
Le 10 septembre place de la République à Paris
Nous, les activistes du syndicat étudiant Priama Diia (Action Directe), exprimons notre solidarité dans votre lutte contre la politique d’austérité proposée par le gouvernement du Premier ministre François Bayrou dans le plan budgétaire pour l’année 2026.

délégation de Priama Diia au consulat de france à Lviv le 23/03/24
La politique néolibérale des autorités françaises, qui justifie la destruction des secteurs publics par les prétendus « dette » et « économie », est néfaste. Nous condamnons les tentatives du gouvernement de faire porter le fardeau de la crise sur les épaules des simples citoyen·nes, au lieu de garantir la justice sociale et écologique. Ce ne sont pas des réformes, mais un démantèlement délibéré de l’État social au profit du capital.
En particulier, le domaine de l’éducation en France est menacé d’un coup sévère. Les réductions budgétaires prévues pour les écoles et les universités, les classes surchargées, le manque de spécialistes, le délaissement du soutien aux enfants en situation de handicap, le sous-financement chronique de l’enseignement supérieur et de la recherche – tout cela mine l’avenir de la société. Mais les politiciens néolibéraux s’en fichent, de même aussi : l’arrêt de l’indexation des retraites et des allocations sociales (« année blanche ») signifiera une baisse directe du niveau de vie de celles et ceux qui ont travaillé pour le pays toute leur vie et ne s’attendaient pas à une telle « gratitude » à la fin de leur parcours. Il est également prévu de supprimer des jours fériés – un coup porté à la mémoire collective et au temps libre des citoyen·nes. Les coupes proposées dans le domaine de la santé et l’augmentation des dépenses personnelles de soins rendent de fait la médecine moins accessible pour les groupes les plus vulnérables.
De telles décisions politiques scandaleuses sont bien connues des Ukrainiens. En Ukraine, les problèmes liés à la politique néolibérale des autorités, qui privilégie les mécanismes du marché au détriment des garanties sociales, apparaissent de plus en plus clairement. Cela se voit particulièrement dans les domaines critiques pour la société, notamment la médecine et l’éducation.
Dans le secteur médical, les travailleurs et les travailleuses, en particulier les infirmières, sont souvent contraints de travailler au-delà de leurs horaires sans compensation financière adéquate. Leur travail est vital, surtout en temps de guerre, lorsque le système médical subit une double charge : soigner les blessé·es et répondre aux besoins de base de la population civile. Pourtant, les bas salaires et l’absence de protection sociale suffisante dévalorisent leur travail et provoquent une fuite des personnels.
Une situation similaire s’observe dans l’éducation. De moins en moins de jeunes choisissent la profession d’enseignant en raison de la faible rémunération et du manque de perspectives. Les universités et les écoles font face à une pénurie de personnel, particulièrement visible dans les petites villes. Parallèlement, le processus de privatisation de l’éducation ne fait qu’accentuer les inégalités sociales : les places budgétaires se raréfient, le coût des études contractuelles augmente, et les dortoirs restent délabrés et non rénovés.
Au lieu de résoudre ces problèmes de manière systémique, les autorités proposent une « optimisation » sous forme de fusions d’universités et d’une privatisation accrue. Le discours officiel revient à dire que l’augmentation des frais de scolarité motiverait soi-disant les étudiant·es à travailler davantage. Mais la réalité démontre le contraire : les étudiant·es bénéficiant de places financées par l’État obtiennent généralement de meilleurs résultats que celles et ceux qui sont contraints de payer. Cela souligne que le facteur clé n’est pas la motivation financière, mais les conditions d’accessibilité et de soutien de la part de l’État.
La répartition des fonds publics au niveau local suscite également des critiques. Dans de nombreuses villes, les autorités dépensent des sommes considérables pour des rénovations cosmétiques – par exemple, l’aménagement de parterres de fleurs ou le re-surfaçage des routes – alors que le financement vital de l’armée, de la santé ou de l’éducation reste limité. Cela crée l’impression que l’ « image » prime sur les besoins réels de la société, ce qui est particulièrement douloureux en temps de guerre. Ainsi, le cap néolibéral des autorités conduit à un accroissement des inégalités sociales et à la dévalorisation des secteurs clés dont dépend l’avenir du pays.
Récemment, de vastes manifestations anticorruption ont eu lieu en Ukraine, provoquées par l’adoption par le Parlement de la loi n°12414 en « mode éclair ». Nos activistes y ont également participé. L’objectif de ce texte était de subordonner les principaux organes anticorruption – tels que le NABU (Bureau national anti-corruption d’Ukraine), le SAP (Parquet spécialisé anti-corruption) et d’autres – au Procureur général. Une telle initiative aurait en réalité annulé leur indépendance, condition essentielle d’une lutte réelle contre la corruption. Cette décision a suscité une vive inquiétude dans la société, car elle contredisait des années d’efforts pour créer un système anti-corruption efficace.
Le même jour où la loi a été adoptée, des milliers d’Ukrainien·nes sont descendu·es dans les rues de différentes villes pour protester contre cette mesure. Les manifestations ont eu lieu non seulement à Kyiv, mais aussi à Lviv, Kharkiv, Dnipro, Odessa et dans de nombreuses autres villes. Les gens brandissaient des slogans pour défendre l’indépendance des institutions anti-corruption, conscient·es que leur travail conditionne non seulement la lutte contre la corruption, mais aussi l’avenir du pays. Ces protestations ont été les plus importantes depuis le début de l’invasion à grande échelle de la Russie en février 2022, ce qui témoigne d’un haut niveau de mobilisation sociale autour des questions de justice et de valeurs démocratiques.
Les actions ont duré près d’une semaine, et leur efficacité a déjà pu être constatée. Sous la pression de la société, des nombreuses ONG et institutions internationales, la Verkhovna Rada a adopté un nouveau projet de loi n°13533, qui a rétabli l’indépendance des organes anti-corruption. Fait symbolique : aucun député n’a voté contre. Cette décision a montré que la voix unie de la société peut influencer directement la politique publique, même dans les conditions difficiles de la guerre.
Cette expérience a été importante pour l’Ukraine. Elle a démontré que les protestations citoyennes demeurent un outil indispensable de la démocratie, capable de corriger les actions des autorités et d’empêcher les élites politiques de prendre des décisions contraires aux intérêts de la société. La participation de milliers de citoyen·nes à ces actions a confirmé : la position active du peuple est la clé du maintien des institutions démocratiques, en Ukraine comme dans le contexte mondial.
Vos grèves, manifestations et autres actions de désobéissance sont l’expression d’une volonté collective de vivre dans une société où l’éducation, la santé, la protection sociale et l’écologie ne sont pas considérées comme des dépenses superflues, mais comme des droits inaliénables de chaque personne. Nous sommes avec vous, car cette lutte n’est pas seulement française, elle est universelle. Elle concerne chaque société où l’on tente de placer le marché au-dessus de l’humain, où l’on substitue les droits par l’ « économie », où l’avenir des enfants est sacrifié au déficit budgétaire.
Nous sommes avec vous, car vos revendications sont nos revendications, vos grèves – notre exemple, votre courage – notre inspiration. Et tant que vous vous battrez, vous ne serez jamais seul·es.
9 septembre 2025
Priama Diia
Traduction PLT