« Veuillez lire le rapport de l’IPC [1] dans son intégralité. Lisez-le avec tristesse et colère. Ne voyez pas seulement des mots et des chiffres, mais des noms et des vies. Ne doutez pas un instant qu’il s’agit d’un témoignage irréfutable.
C’est une famine. La famine de la bande de Gaza.
C’est une famine que nous aurions pu éviter, si nous en avions eu la permission. Et pourtant, la nourriture s’accumule aux frontières en raison de l’obstruction systématique d’Israël.
C’est une famine à quelques centaines de mètres de vivres, dans une terre fertile.
C’est une famine qui frappe d’abord les plus vulnérables. Chacun a un nom, chacun a une histoire. Elle dépouille les gens de leur dignité avant de les dépouiller de leur vie. Elle oblige un parent à choisir quel enfant nourrir. Elle oblige les gens à risquer leur vie pour chercher de la nourriture.
C’est une famine contre laquelle nous avons mis en garde à maintes reprises. Mais les médias internationaux n’ont pas été autorisés à la couvrir. A en témoigner.
C’est une famine en 2025. Une famine du XXIe siècle surveillée par des drones et la technologie militaire la plus avancée de l’histoire.
C’est une famine ouvertement encouragée par certains dirigeants israéliens comme une arme de guerre.
C’est une famine qui se déroule sous nos yeux. Nous en sommes tous responsables. La famine à Gaza est la famine du monde entier. C’est une famine qui nous interpelle : « Mais qu’avez-vous fait ? » Une famine qui nous hantera tous.
C’est une famine prévisible et évitable. Une famine causée par la cruauté, justifiée par la vengeance, rendue possible par l’indifférence et entretenue par la complicité [2].
C’est une famine qui doit pousser le monde à agir de toute urgence. Qui doit faire honte au monde pour qu’il fasse mieux. C’est une famine qui pose donc également la question suivante : « … et maintenant, que vas-tu faire ? »
Ma demande, mon appel, mon exigence au Premier ministre Netanyahou et à tous ceux qui peuvent l’atteindre:
Assez. Cessez le feu. Ouvrez les points de passage, au nord et au sud, tous. Laissez-nous acheminer de la nourriture et d’autres fournitures, sans entrave et à l’échelle massive requise. Mettez fin aux représailles. Il est trop tard pour beaucoup trop de gens. Mais pas pour tous à Gaza. Ça suffit. Pour le bien de l’humanité, laissez-nous entrer.»
[1] IPC : Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire. La première fonction centrale de l’IPC : « Promouvoir un consensus technique pour faire en sorte que les principales parties prenantes relevant des gouvernements, des ONG, des Nations Unies et du monde universitaire partagent les résultats techniques de l’analyse. » (Réd.)
[2] La formule famine « man-made » – provoquée par l’homme – est certes correcte en termes génériques. Mais ce qui est aussi « man-made » n’est autre que la complicité politique des dites grandes puissances – et de plus petites – qui ont donné, depuis fort longtemps, l’assurance au gouvernement israélien de son impunité pour ce qui est du blocus imposé à la bande de Gaza, de sa politique de gestion répressive, sur la durée, de l’accès à la nourriture, et d’une destruction cumulative des infrastructures (eau, égouts, routes, réseau de santé), des réseaux de distribution, de l’agriculture, des logements… Tout cela créait des éléments de possibilité d’une famine instillée par un gouvernement auquel ces puissances fournissaient et fournissent des armes de destruction massive. (Réd.)
Tom Fletcher
Tom Fletcher est secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA)
Présentation du rapport de l’IPC faite le 22 août 2025 ; traduction rédaction A l’Encontre
https://alencontre.org/moyenorient/palestine/dossier-la-famine-de-la-bande-de-gaza.html