International

Remarques sur le droit international, la Russie, l’Ukraine et l’ordre mondial

lundi 14 juillet 2025, par PEREKHODA Hanna

Quand je parle de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, je répète souvent qu’abandonner une victime, c’est envoyer un signal d’impunité à tous les agresseurs. Et dans le champ des relations internationales, c’est la même logique : justifier une agression militaire en Ukraine ou ailleurs, c’est banaliser la guerre et le génocide comme outils de gestion politique partout. Et n’oublions pas qu’il n’existe pas de mur étanche entre politique intérieure et politique étrangère. Normaliser la brutalité là-bas, c’est ouvrir la porte à sa légitimation ici.

Mais ce que j’entends souvent en retour c’est :

« Va dire ça aux peuples du Sud global, eux qui vivent dans la brutalité depuis toujours. Les institutions de soi-disant droit international et la démocratie bourgeoise ne servent à rien, on ne doit surtout pas les légitimer. »

En effet, pourquoi défendre le droit international quand il s’agit de l’Ukraine, s’il est hypocrite envers les autres et depuis toujours ? Dans le même ordre d’idées on peut se demander aussi : à quoi bon s’opposer aux partis fascistes, si la France serait déjà une dictature ?

Il me semble qu’on oublie ce que signifie un monde sans normes partagées, sans institutions, sans même l’illusion de droits universels. Un monde où tout est relatif, et où donc la seule forme d’existence politique c’est la violence nue, partout et à tous les niveaux.

Alors oui, les principes universalistes sont appliqués de manière cynique par les Etats. Mais ce sont précisément ces principes qui ont armé les mouvements anti-impérialistes et émancipateurs du XXe siècle — ceux qui ont retourné les idéaux contre les empires qui s’en réclamaient. Sans idéaux à portée universelle, aucune lutte pour la justice ou la liberté ne tient.

Il faut, il me semble, être honnête et se poser les questions suivantes :

Voulez-vous l’effondrement immédiat des instituions existantes ? Si oui, avez-vous un projet politique alternatif solide et clair ? Un mouvement populaire large et enraciné qui partage ce projet ? Et surtout — le plus important — une capacité et une volonté de défendre ce projet par la violence ?

Et si vous êtes honnêtes dans vos réponses, alors posez-vous cette autre question : Dans un monde de rapports de force décomplexés, sans institutions ni lois, qui a plus de chances de gagner ? Vous ? Ou vos opposants politiques ?

Les deux puissances militaires les plus importants de la planète – Russie et États-Unis – sont en ce moment assez unies, unies dans leur envie de mettre à bas les mécanismes étatiques et internationaux qui visent à limiter leurs ambitions d’exploitation et de pollution, les mécanismes qui aurait dû normalement nous servir de base pour résoudre le problème qui ne peut être résolue qu’à l’échelle internationale, le problème de notre survie commune sur cette planète.

Essayons au moins ne pas être leurs idiots utiles.

Hanna Perekhoda


• Écrit d’après un débat qui a eu lieu lors d’une conférence Historical Materialism à Paris.

Titre de la rédaction d’ESSF.

• Facebook, 14/07/2025 07:19:39, 14/07/2025 08:03:29.