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Le conflit oublié du Sahara Occidental et sa brûlante actualité

La guerre à Gaza suscite une attention particulière, à juste titre, tout comme celle en Ukraine. Moins d’attention est accordée au Soudan, à l’est du Congo, et moins encore à des conflits tombés dans l’oubli.
L’un de ces conflits est celui du Sahara occidental, vieux de cinquante ans, entre le peuple autochtone, les Sahraouis, représenté par le Front Polisario, et le Royaume du Maroc.

Pourtant, nous sommes tous concernés. En effet, de nombreux fruits et légumes frais qui se retrouvent dans nos assiettes, proviennent du Sahara occidental (et également des territoires occupés de Palestine).

Le Sahara occidental était une colonie espagnole. En 1973, la population s’est révoltée contre la colonisation et a créé le Front Polisario. En 1975, en vertu des accords illégaux de Madrid, l’Espagne a transféré le contrôle du Sahara occidental au Maroc et à la Mauritanie. Le Maroc a organisé la « Marche verte » et occupé militairement le territoire. L’ONU et la Cour internationale de justice ont statué que le Maroc n’avait aucun lien avec le Sahara occidental, celui-ci étant un territoire non-autonome. Cela signifie que l’Espagne reste responsable de sa décolonisation et doit garantir au peuple du Sahara occidental l’exercice de son droit à l’autodétermination.

Dès lors, le Front Polisario a poursuivi sa lutte contre les deux pays voisins. En 1979, la Mauritanie se retire de l’accord de Madrid et le Maroc s’empresse de prendre sa place dans le sud du territoire sahraoui. L’armée marocaine construisit un mur de 2 700 kilomètres de long à travers le territoire du Sahara occidental et posa plus de 6 millions de mines antipersonnel.

Environ un cinquième du territoire à l’est de ce mur resta aux mains de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), administrée depuis les camps de réfugiés sahraouis, réfugiés accueillis en territoire algérien après avoir été bombardés au napalm et au phosphore blanc.

La guerre se poursuivit jusqu’en 1991, date à laquelle un accord de paix fut signé entre le Maroc et le Front Polisario, sous l’égide des Nations Unies, avec pour objectif ultime un référendum d’autodétermination pour le peuple sahraoui. Le cessez-le-feu, première phase du processus de paix, est pratiquement le seul volet du plan de paix à avoir été réalisé à ce jour. Le référendum n’a toujours pas eu lieu, malgré le fait que le droit à l’autodétermination est réaffirmé chaque année dans les résolutions de l’ONU.

Mais il y a plus que les légumes et les fruits, et les points communs avec Israël sont de plus en plus nombreux.

Un premier point commun avec Israël
Après Israël, le Maroc est le deuxième pays méditerranéen à avoir conclu un accord d’association avec l’Union européenne. Les accords commerciaux, agricoles et de pêche qui ont été et sont conclus dans ce cadre, sont illégaux. Les pays et les entreprises européens pillent illégalement les ressources naturelles du Sahara occidental via le Maroc.

Depuis dix ans, le Front Polisario dépose plainte après plainte auprès devant la Cour européenne de justice. Le Front a gagné chacune de ces plaintes. La dernière remonte à la fin de l’année dernière. Le 4 octobre 2024, la Grande Chambre de la Cour européenne de justice a rejeté dans leur intégralité les recours introduits en 2021 par la Commission européenne et le Conseil de l’UE et a annulé les accords d’association entre l’UE et le Maroc, tels que signés en 2019.

La raison en est que tout accord commercial portant sur l’exploitation des ressources naturelles doit être conclu avec le consentement du peuple sahraoui. Cela permet, d’une part, de confirmer le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. D’autre part, cela indique que le Sahara occidental est un territoire non autonome et donc distinct du Maroc. Enfin, le Front Polisario a le pouvoir d’engager des procédures devant les tribunaux européens au nom du peuple sahraoui.

La Cour a par exemple jugé que les melons et les tomates provenant du Sahara occidental devaient mentionner leur pays d’origine conformément à la réglementation européenne. Malgré tous les efforts de la justice européenne, le Conseil européen et la Commission européenne tentent sans cesse d’ignorer les décisions de la Cour de justice européenne ou de les déformer afin que le commerce puisse se poursuivre « comme d’habitude ».

L’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental n’a pas diminué, bien au contraire. Dans la région de Dakhla, où l’accès à l’eau potable est un combat permanent, le Maroc développe des mégaprojets technologiques, touristiques et agricoles qui consomment des quantités astronomiques d’eau et constituent une menace sérieuse pour l’approvisionnement en eau de la population sahraouie.

Un deuxième point commun avec Israël
Le Maroc développe ses relations avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham dans tous les domaines. Des accords de coopération économique ont été signés dans les domaines de l’investissement, de l’agriculture, de l’eau, du tourisme, de l’énergie, de la technologie et des télécommunications.

Selon le SIPRI, il est apparu clairement qu’Israël est devenu le troisième fournisseur d’armes du Maroc, après les États-Unis et la France. L’alliance militaire entre le Maroc et Israël n’a pour objectif ni la paix, ni la sécurité, ni la diplomatie. Il s’agit d’une alliance visant à la domination territoriale, au détriment du peuple sahraoui et du peuple palestinien.

Aussi différentes que soient les relations entre l’UE et Israël d’une part, et entre l’UE et le Maroc d’autre part, il existe bel et bien des parallèles. L’Europe a conclu des accords d’association avec les deux pays méditerranéens qui occupent militairement un autre pays, un autre peuple, violent les droits humains à grande échelle, pillent les richesses de ces territoires et en tirent tous les profits. Malgré tous ses discours grandiloquents et ses autosatisfactions, l’Europe fait du commerce avec ces pays et refuse d’appliquer sa propre législation et ses propres règles. L’Europe est complice du génocide à Gaza et de l’oubli total de toute la population du Sahara occidental. Cela permet en effet d’en tirer des bénéfices économiques ou du pouvoir. La Belgique ne fait pas mieux, compte tenu de l’accord de Gaza peu convaincant conclu par notre gouvernement, de la suppression de toute aide aux réfugiés sahraouis, du silence sur les violations des droits humains dans les deux territoires occupés et de l’autorisation d’importer tous les produits sans mentionner leur « origine palestinienne ou sahraouie ».

Hilt Teuwen
Hilt Teuwen a été pendant de nombreuses années responsable de programme Maghreb et Moyen-Orient à Oxfam-Solidarité. Aujourd’hui à la retraite, elle continue de suivre le conflit au Sahara occidental.
https://comitebelgesaharaoccidental.wordpress.com/2025/10/22/le-conflit-oublie-du-sahara-occidental-et-sa-brulante-actualite/