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Etats-Unis.Les démocrates ont cédé dans la lutte contre la paralysie budgétaire. Les syndicats les ont laissés faire

Mardi 18 novembre 2025 / DE : ERIC BLANC publié dans PTAG

La fermeture du gouvernement est le test qui a montré où les forces progressistes sont fortes et où elles sont faibles. Les résultats sont connus après la capitulation des démocrates face au Parti républicain hier soir : la plupart des dirigeants syndicaux ne sont pas à la hauteur de la situation.

Tiré de Jacobin.

10 novembre 2025

Dans un acte spectaculaire de lâcheté et d’idiotie hier soir, sept sénateurs démocrates et un indépendant ont voté pour mettre fin à la paralysie budgétaire selon les conditions des républicains, gaspillant ainsi leur élan et leur influence. Bernie Sanders a exposé les conséquences probables de cette capitulation :

« Cela augmente les primes d’assurance maladie de plus de vingt millions d’Américain·es en les doublant, voire en les triplant ou quadruplant dans certains cas, et cela ouvre la voie à l’exclusion de quinze millions de personnes du programme Medicaid et de l’Affordable Care Act. Des études montrent qu’environ 50 000 Américain·es mourront chaque année inutilement, et tout cela pour accorder un trillion de dollars d’allégements fiscaux aux 1 % les plus riches. »

Aujourd’hui, d’innombrables Américain·es sont à juste titre indigné·es non seulement par les sénatrices et sénateurs qui ont cédé, mais aussi par le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, qui a laissé cette capitulation se produire.

Mais il y a un autre groupe qui mérite notre colère aujourd’hui : les dirigeantes et dirigeants syndicaux.

Le principal élément déclencheur de la capitulation d’hier soir a été la décision prise le 27 octobre par la direction nationale de l’American Federation of Government Employees (AFGE) d’appeler les démocrates à mettre fin à la paralysie budgétaire selon les conditions de Donald Trump, sans aucune garantie pour la couverture santé de dizaines de millions d’Américain·es.

La principale justification avancée par le président de l’AFGE, Everett Kelley, était que ses membres souffraient économiquement de la paralysie budgétaire. Il ne fait aucun doute que ce préjudice est bien réel, et je ne doute pas de la sincérité de l’engagement de Kelley envers ses membres. Mais les dirigeant·s de l’AFGE auraient pu décider de faire pression sur les républicain·es plutôt que sur les démocrates pour mettre fin à la paralysie budgétaire. C’était un choix politique.

Les membres de base de l’AFGE ont publié ce matin une lettre ouverte appelant leurs dirigeants nationaux à s’opposer à l’accord. Comme me l’a écrit hier soir un membre de base de l’AFGE : « Beaucoup d’entre nous sont furieux et furieuses contre les dirigeant·es de l’AFGE. […] Même si les dirigeant·es de l’AFGE estimaient que la paralysie budgétaire était devenue trop coûteuse, ils et elles auraient pu rejeter la responsabilité sur les républicain·es, qui peuvent rouvrir le gouvernement à tout moment en modifiant les règles du Sénat. » Loin de capituler après avoir mené un combat acharné, l’AFGE a refusé, dès le premier jour de cette fermeture, de fixer des limites claires aux républicain·es et de lancer de véritables campagnes de pression à leur encontre.

Les dirigeant·es de l’AFGE ne sont pas les seuls membres du mouvement syndical à avoir ouvert la voie à cette débâcle. Les deux sénateurs démocrates ont cédé au Nevada, un État où le syndicat Culinary Union, affilié à UNITE HERE, principalement composé d’immigrant·es et parfois militant, est l’acteur le plus puissant de la politique démocrate. Il est difficile d’imaginer que les sénateurs du Nevada auraient pris une décision aussi importante sans le feu vert tacite ou explicite des dirigeant·es du syndicat Culinary. En effet, aucune mention n’est faite de la lutte contre la fermeture dans les récents communiqués de presse du syndicat.

Les dirigeant·es du syndicat Culinary craignaient probablement que la poursuite des retards dans le trafic aérien ne nuise à leurs membres en freinant le tourisme à Las Vegas, mais cela ne justifie pas le refus de mener une lutte intersyndicale pour forcer les républicain·es à céder. Les travailleuses et travailleurs du secteur culinaire bénéficient d’une couverture santé réputée excellente ; il est regrettable que les dirigeant·es de leur syndicat semblent encore réticent·es à se battre pour que toustes les Américain·es bénéficient des mêmes droits. (Lors de l’élection présidentielle de 2020, les dirigeant·es du syndicat Culinary s’étaient également opposés à Sanders ainsi qu’à sa revendication d’une couverture médicale universelle.)