International

La lutte contre l’État policier à Los Angeles

Témoignage direct de la répression policière et de la résistance populaire alors que les descentes de l’ICE se poursuivent à Los Angeles.

La semaine dernière, j’ai participé à deux manifestations pour protester contre les rafles massives d’immigrant·es, l’occupation militaire de Los Angeles et les violences policières généralisées.

Le 14 juin, 13 millions d’Américains ont manifesté contre Trump.Le siège de Los Angeles ne se limite pas à la garde nationale et aux marines qui surveillent les bâtiments fédéraux. La garde nationale accompagne l’ICE lors de ses raids, et des soldats et des véhicules militaires ont été aperçus dans tout le sud de la Californie ! Tous les espaces publics imaginables ont été pris pour cible par des agents masqués de l’ICE. Ils ont été aperçus devant des pharmacies, des bureaux de poste, des marchés aux puces, et ils ont même fait des descentes dans des stations de lavage, des camions à tacos et des supermarchés. Cela s’est produit principalement dans les quartiers latino-américains, mais l’ICE a également arrêté des travailleurs/travailleuses dans des stations de lavage à West LA.

À deux reprises au cours de la semaine dernière, j’ai échappé aux attaques de la police lors de manifestations non violentes auxquelles j’ai participé. J’ai personnellement vu la police utiliser des grenades assourdissantes, charger à cheval les manifestant·es et lancer des gaz lacrymogènes.

Le mercredi 11 juin, 500 policiers ont encerclé la manifestation à laquelle je participais devant l’hôtel de ville de Los Angeles, qui rassemblait un millier de personnes. Ils ont bloqué toutes les rues pour nous empêcher de partir. À 18h30, des policiers à cheval ont chargé le côté nord d’une manifestation pacifique sans avertissement préalable . Nous, les manifestant·es, avons été contraint·es de nous réfugier dans le Grand Park, à l’ouest de l’hôtel de ville. (Cinq minutes avant l’assaut, mon ami·e a demandé à la police comment nous étions censé·es partir alors que toutes les rues et tous les trottoirs étaient bloqués, et ils ont indiqué le parc.). J’ai vu au moins 30 policiers armés de fusils à balles en caoutchouc du côté sud de la manifestation. Cette attaque contre les manifestant·es a eu lieu 90 minutes avant le début du couvre-feu dans le centre-ville de Los Angeles. Il existe des vidéos montrant la police continuant à attaquer les manifestant·es avec des balles en caoutchouc et des matraques alors que celles-ci et ceux-ci battaient en retraite à travers le parc. À 19h15, la police a piégé un groupe de plusieurs dizaines de personnes et les a empêchées de partir, puis les a arrêtées pour violation du couvre-feu à 2 h. (Les manifestant·es arrêté·es ont déclaré à la presse qu’elles et ils soupçonnaient que, compte tenu de la présence massive de la police, le LAPD avait reçu l’ordre d’arrêter les manifestant·es pour justifier sa propre présence, que celles-ci ou ceux-ci soient non violents ou non).

Depuis le début des raids de l’ICE à Los Angeles le vendredi 6 juin, les Angelinas/Angelenos sont victimes de brutalités policières quotidiennes. Le 8 juin, la police de Los Angeles a tiré des balles en caoutchouc sur une journaliste australienne qui faisait un reportage en direct. Le deuxième jour des manifestations dans la banlieue latino-américaine de Paramount, en Californie, des centaines de grenades lacrymogènes ont été lancées sur les manifestant·es avant midi.Au cinquième jour des manifestations, le maire de Los Angeles a déclaré un couvre-feu dans le centre-ville, qui a duré une semaine entière et vient d’être levé. Plusieurs nuits, la police de Los Angeles a commencé à essayer de dégager la zone des manifestations plusieurs heures avant le couvre-feu. Cette zone de couvre-feu était excessivement étendue, couvrant tout le centre-ville de Los Angeles, Little Tokyo et Chinatown, y compris des zones situées bien en dehors des zones de manifestation.

Le samedi 14 juin, 200 000 Angelenas/Angelenos ont manifesté dans le centre-ville de Los Angeles lors de la manifestation « No Kings ». On entendait des slogans tels que « ICE out of LA » (ICE hors de Los Angeles) et « National Guard and Marines Go Away » (Garde nationale et Marines, partez). J’ai vu beaucoup de drapeaux étasuniens (y compris des drapeaux à l’envers symbolisant la détresse), des drapeaux latino-américains, des drapeaux hybrides moitié étsunien, moitié mexicain, ainsi que des drapeaux palestiniens et des personnes portant des keffiehs. La foule était multiraciale. Les latinas/Latinos étaient nombreux, mais il y avait aussi beaucoup de Blanc·hes, et j’ai également vu des Noir·es, des Moyen-Orientaux et des Asiatiques. La foule était plutôt jeune, mais j’ai vu aussi beaucoup de personnes d’âge moyen, de familles et de personnes âgées.Malheureusement, la ville de Los Angeles a fait tout son possible pour rendre cette manifestation inhospitalière, malgré les encouragements du maire à manifester pacifiquement. Elle a fermé les toilettes publiques du grand parc situé en face de l’hôtel de ville. De manière inexplicable, bien qu’il s’agisse d’une manifestation autorisée, les organisateurs n’ont pas prévu de toilettes portables. La ville a fermé la station de métro Civic Center dans la matinée. Après avoir défilé toute la journée dans le centre-ville très peuplé de Los Angeles et manifesté pendant des heures devant l’hôtel de ville, la manifestation s’est dirigée vers le bâtiment fédéral où Trump avait déployé la Garde nationale et les Marines. Pour mémoire, au cours des deux premiers jours de manifestations contre l’ICE dans le comté de Los Angeles, cinq manifestant·es ont été arrêté·es dans tout le comté. Depuis que Trump a fait appel à la Garde nationale, la police de Los Angeles a arrêté à elle seule environ 600 manifestant·es en moins de deux semaines. Près de 1 000 manifestant·es ont été arrêté·es dans le comté de Los Angeles. Le déploiement de l’armée par Trump contre la volonté de notre gouverneur a complètement envenimé la situation. Samedi, après 16h30, la police de Los Angeles et le département du shérif de Los Angeles ont lancé des gaz lacrymogènes sur la foule, et j’ai entendu des grenades assourdissantes. Je ne savais pas si la fumée provenait de gaz lacrymogènes, car j’étais à un pâté de maisons de la ligne de front, mais j’ai essayé de quitter la zone. Bien sûr, la police de Los Angeles bloquait la rue menant à l’hôtel de ville d’où nous venions, j’ai donc dû faire un détour pour partir. Je suis parti dîner à Little Tokyo, où le calme régnait. Après 18 heures, j’ai essayé de quitter le centre-ville pour rentrer chez moi, mais j’ai eu beaucoup de mal à sortir de la zone. La police avait bloqué la rue Alameda en direction de la gare Union Station, même s’il n’y avait eu aucune manifestation à la gare. J’ai ensuite vu la police fermer deux stations de métro qui étaient ouvertes auparavant. J’ai essayé de me rendre à la station de métro ouverte la plus proche, mais j’ai dû slalomer entre plusieurs cordons de police pour pouvoir partir. La police a arrêté 38 personnes pour violation du couvre-feu samedi soir.Plus tard, j’ai vu des vidéos montrant que la fumée que j’avais vue était du gaz lacrymogène et j’ai vu des vidéos montrant que, une fois de plus, des policiers à cheval avaient attaqué des manifestants pacifiques avec des bâtons. L’un des manifestants attaqués par les policiers à cheval était un vétéran de l’armée âgé de 77 ans. Une fois de plus, les ordres de dispersion illégaux n’étaient pas audibles pour la plupart des personnes présentes dans le quartier. Je trouve cela très suspect, car j’ai entendu le LAPD et d’autres services de police donner des ordres d’interdiction – très audibles – de rassemblement illégal lors de manifestations dans le passé. La police de Los Angeles a également attaqué un autre groupe de manifestant·es au nord du bâtiment fédéral, comme l’a montré MSNBC en direct. La police a aussi attaqué des manifestant·es à deux pâtés de maisons de là, à l’hôtel de ville de Los Angeles, avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. C’était le centre des manifestations de la journée « No Kings ».

La police a été si imprudente que le shérif de Los Angeles a tiré des balles en caoutchouc sur la police de alors qu’elle attaquait des manifestant·es samedi.

Il y a eu des blessé·es graves samedi, une manifestante a été touché à l’œil, une autre à la tête, et un autre a perdu un doigt après avoir été touché à la main par une grenade flashbang. Malgré toute cette brutalité policière, des manifestations ont eu lieu tous les jours depuis le début de ce siège dans la région de Los Angeles. Des manifestations ont eu lieu dans tout le sud de la Californie, notamment une manifestation de 500 personnes à Long Beach le 10 juin, une manifestation de 1 000 personnes à Oxnard, en Californie, le même jour, et des manifestant·es ont été gazé·es à Santa Ana le même jour dans le comté d’Orange. Les Californien·nes ont également manifesté dans la banlieue de Los Angeles, devant les hôtels où séjourne l’ICE.Samedi, des manifestations « No Kings » ont eu lieu dans toute la Californie du Sud, avec 15 000 personnes rien qu’à Santa Ana, 12 000 dans le comté de Ventura et 60 000 à San Diego. Même dans les zones périphériques plus conservatrices, les manifestant·es se sont mobilisé·es, avec 1 200 personnes à Redlands et 1 000 à Victorville.Dans toute la Californie du Sud, la communauté s’est largement mobilisée pour défendre les personnes qui signalent la présence de l’ICE et confrontent les agents masqués de l’ICE. Un jeune homme, citoyen américain, a été arrêté le 16 juin à Pico Rivera devant le Walmart où il travaillait, après s’être opposé l’ICE qui tentait d’emmener son collègue. Un pasteur de Downey a ordonné à l’ICE de quitter sa propriété lorsque celle-ci a arrêté quelqu’un sur son parking. Il existe des dizaines d’histoires similaires de personnes issues de la classe ouvrière qui ont filmé et se sont opposés à la police secrète masquée de Trump. Le racisme de Trump lui a fait croire qu’il serait facile de rassembler les personnes de couleur à Los Angeles, mais le comté de Los Angeles compte 85% de citoyen·nes étasunien·nes et les Américains de toutes les couleurs ne laissent pas des hommes masqués arrêter leurs voisins sans résistance.Si ce sont les raids fédéraux contre les immigré·es et l’appel de Trump à la Garde nationale et aux Marines qui ont déclenché ces manifestations de masse, ce sont le LAPD, les shérifs de Los Angeles et la police locale qui ont commis plus de 90% des brutalités contre les manifestant·es. Le maire de Los Angeles est totalement complice du siège de Los Angeles et fait le sale boulot de Trump à sa place. Ce n’est pas Trump qui fait évacuer l’hôtel de ville des manifestant·es pacifiques l’après-midi. Malgré les agissements de la police locale, il n’est pas illégal pour les Californien·nes de manifester contre les raids de l’ICE et l’occupation militaire devant les bâtiments fédéraux.

Cet état policier a des effets économiques dévastateurs, car non seulement les immigrant·es sans papiers, mais aussi les immigrant·es en situation régulière, et même de nombreuses et nombreux citoyen·nes latino-américain·nes nés·e aux États-Unis, restent chez eux pour éviter d’être victimes de profilage racial par l’ICE. L’ICE a arrêté plusieurs citoyen·nes né·es aux États-Unis à Los Angeles depuis le début de ce siège. Les quartiers latino-américains et les zones fréquentées par les consommateurs et consmomatrices latino-américains sont beaucoup plus vides que d’habitude.

Il est également révélateur que le premier sénateur latino-américain de Californie, Alex Padilla, ait été malmené, menotté et jeté à terre par le DHS dans un bâtiment fédéral devant les caméras. Le message de Trump selon lequel tous et toutes les Latinas/Latinos peuvent être pris pour cible par la police fédérale a été envoyé. Les membres latino-américain·es et afro-américain·es du Congrès n’ont pas non plus été autorisé·es à accéder aux centres fédéraux de détention pour immigrant·es à Los Angeles depuis le début de ce siège.

Jimmy Gomez, un membre latino-américain du Congrès, a tenté de se rendre au centre fédéral de détention métropolitain à trois reprises en deux semaines et s’est vu répondre lundi par l’ICE qu’il ne s’agissait pas d’un centre de détention et s’est vu refuser l’accès ! En mai, des politicien·nes noir·es de Newark, dans le New Jersey, ont été malmené·es par l’ICE alors qu’elles et ils visitaient un centre de détention de l’ICE. Le maire de Newark, Ras Baraka, a été arrêté par la police fédérale début mai, et une députée noire, LaMonica McIver, fait l’objet d’accusations forgées de toutes pièces pour avoir agressé des agents de l’ICE. Le lundi 18 juin, le contrôleur de la ville de New York, Brad Lander, un politicien blanc qui se présente à la mairie, a été arrêté par l’ICE dans un bâtiment fédéral alors qu’il demandait à voir le mandat judiciaire d’un·e immigrant·e qui venait de quitter une audience au tribunal. Aujourd’hui, des membres du Congrès latino-américain·es et noir·es se sont également vu refuser l’accès à un centre de détention de l’ICE à Chicago pour la deuxième journée consécutive.

La lutte pour libérer Los Angeles de l’occupation militaire et contre les raids de l’ICE est une lutte pour les droits des immigré·es, une lutte antiraciste, une lutte antifasciste et une résistance contre un État policier.

Nous sommes utilisé·es comme cobayes pour voir comment l’ICE peut être utilisée comme la police secrète fasciste de Trump. LA et SoCal n’abandonneront pas et continueront à résister. Hasta la victoria siempre !

Rocio Lopez
Rocio Lopez
est une féministe socialiste qui a vécu en Amérique latine et au Japon. Elle écrit pour le journal de l’Organisation marxiste humaniste internationale et fait également partie du Réseau de solidarité transnationale.

.https://imhojournal.org/articles/the-struggle-against-a-police-state-in-los-angeles/