, les rabbins contre les imams. Les chances de paix s’amenuisent. L’urgence est immense : le temps presse pour ramener ce conflit sur la voie politique avant qu’il ne soit scellé derrière les murs de la foi.
Un choix encore possible
Il s’agit là d’une grave responsabilité. Sommes-nous prêt·es à confier notre avenir à des politiciens qui croient que le Tout-Puissant dirige les réunions du cabinet ? Allons-nous troquer la possibilité d’un compromis difficile mais réalisable contre une guerre sainte sans fin où il n’y a pas de vainqueurs ?
Nous pouvons encore choisir la vie. Mais seulement si nous refusons de laisser Dieu mener nos guerres ou notre paix. Ni Dieu, ni les charlatans qui prétendent parler en son nom. S’ils insistent, qu’ils se battent entre eux. Nous devrions nous effacer et leur souhaiter bonne chance à tous les deux. Et aller de l’avant vers une réconciliation difficile mais nécessaire.
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Traduit par DE