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États-Unis. De Los Angeles à Chicago, la guerre interne de Trump.

23 OCTOBRE 2025 

par Miguel Urban, tiré de publico.es

Depuis que Donald Trump a militarisé Los Angeles en juin dernier, affirmant qu’elle subissait « une invasion et une occupation par des immigrants clandestins et des criminels », le président américain a recouru à une rhétorique militariste, comme s’il avait déclaré une sorte de guerre interne contre tous ceux qui n’avaient pas voté pour lui lors des dernières élections présidentielles. (Sur la photo ci-dessus, des manifestants contre l’« opération Midway Blitz » à Chicago. – photo Chris Riha / DPA via Europa Press)

Il a déployé la Garde nationale dans cinq bastions démocrates : Los Angeles, Memphis, Portland, Chicago et Washington. Dans la capitale, depuis que Trump a déclaré l’état d’urgence sécuritaire, qualifiant la ville démocrate de « zone de guerre », la présence de soldats armés patrouillant dans les rues a marqué un anniversaire, samedi dernier : deux mois.

Bien qu’un juge ait déjà déclaré illégal le déploiement à Los Angeles, il n’y a eu aucune conséquence visible pour le gouvernement, et le président a donc continué à utiliser l’armée comme un outil pour réprimer durement les villes démocrates. Toutes les villes dans lesquelles Trump a déployé la Garde nationale – ou a menacé de le faire – sont des bastions de l’opposition. Il y a deux semaines, lors d’un discours belliqueux devant des centaines de généraux réunis en Virginie, Trump les a encouragés à « utiliser certaines de ces villes dangereuses comme camps d’entraînement pour nos militaires ».

Et depuis 15 jours, Chicago s’est ajoutée à la liste des villes démocrates où Trump a déployé l’armée contre les autorités locales, aussi bien le bureau du maire que celui du gouverneur lui-même. Un schéma que le président des États-Unis reproduit point par point, suivant la même stratégie déjà utilisée dans la militarisation de Los Angeles, devenue un laboratoire pour la justification et le déploiement de la particulière « guerre interne » de Trump contre l’opposition.

Depuis un peu plus d’un mois, Chicago est victime de l’opération Midway Blitz, au cours de laquelle le département de la Sécurité intérieure a inondé les rues d’agents de l’Immigration and Customs Enforcement(ICE). L’opération a laissé derrière elle des scènes sans précédent, comme un raid nocturne dans un immeuble avec des hélicoptères Black Hawk qui a laissé 130 personnes, dont des enfants, menottées dans la rue. La nature agressive de ces actions a poussé de nombreux habitants à protester, déclenchant des émeutes dans plusieurs quartiers de la ville, les agents de l’ICE ayant ouvert le feu sur plusieurs véhicules.

Le même scénario qui s’est répété à Chicago avait été mis en place à Los Angeles quelques mois auparavant. Avant d’envoyer la Garde nationale dans la capitale californienne, Trump avait préparé le terrain : au cours des semaines précédentes, le département de la Sécurité intérieure (DHS) avait envoyé en masse des agents de l’ICE pour doubler les raids dans les quartiers latino-américains. Les agents avaient utilisé des préjugés raciaux, intimidant les habitants.

L’arrestation du leader syndical d’origine mexicaine David Huerta, lors d’une manifestation contre une descente dans une usine textile du centre-ville, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, déclenchant d’importantes manifestations dans le centre-ville. Le président a continué à attiser les tensions, déclarant dans un discours prononcé à Fort Bragg qu’il allait « libérer » la capitale californienne d’une « invasion étrangère ». Dès que les premières images des affrontements ont été diffusées, un climat favorable s’est créé, poussant à la militarisation de Los Angeles avec plus de 4 000 soldats de la Garde nationale et 700 marines.

Dans le cas de Portland, où un juge a temporairement suspendu le déploiement de la Garde nationale, les manifestations près des centres de détention pour migrants ont été rares et sporadiques. Néanmoins, Trump n’a pas hésité à affirmer que la ville était « assiégée » par les militants, désignant le mouvement antifasciste – qu’il a déclaré organisation terroriste – comme la cause principale des violences présumées. N’oublions pas que Portland est le berceau de l’un des principaux groupes antifascistes des États-Unis, Rose City Antifa.

La menace d’arrêter les dirigeants démocrates de Californie – Trump a lancé l’idée d’arrêter le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, s’il faisait obstruction aux agents de l’immigration – se répète à Chicago. Trump lui-même a écrit cette semaine sur sa plateforme Truth Social : « Le maire de Chicago devrait être emprisonné pour ne pas avoir protégé les agents de l’ICE ! Le gouverneur Pritzker aussi ! ». Cette menace intervient au milieu d’affrontements avec les dirigeants démocrates, qui dénoncent la manière dont Trump transforme la ville en cette « zone de guerre » qu’il vante si souvent avec ses raids anti-immigration agressifs. Le gouverneur de l’Illinois, JB Pritzker, a lui-même dénoncé dans une interview télévisée que la violence des raids anti-immigration visait à « créer un prétexte pour faire venir les troupes. Ce sont eux qui créent cette zone de guerre ».

La militarisation des villes dirigées par les démocrates est une stratégie de Trump qui va au-delà de la punition de l’opposition politique et de l’acquisition d’un pouvoir toujours plus grand. Elle vise à ramener l’attention de la base de Trump sur les questions qui lui sont plus étroitement associées, en premier lieu l’autoritarisme et le nationalisme anti-immigration. Il cherche également à dissiper la longue ombre de l’affaire Jeffrey Epstein, qui, jusqu’à il y a une dizaine de jours, continuait de hanter Trump et son administration au sein de la commission judiciaire du Sénat.

Les attaques contre les villes à la population hétérogène (généralement démocrates) étaient déjà un thème récurrent de sa campagne électorale de 2024. Il a par exemple déclaré que Philadelphie était dévastée par les massacres, comparé Detroit à un pays en développement ou affirmé que les migrants haïtiens de Springfield mangeaient les animaux domestiques de la ville. Une manière claire d’associer la diversité raciale à la criminalité, au danger et au désordre. Mais aujourd’hui, un an plus tard, nous assistons à un saut qualitatif. Comme l’affirme le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, nous sommes confrontés à « un tel abus de pouvoir et de la loi qu’il en est à couper le souffle. L’administration Trump s’attaque sans hésitation à l’État de droit lui-même ».

La base juridique sur laquelle s’appuie la Maison Blanche pour militariser les villes est une disposition du Code des États-Unis connue sous le nom de Insurrection Act. Ce pouvoir d’urgence permet au président de mobiliser des soldats en service actif et des réservistes de la Garde nationale pour rétablir l’ordre public dans des cas exceptionnels. La dernière fois qu’un président a invoqué cette prérogative contre la volonté d’un État, c’était à la fin des années 1950, pendant le mouvement des droits civiques, lorsque certains États du Sud se sont opposés à la fin de la ségrégation scolaire ordonnée par les tribunaux.

Aujourd’hui, Trump recourt à l’Insurrection Act, violant ainsi le pouvoir discrétionnaire des tribunaux, pour rétablir la ségrégation raciale, persécuter ses opposants politiques et militariser la société. Et nous sommes à moins d’un an du deuxième mandat de Trump. À la fin de celui-ci, la question sera de savoir si son nom restera dans la démocratie américaine meurtrie.

Traduction ML sur le site

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