Un long Premier mai

La loi retraite est promulguée.

Macron l’a promulguée dès réception de l’avis du Conseil constitutionnel qui validait la mesure d’âge.

N’épiloguons pas sur le Conseil constitutionnel ; ce n’est pas, cela n’a jamais été, ni dans l’esprit de Michel Debré, ni par la suite, une Cour de justice. Les mots ont un sens.

La crise démocratique procède du fait que cette loi, qui n’a pas été votée et qui est refusée par une très large majorité de français pour ne pas dire une quasi-unanimité des travailleurs, n’est justifiée que par un tour de passe- passe organisé par les institutions de la V° république.

Ce qui est légal n’est pas nécessairement démocratique.

Faut-il rappeler la place idéologique du « Droit » dans les sociétés autoritaires ?

Toute société procède d’une tension entre le droit et la démocratie.

Lorsque le « Droit » prédomine la porte est ouverte aux violences policières (Sainte Soline, Rennes…), aux interdictions (les Soulèvements de la Terre),au refus des organisations indépendantes (LDH). Macron a choisi la politique du glaive et nous n’en avons eu qu’échantillon.

Après la crise sociale et la crise démocratique, la crise politique.

La décision de promulguer la loi a provoqué de multiples manifestations spontanées. Beaucoup de jeunes dans les rues. Beaucoup de déploiement de BRAV et autres acronymes répressifs.

L’allocution solennelle du président entérinant le coup de force « légal » et remettant en même temps à l’ordre du jour les mêmes chantiers (santé, éducation, travail ) étale  son mépris  pour « tous ceux qui refusent ses décisions ».

Lors de sa première sortie en province, sortie ponctuée de concerts de casseroles et d’invectives, le président a eu cette phrase : « j’entends les désaccords mais il faut bien avancer. » On peut disserter sur la valeur du verbe falloir mais on ressent la violence du propos.

 Falloir et avancer, ce sont les mots du diktat. « Il faut bien avancer à marche forcée ». Tout le monde comprend dans quel sens, le chemin et la destination !

Dans une telle situation, se pose, encore et toujours, la question de la réponse politique. Si l’on mesure véritablement la profondeur de la crise politique on ne peut pas se cacher derrière les totems habituels : grève générale, manifestation centrale…

Reconnaissons  tout d’abord l’importance du rôle joué par  l’Intersyndicale, importance due à la force du mouvement et à la faiblesse des organisations politiques et ne polémiquons pas sur sa future explosion ou trahison. Si les syndicats réformistes sont allés plus loin que d’habitude ils ne changeront pas de nature. De même les syndicats dits « de rupture » qui dépendent  de leur implantation et de leur force et dont on peut raisonnablement questionner la volonté politique.

De plus, ne confondons pas Intersyndicale et unité syndicale, accord au sommet des Centrales et front commun dans les luttes. 

Il faut attendre pour porter un jugement définitif sur les bouleversements à l’œuvre dans les principaux syndicats.

La décision d’appeler à un premier mai unitaire est historique. Le mouvement a toutefois obligé les directions syndicales a dépassé leur propre culture. 

Un Premier Mai massif avec une manifestation à Paris qui regroupera tous les représentants syndicaux est un objectif  qui donne du temps pour organiser l’unité. Mais ce moment suspendu n’arrêtera pas les accueils musicaux au président, les actions spécifiques comme la « colère cheminote » et autres expressions collectives de même nature. Pour le moment, la mobilisation évite la fuite en avant vers les « actions radicales » et préserve l’action collective et démocratique. 

La réussite ou non du 1er Mai va changer le rapport de force entre les couches populaires et le pouvoir mais on ne peut pas s’attendre à ce qu’il fasse basculer la situation vers une solution rapide.

Ne revenons pas sur nos analyses à propos de la dispersion et du déclassement du prolétariat qui ne favorisent pas la grève de masse et de classe mais font tomber parfois des minorités dans le « donner à voir », l’action Facebook.

 La manifestation reste le seul moment, hélas, où se côtoient tous les opposants à la réforme des retraites et plus globalement tous ceux qui ne veulent plus de Macron au pouvoir.

 Les anciens des ronds-points, les ouvriers d’usines, les travailleurs de la grande distribution, les étudiants, les professions intellectuelles, les fonctionnaires…

Les métropolitains, les banlieusards, les provinciaux, les ruraux …

Les prolétaires aux profils aujourd’hui multiples, les « auto-entrepreneurs » figures contradictoires du déclassement, les petits bourgeois plus ou moins éduqués, y compris certaines couches de la bourgeoisie qui anticipent les conséquences des provocations marconiennes…

Et j’en oublie certainement. 

C’est dans cette alliance complexe que réside la possibilité de changement de régime. 

A moins bien sûr que ceux qui voient encore une possibilité de construire l’avant-garde de la classe ouvrière qui conduira inévitablement à la révolution prolétarienne nous éclairent rapidement sur les possibilités objectives nouvelles ouvertes par le néolibéralisme.

La simple énumération des types de manifestants nous montre l’extrême hétérogénéité de ceux qui s’opposent à la dérive autoritaire du macronisme et aspirent à la démocratie. Hétérogénéité sociale mais aussi subjectivités différentes, cultures diverses. Pourtant, pour progresser dans la conscience collective, il faut que les échanges soient possibles entre, disons, un étudiant de Rennes 2 et un chômeur de la banlieue de Douai. Disons plus crûment encore, entre un « intersectionnel » et un potentiel électeur du RN.

Il est vrai que des regroupements se forment autour « des Soulèvements de la terre » depuis l’interdiction qui les frappent, autour de comités « interpro », d’anciens comités de mobilisation et de lutte en solidarité avec les peuples asservis ou attaqués (Palestine, Ukraine…), de résistance à des projets scandaleux…. Mais le plus souvent ce sont  des regroupements militants aux profils sociaux assez proches.

Or, la pulvérisation sociale et le naufrage des organisations politiques qui, par leur presse et leurs canaux de formation, maintenaient une  certaine cohésion ont achevé d’écraser une forme de conscience collective. 

C’est sur ce champ désolant que peut prospérer une idéologie Bolloré ou a contrario se construire un « savoir universitaire » élitaire. 

C’est sur ce champ désolant que les partis et les organisations s’adressent à leur part de marché, à leur électorat. Qui s’adresse à l’ensemble des couches sociales asservies par le Capital ? Et ce n’est pas la politique agonistique* de LFI, mise en scène de radicalité, voire pantomime parlementaire, qui risque d’ouvrir une perspective démocratique fondamentale. Le jeu reste cantonné dans les rais des filets de la domination bourgeoise avec un programme type « Programme commun »light et une constitution parlementariste. Des militants s’activent à transformer cette nébuleuse qui flotte aux pieds de Jupiter en organisation politique. Ils ont sans doute raison mais parviendront-ils aussi à concevoir un programme et une pratique présentables, révolutionnaires et démocratiques ?  

Dans cette situation, comment avancer sur les formes d’auto-organisation ? Sans doute en réfléchissant, dans le même mouvement , aux mesures urgentes nécessaires. 

Constituer des comités de réflexion et d’action comprenant ceux qui s’opposent à la loi retraite, devrait permettre de transcender les différences et d’ouvrir vers un commun possible. Chasser Macron mais aussi retirer la réforme des retraites, augmenter les salaires, transformer la politique fiscale, inventer une nouvelle approche éducative, intégrer les impératifs écologiques, supprimer les discriminations, retrouver une voie révolutionnaire et démocratique… Construire un programme de mesures d’urgence et s’organiser pour l’appliquer. 

Ce qu’il faut ce sont des « comités d’action » pour cette période de crise systémique du néolibéralisme. Ce sont des « comités de luttes » adaptés aux temps lourds de menaces tant au niveau national qu’ international.

Il faut discuter de cette orientation, de son contenu comme de ses buts politiques avec tous ceux qui cherchent à mettre un coup d’arrêt aux défaites sociales et politiques que nous subissons depuis des décennies .

Il faut discuter avec les organisations, les militants, les citoyens.

Parlons du mouvement profond qui secoue la société ; la crise persistante de la représentation politique deviendra alors plus facile à aborder.

 A quoi bon parler de candidatures, d’alliances ou de formules algébriques de gouvernance si l’on ne construit pas une pensée, une force politique en commun. 

Le temps politique n’est pas celui des « calendriers » , il n’est pas réductible aux échéances électorales, il ne suit pas les « narrations » des cuistres.  Il peut tout à coup se concentrer quand une fusion sociale se produit, quand une perspective s’ouvre.

 Mais une nouvelle défaite peut aussi cruellement l’étendre.

*Agonistique : terme employé à l’envi par Chantal Mouffe qui théorise le dissensus « jusqu’à l’agonie ». Sans doute faut-il le rapprocher de l’ « Ère du clash »de Christian Salmon et s’interroger sur la rupture de classe et la posture de rupture.

18 commentaires sur “Un long Premier mai”

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