A part quelques articles dans la presse, quels retentissements politiques en France? Il est plus facile de crier au fascisme que de lancer une véritable campagne contre ses manifestations. Pour une campagne internationale. ML
Ils sont d’abord venus chercher Mahmoud Khalil.
J’avais prévu d’écrire cette semaine sur le moment que nous vivons dans l’histoire. Février 1933, alors que le Reichstag n’est toujours pas brûlé ? Novembre 1918, à la veille des raids de Palmer ? Juin 1948, lorsque 12 membres du CPUSA ont été inculpés en vertu de la loi Smith?
Mais si cela vous donne une idée de l’orientation de mes pensées ces jours-ci, la nouvelle selon laquelle Khalil, étudiant diplômé de Columbia et résident légal dans ce pays, avait été enlevé chez lui à New York et emmené dans un centre de détention de l’ICE en Louisiane, où il était menacé d’expulsion – et moqué par la Maison-Blanche de Trump– était d’une spécificité terrifiante.
Ayant passé beaucoup de temps à faire des recherches sur la question, je peux te dire que dans les années 1930, les Allemands ne sont pas venus d’abord pour les Juifs. « Ils sont d’abord venus pour les communistes, » comme l’a écrit Martin Niemöller, sans doute parce qu’ils savaient que parler au nom des communistes serait impopulaire. Mais s’il y a quelque chose à apprendre de cette triste décennie, c’est que le moment de la solidarité est celui où ils viennent non pas pour vous ou vos amis, mais pour les personnes dont la cause vous met mal à l’aise.
Il se trouve que Mahmoud Khalil – un manifestant pacifique qui, malgré tous les efforts du lobby israélien, est un homme difficile à diaboliser – devrait être facile à défendre, quelle que soit votre opinion sur le Moyen-Orient. Parce qu’il est clair comme de l’eau de roche que ce n’est que le début de l’assaut contre nos libertés. Pourtant, l’université de Columbia ne s’est pas exprimée, pas plus que la majorité des élus de New York. Quelle heure est-il dans l’histoire ? Je crains que nous n’entrions à nouveau dans le « temps du crapaud ».
Pourtant, un autre monde reste possible – comme nous espérons te le rappeler dans notre nouveau numéro imprimé, qui propose le fascinant article de couverture d’Eamon Whalen sur la crise des garçons et des hommes, Natasha Hakimi Zapata sur la façon dont le voisin argentin a atteint l’indépendance énergétique verte, Elie Mystal sur la façon dont le néolibéralisme est né dans les compagnies aériennes, et David Montgomery sur les tourments persistants de Cuba. À la fin du livre, David Klion revient sur l’ascension et la montée en puissance de Stephen Miller, Karrie Jacobs sur la façon dont Atlanta est devenue praticable, Bill Fletcher Jr. sur la pasionaria africaine Andrée Blouin, Adam Hochschild sur la fabrication d’un espion de la guerre froide, et Jorge Cotte sur le retour de Severance.
Dans ma note de la rédaction, je vous parle d’un récent voyage en Argentine, dont le président maniant la tronçonneuse, Javier Milei, a été une source d’inspiration pour notre propre aile droite. Est-ce vers cela que nous nous dirigeons ? Peut-être, mais il est encore temps de changer de cap si nous agissons ensemble.
-D.D. Guttenplan
Rédacteur en chef, The Nation