Plénière : Organiser la solidarité Bruxelles, 26-27 mars 2025 Conférence de solidarité avec l‘Ukraine
Permettez-moi quelques mots de présentation. Je m’appelle Bernard Dreano et je suis, membre d’une petite organisation française, le Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale CEDETIM qui existe depuis la fin des années 1960 …. Je suis aussi l’un des porte-paroles de la branche français du RESU, le réseau européen de solidarité avec l’Ukraine crée au moment de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Je suis également membre d’une autre petite organisation, l’Assemblée européenne des citoyens, (appuyée lors de sa création en 1990 par le CEDETIM) dans la continuité des mouvements de solidarité et de lutte européennes pour la paix et la démocratie de la fin des années 1980 et dans les décennies qui ont suivi. Je rappelle cette histoire parce que c’est dans ce contexte que nous avons noués des liens avec des partenaires associatifs des mouvements dans des pays en situation de guerre (Balkans, Caucase), et aussi en Russie et en Ukraine, au sein à l’époque du réseau Helsinki Citizens’ Assembly. Très naturellement, dès 2014, avec la guerre dans le Donbass, nous avons à notre petite échelle, soutenu des organisations de défense des droits en Ukraine, dont le Kharkiv Human Right Protection Group ici présent, le Centre des libertés civiles, Zmina ou l’association Skhid SOS, et contribué à des initiatives de dialogue entre associations civiles ukrainiennes, russes et des mouvements allemands ou néerlandais, au sein d’une coalition appelée Civil M+. A la même époque se développait, de manière plus cohérente et plus efficace, la Ukraine Solidarity Campaign au Royaume Uni, qui est aujourd’hui un acteur majeur de cette conférence.
Nous avons constitué le RESU/ENSU actif dès le départ dans plusieurs pays européens – et aujourd’hui même au-delà de l’Europe -. Engagé dans le soutien à l’Ukraine face l’agression à grande échelle de 2022 sur un programme clair : soutien à la résistance armée et non armée du peuple ukrainien, solidarité avec les mouvements progressistes ukrainiens (politiques, associatifs, syndicaux, féministes, écologistes, défenseurs des droits civiques et humains, etc.) et avec les Russes anti-guerre.
Quelle a été, et quelle est la forme la plus concrète et la plus efficace de cette solidarité ? La coopération entre homologues, peer to peer comme on fit en anglais.
Des organisations progressistes, écosocialistes, sociales-démocrates, anti-autoritaires, écologistes, d’Europe et d’ailleurs coopèrent avec leurs partenaires ukrainiens et nous en avons une démonstration dans cette conférence
A cette conférence participent aussi des membres d’importants syndicats du Royaume Uni, d’Irlande, de France, de l’Etat espagnol…, et des organisations et réseaux syndicaux internationaux, avec des syndicalistes ukrainiens et ukrainiennes de la KVPU, de la FPU, de la santé (Sois comme nous) et nous avons un atelier avec des syndicalistes du Bélarus et de Géorgie. La solidarité des travailleurs est fondamentale, et s’exerce par les rencontres comme celle-ci, par les actions concrète de convois d’aide organisées dans plusieurs pays et aussi par des déclarations publiques de solidarité, comme récemment celle de presque toutes les confédérations syndicales françaises.
Coopération aussi avec leurs homologues ukrainiens des organisations de défense des droits humains, des environnementalistes, des mouvements étudiants, des groupes féministes, des défenseurs des droits des LGBTQ+, des communautés locales, etc. Autant d’initiatives et de champs d’actions peut être insuffisamment représentés dans cette conférence, mais qui existent dans de nombreux pays.
Cependant il ne faut pas nous cacher les difficultés que nous rencontrons pour mettre en œuvre ces coopérations pratiques et affirmer ces solidarités ; difficultés qui varient selon les secteurs sociaux et professionnel et selon les situations propres aux diverses régions et aux divers pays.
Ainsi par exemple, les appels des féministes d’Ukraine – et de Russie, n’ont pas eu d’écho du côté de la plupart des mouvements féministes de nos pays et des réseaux féministes internationaux. De très grands syndicats européens ont limité leurs activités vis-à-vis de leurs homologues ukrainiens, voire les ont absolument ignorés. Il en est de même de larges fractions des partis de gauche de toutes tendances en Europe et dans le monde.
Nous sommes confrontés à deux types d’attitude qui entravent toute solidarité effective.
Une logique d’évitement, souvent drapées dans un pacifisme abstrait, qui, tout en reconnaissant que la guerre est le fruit d’une agression de Poutine, consiste au mieux à se contenter d’activités humanitaires mais évite de s’engager auprès des Ukrainiens et Ukrainiennes, comme d’ailleurs auprès des Russes antiguerre, et de répondre à leurs demandes.
Une logique que l’on appelle le « campisme », qui au nom de considérations géopolitiques déconnectées de la réalité d’aujourd’hui, consiste de facto à reprendre tout ou partie du narratif auto-justificatif poutinien, et à abandonner, voire à combattre, toute solidarité avec le peuple agressé ses organisations et mouvements.
Notre solidarité ne signifie pas adhésion aux discours et alignement sur des propositions des gouvernements de nos Etats. Nos amis ukrainiens, tous engagés dans la défense de leurs pays, n’en sont pas moins souvent critiques vis-à-vis de certaines politiques du gouvernement ukrainien actuel et nous les soutenons dans leurs activités pour la défense des droits sociaux et démocratiques.
Comme nous le demandent nos partenaires ukrainiens et russes anti-guerre, nous soutenons les droits du peuple ukrainien à l’autodétermination et à la sécurité dans l’intégrité de son territoire, le respect du droit international et les sanctions envers l’agresseur. Être solidaire signifie aussi refuser toute « négociations » à l’encontre des droits des premiers concernés, tout partage impérialiste Trumpo-Poutinien entre « grandes puissances » totalement incompatible avec une paix juste et durable.